Portraits d'ardéchois

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Anne-Marie RIVIER


1768-1838


"La Femme-Apôtre"

Sa vie à Montpezat

1768-1774 : Enfance douloureuse

Anne-Marie Rivier est née le 19 décembre 1768, à Montpezat, en Ardèche. Sa mère Anne-Marie Combe est originaire de la Haute-Loire, son père Jean-Baptiste Rivier originaire du Béage en Ardèche, est arrivé à Montpezat en 1733. Mariés depuis 1762 les parents exploitent une auberge dans le village. Anne-Marie qui est surnommée "Marinou" ou "Marinette", est le troisième enfant de la famille. Elle est baptisée dans l'église paroissiale de Notre-Dame-de-Prévenchères. Piétà de Montpezat sous Bauzon

Fin avril 1770, à l'âge de seize mois, elle fait une chute de son lit qui la rend infirme : elle ne peut plus marcher. Sa mère, femme de grande foi, la porte devant la statue de la Vierge Marie - "La Pietà" - d'une chapelle dédiée à Notre-Dame-de-Pitié (qui fut détruite pour réaménager la place de la République), et dédiée depuis à la bienheureuse Marie Rivier. C'est ainsi tous les jours pendant quatre années, afin de demander sa guérison. "Marinette" promet qu'en cas de guérison elle consacrera sa vie à faire l'école aux enfants.

Bientôt la petite fille qui regarde prier sa maman acquiert la certitude inébranlable : "La Sainte Vierge me guérira !" Laissée seule aux pieds de Marie tenant son enfant mort dans ses bras, elle contemple. Ce mystère d'amour fou s'imprime dans son cœur.

1774-1779 : La guérison

Le 7 septembre 1774, son père décède à l'âge de 36 ans. Puis le lendemain, jour des obsèques, Anne-Marie réclame ses béquilles et se met à marcher. Miracle ! Le 8 septembre 1774, c'est le jour de la nativité de la Sainte-Vierge. Sa guérison est certes incomplète. Elle commence à se rendre utile à la maison et continue de se rendre devant la "Piéta". Elle fréquente l'école paroissiale et s'occupe à sa manière des enfants. N'a-t-elle pas promis à la Vierge qu'elle serait institutrice ?

Le 31 juillet 1777, elle chute dans un escalier et se fracture une jambe. Marie redouble ses prières, tandis que sa mère lui enduit la jambe d'une huile conservée dans une fiole et provenant d'une lampe qui brûle nuit et jour dans le sanctuaire de Notre-Dame-de-Pradelles (Diocèse du Puy-en-Velay). Le 15 août, jour de l'Asomption, soit quinze jours après l'accident, "Marinette" est apparemment guérie de sa fracture et de toute infirmité. Elle a à peine neuf ans. Elle veut témoigner sa reconnaissance à Dieu.

1779-1786 : Études à Pradelles

En septembre 1780, afin de se préparer à être institutrice, Anne-Marie part avec sa sœur Cécile, dans le couvent de Pradelles (Haute-Loire), dirigé par les sœurs de Notre-Dame. Mais en mars 1782, la santé de "Marinette" se dégrade et sa mère décide de la ramener à Montpezat où elle restera pendant trois ans et demi, cotoyant les habitants. Elle a 17 ans. Son état de santé s'est amélioré, elle décide de retourner à Pradelles pour terminer son éducation. Elle y reste 8 mois. À la fin de son séjour elle demande à devenir religieuse. Sa petite taille (elle mesure 1,32m), sa santé déficiente sont des obstacles à sa requête. Déçue mais pas découragée, elle déclare : "Puisqu'on ne veut pas me laisser entrer au couvent, j'en ferai un moi-même".

1786-1794 : Institutrice

Revenue à Montpezat, Anne-marie demande au curé de diriger l'école paroissiale. Elle s'installe dans une maison appartenant aux sœurs du Tiers-Ordre. L'école ouvre ses portes malgrè l'hostilité d'une partie de la population ; Marinette y enseigne l'écriture, la lecture et le catéchisme. Les sœurs lui confient la formation des postulantes. Anne-Marie a beaucoup d'influence sur la jeunesse de son village, grâce à sa fermeté mais également sa douceur et sa bonté. En 1788, elle créé le "petit couvent" une communauté pour les jeunes filles de la paroisse. En 1789, elle est chargée de préparer les enfants, filles et garçons, à la première communion. À l'âge de dix-huit ans Marie Rivier se donne sans compter à l'évangélisation et au soin des pauvres.

