Portraits d'ardéchois

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Marcel SANIAL


1887 - 1967


Curé, patriote, républicain et résistant

Marcel Sanial est né le 29 mars 1887 à Sardiges, paroisse de Mézilhac, hameau situé à environ 750 mètres d'altitude, en contrebas de Mézilhac, qui avait une école publique et une école privée jusqu'en 1950. .

Le père Sanial, était un homme qui en imposait. Ce fils de paysans à l'aspect sévère, au langage direct, voire bourru, trés cultivé, Louis Orset l'a découvert peu à peu, au fil des années, ancien du mouvement du Sillon de Marc Sangnier, lié à la démocratie chrétienne et au Front Populaire en 1936, puis à la Jeune République, artisan de l'œcuménisme avec le Pasteur Chalamet à Tournon, tenu en suspicion par une partie de la bourgeoisie locale - le député était alors Xavier Vallat - et même par une suspicion ecclésiale, certains ne le surnommaient-ils pas "le curé rouge"… Et cependant, il avait fait sa place à Tournon par sa simplicité, son sens social, son écoute des gens.

Et puis, ce fut la guerre, l'occupation. On sait alors son évolution à travers ses sermons. Comme beaucoup de Français en 1940, il parle de redressement national, avec Pétain. Mais dès la fin de 1940, il parle d'une France de liberté. À Pâques 1941, il ne cite plus le Maréchal, ni la Révolution Nationale. En août 1941, il met en avant la nécessité… "de ne pas instaurer un régime en contradictions avec les libertés séculaires".

Marcel Sanial
Marcel Sanial (image Dauphiné Libéré)

 

En 1942, il fait écho aux lettres pastorales de Monseigneur Saliège de Toulouse et de Monseigneur Théos de Montauban. De Monseigneur Saliège : " Les juifs sont des hommes, les juives sont des femmes, les étrangers sont des hommes, les étrangères sont des femmes. Tout n'est pas permis contre des pères et des mères de famille. Ils font partie du genre humain. Ils sont nos frères, comme tant d'autres. Un chrétien ne peut l'oublier…" Et de Monseigneur Théos : "Je fais entendre la protestation indignée de la conscience chrétienne et je proclame que tous les hommes, aryens et non aryens, sont frères parce que créés par le même Dieu, que tous les hommes, quelles que soient leur race et leur religion ont droit au respect des individus et des États. Or les mesures antisémites actuelles sont un mépris de la dignité humaine, une violation des droits les plus sacrés de la personne et de la famille".

Ces textes il les avait repris dans le "Témoignage Chrétien" clandestin ; un grand moment dans la vie du Père Sanial. Dès l'été 1941, il avait pris contact avec l'équipe du père Chaillet à Lyon. Il organise l'arrivée de "Témoignage Chrétien", à la gare de Tournon avec la complicité de Camille Douzet, cheminot jociste. Une petite anecdote en passant relatée par Louis Orset dans son allocution du 9 juin 2013 :" un jour, en congé Camille n'était pas là pour prendre possession du colis. Le père Dessemont qui effectuait la livraison des colis à domicile pour la Maison Escoffier a promené tout le jour dans Tournon le colis clandestin. Le lendemain matin il s'est plaint à la gare : "Il y a là un colis adressé au n°7 de la rue des Graviers, mais il n'y a que 4 numéros dans la rue. Qu'est-ce qu'on en fait ? " Heureusement Camille de retour, a fait le necessaire ! les orgues de Saint-Julien, alors désaffectées étaient un lieu de recel idéal, avant la distribution dans tout le Nord de la Drôme et de l'Ardèche.

Le père Sanial ce fut aussi l'un des principaux acteurs de la Résistance locale. Dès la fin de 1941, des contacts nombreux sont établis : avec Maurice Desfonds cheminot, Jean Delas, le professeur Marc Niel un protestant, l'aumonier fédéral de la JOC René Fraisse et Louis Misery d'Annonay, Martial Acquier adjudant-chef de la gendarmerie (à l'origine de la 3e Cie de l'Armée Secrète), Edmond Plantier instituteur communiste à Mauves, et bien sûr l'abbé Vergnes vicaire et son équipe de JOC futur noyau de le 3e Cie de l'A. S., et tant d'autres. Le presbytère devient le lieu de rencontres et de préparation des actions de Résistance, voire d'accueil de personnes recherchées par les Allemands, ou de personnalités de la Résistance comme Rémy Roure… Fin 1943, Edmond Plantier et Raoul Galateau, du Front National et des Francs Tireurs et Partisans Français proposent au Comité Départemental de Libération de l'Ardèche d'accueillir le père Sanial, comme représentant des catholiques engagés dans la Résistance.

Louis Orset dit n'avoir pas eu de contacts directs de Résistance avec le père Sanial, en dehors de "Témoignage Chrétien". Il n'avait de contacts qu'avec la "dizaine" de l'Armée Secrète dont il faisait partie, dont le Chef était Max Fréchon, alias "Bichon". Le père Sanial devait sans doute savoir ce qui se passait sur l'exploitation agricole de la mère de Louis Orset. Un jour dans son bureau à la cure, Louis Orset tenta de lui en parler. Le père Sanial l'arrêta net : "Tais-toi ! je ne veux rien savoir de toi… et tu ne dois rien savoir de moi…". C'était clair ; il se le tint pour dit.

Le père Marcel Sanial est mort à Aubenas, le 26 janvier 1967.

 

Le père Sanial, ce fut, et c'est encore, la paroisse Saint-Julien de Tournon-sur-Rhône. Depuis des dizaines d'années, le père Sanial, c'est une paroisse vivante, active, ouverte. Grâce à lui. Grâce aux prêtres qu'il a formés, qui ont pris le relais et qui ont su donner la parole aux laïcs. C'est pour tout cela, que pour les Tournonnais il est encore présent.

Un espace Marcel Sanial a été inauguré à Tournon-sur-Rhône, face à la collégiale Saint-Julien, le dimanche 9 juin 2013.

Sources

- Allocution de Louis Orset, Président d'honneur du Comité pour la Paix, à l'occasion de l'inauguration, faite le 9 juin 2013, du Square Marcel Sanial, devant la Collégiale Saint-Julien, à Tournon.