De 1790 à 1792, malgrè l'opposition de la population de Montpezat, elle quitte son village pour se rendre à Saint-Martin-de-Valamas, afin d'instruire une jeunesse délaissée, sans instruction et sans religion. Mais, malade elle revient à Montpezat après vingt mois et fière d'avoir réussi une nouvelle fois.

À cette époque, la Révolution et la Terreur règnent et tout acte religieux devient suspect. Anne-Marie Rivier convoque en secret les assemblées du dimanche. Très prudente, elle reste l'apôtre au cœur de feu malgré tout ! La situation est inquiétante concernant les œuvres mises en place avant son départ qui sont menacées. La religion est outragée : l'église paroissiale est fermée au culte en 1792 et est transformée en grange, la chapelle Notre-Dame-de-Pitié  sert de salle de réunion à la municipalité. La conduite d'Anne-Marie reste cependant exemplaire, elle soutient les fidèles et fait de sa maison un couvent.

Le 23 novembre 1793, sa mère décède. Les biens de la famille sont partagés entre les quatre enfants. L'autorité révolutionnaire ordonne la vente de la maison qui abrite l'école. Tous ces évènements poussent Marie à se tourner vers Thueyts, bourg proche de son village natal, situé à cinq kilomètres.

Partie de Montpezat, le 14 juin 1794, elle s'installe au bourg de Thueyts, appuyée par le curé Pontanier, où elle reste jusqu'en 1819.

Fondation de l'Institut

1794-1797 Installation et fondation de l'Institut

Marie RivierDès son arrivée à Thuyets, Marie Rivier ouvre son école dans une maison appartenant aux sœurs tertiaires de Saint-Dominique. Les enfants fréquentent la classe en grand nombre. Parents et enfants témoignent leur reconnaissance à cette pieuse institutrice qui s'occupe également de l'éducation religieuse des adultes. Fin 1794, les prêtres n'ont pas le droit d'officier dans l'église de la paroisse ; les fidèles perdent l'habitude de fréquenter l'église. Anne-Marie Rivier rassemble la population pour la faire prier et redonner une instruction religieuse.

En 1794, la fièvre typhoïde se séclare dans le village, elle se rend auprès de son grand-père à Montpezat, reste elle-même alitée puis revient à Thuyets continuer ses œuvres.

En 1795 la situation religieuse est désastreuse, elle s'impose une nouvelle règle : "prier, travailler et se taire".

Bientôt quatre jeunes filles la rejoignent et se laissent gagner par le feu de l'Évangile (deux de Thuyets et deux de Montpezat)

À l'heure où tous les couvents ferment, Marie Rivier va ouvrir le sien. Le 21 novembre 1796, jour de la fête de la Présentation de Marie au Temple, Marie Rivier et ses quatre compagnes se consacrent à Dieu. La nouvelle communauté des Sœurs de la Présentation de Marie vit dans le plus complet dénuement et, en dépit de cela, grandit très rapidement.

Pour Marie Rivier et ses filles, l'éducation chrétienne de la jeunesse est et restera une priorité. Cependant, l'éducation de la foi s'étend aussi aux adultes. Le 17 novembre 1797 la congrégation s'installe dans un immeuble plus vaste.

1797-1804 Importance de l'Institut

De 1797 à 1799, toute la communauté religieuse de Thuyets ainsi que l'Institut de Marie Rivier sont victimes de persécutions dirigées par le Directoire de Privas. Elle fait face.

En 1799, elle rencontre Mgr Vernet grand vicaire de Viviers qui contribuera à la sauvegarde du couvent en difficulté lequel va même s'agrandir.

De 1799 à 1802, l'œuvre rayonne autour de Thueyts. De nombreuses fondations voient le jour dans tout le Vivarais. Des fidèles privés de la parole de Dieu pendant la Révolution  sont désireux de renouer avec le culte.

Marie Rivier envisage de laisser sa charge de supérieure de l'Institut. Malade pendant plusieurs semaines, elle guérit et reprend ses activités.

La paix religieuse rétablie, l'Institut prend de l'importance et reçoit de nombreux soutiens. Monseigneur d'Aviau archevêque de Vienne se fait le protecteur et le père de l'Institut. La Comtesse d'Antraigues manifeste également son soutien. Le souverain pontife envoie sa bénédiction.

1804-1819 Prospérité de l'Institut dans une période troublée

L'Institut s'organise : le nom est inchangé - Institut de la Présentation de Marie - , à la traditionnelle robe noire des sœurs et des novices, on ajoute un voile et une croix en argent, les règles du noviciat sont l'humilité, la simplicité et le zèle.

De janvier 1805 à janvier 1808, 23 nouvelles écoles s'ouvrent dans le département de l'Ardèche.

Mgr Vernet quitte Thueyts pour se rendre au séminaire de Viviers, Marie Rivier voit ainsi partir son ami et confident. Elle songe à nouveau à démissionner de sa fonction de Mère Supérieure.

L'attitude hostile du gouvernement impérial à l'égard du Pape, interrompt les démarches pour obtenir la reconnaissance légale de l'Institut.

De 1810 à 1815, les troubles politiques (guerres, chute de Napoléon, restauration des Bourbons, Cent Jours) ne pertubèrent pas Marie Rivier qui garde confiance en la Providence. D'autres fondations voient le jour dans d'autres départements. La maison de Thueyts est devenue trop petite ; un ancien couvent des Visitandines laissé à l'abandon à Bourg-Saint-Andéol est acheté par acte notarié du 17 novembre 1815. Après travaux, la congrégation s'installe à Bourg-Saint-Andéol le 15 avril 1819.

Les pauvres sont privilégiés ; le premier orphelinat ouvre le 21 novembre 1814. Et même si les Soeurs vivent pauvrement, l'accueil des plus pauvres reste sacré.

1819-1822 : Règles et constitutions de l'Institut

Installée à Bourg-Saint-Andéol, la congrégation s'organise. Elle est confrontée à de nombreuses difficultés administratives : sa demande d'autorisation légale reste sans réponse. Devant le mécontentement général, un arrangement intervient entre le Préfet de l'Ardèche (Jacques Paulze d'Ivoy) et les religieuses. Les règles devant régir l'Institut sont distribuées le 9 septembre 1822.

1822-1837 : Nouveaux développements et nouvelles épreuves

Marie Rivier est sollicitée pour donner des conseils. Des personnalités deviennent des bienfaiteurs de la congrégation. Elle rend visite aux établissements de son Institut dispersés sur huit diocèses. Son état de santé nécessite un séjour d'un mois à Aix-en-Provence. Diriger la congrégation est une lourde tâche pour la Vénérable Mère à la santé fragile qui accumule soucis et fatigue.

Le 29 mai 1830, le roi Charles X signe une ordonnance reconnaissant légalement la Congrégation de la Présentation de Marie. Puis s'ensuivent des troubles avec l'avènement de Louis-Philippe ; une crise économique et le choléra en 1832 et 1835.

La santé de Marie Rivier est très préoccupante.

Fin de vie

Le 24 décembre 1837, la Vénérable Mère participe à sa dernière fête de Noël.

Lorsqu'elle meurt, le 3 février 1838, cette apôtre au cœur de feu a fondé 141 maisons, reçu plus de 350 sœurs pour continuer son œuvre.

Marie Rivier "prophète pour notre temps", a été déclarée "Vénérable" par le pape Pie X le 12 mai 1833, puis "Bienheureuse" (béatifiée à Rome) le 23 mai 1982 par S.S. le pape Jean-Paul II.

 

Aujourd'hui :

Sa parole prophétique : "Mes filles traverseront les mers" va bientôt se réaliser : la première fondation hors de l'Europe a lieu dès 1853, à Marieville, au Québec.

Aujourd'hui, les 1 500 Sœurs de la Présentation de Marie se trouvent en vingt pays à travers le monde: la France, la Suisse, le Canada, les États-Unis, l'Angleterre, l'Espagne, l'Italie, le Madère-Portugal, le Mozambique, le Japon, les Philippines, le Sénégal, la Gambie, l'Irlande, le Pérou, le Brésil, le Cameroun, l'Équateur, le Burkina Faso, l'Indonesie. Le Généralat est présentement situé à Castelgandolfo en Italie.

Cependant, la priorité demeure l'éducation chrétienne de la jeunesse par l'enseignement. À ce niveau, surtout, se vit une intense et féconde collaboration entre religieuses et laïcs.

Sources

- The Sisters of the Presentation of Mary

- Portrait d'une Sainte : Anne-Marie Rivier par Pierre Nicolas, dans le Bulletin annuel de l'Association "Enfants et Amis de Montpezat", 1993.

- Marie Rivier : la Femme-Apôtre par Liliane Coudène-Dellerie, dans le Bulletin annuel de l'Association "Enfants et Amis de Montpezat", 1996.