Portraits d'ardéchois

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Achille-Albert SEIBEL


1844-1936


Hybrideur de vigne

C'est dans le contexte d'une véritable catastrophe nationale dans la viticulture que se révèle le génie des hybrideurs ardéchois Eugène Contassot, Georges Seibel et Georges Couderc. Venu des États-Unis, le phylloxéra attaque le vignoble français d'abord dans le Gard puis en Ardèche. Certains sont partisans de la reconstruction du vignoble par des plants américains, d'autres de conserver les cépages anciens en les traitant par le sulfure de carbone. C'est alors que l'idée de l'hybridation ouvre une nouvelle voie. Il s'agit de croiser les espèces pour allier la robustesse des plants américains à la qualité des plants européens.

Albert Seibel est né à Pont-d'Aubenas un quartier d'Aubenas, en Ardèche, en 1844, son père est tonnelier-brasseur. Il est le cadet d'une fratrie de trois garçons.

Albert Seibel (1844-1936) hybrideur d'Aubenas
Albert Seibel

Il fait des études d'ingénieur agricole.

Veuf très tôt, sans enfant, il ne se remaria pas.

Phylloxera

Des boutures de vignes américaines furent importées en Europe vers les années 1860, personne ne se doutait alors du désastre général qui allait s’ensuivre : la destruction du vignoble européen par le Phylloxéra. Dans les années 1860, le Phylloxera fait diminuer la production de vin en Europe des deux tiers (70%). Les vignes sauvages Vitis rupestris et Vitis riparia, étant résistantes au phylloxéra de la vigne, leur introduction en Europe comme porte-greffe a permis de rétablir la situation et de créer un nouveau vignoble, constitué d'hybrides résistants.

Pour lutter contre le Phylloxera, les viticulteurs sont partagés entre, d'une part les partisans de l'utilisation de plants américains, mais ceux-ci sont porteurs de pucerons, et d'autre part ceux qui défendent les cépages anciens, meilleur en qualité, mais nécessitant un traitement au sulfure de carbone, coûteux et souvent inefficace.

Hybridation

C'est alors que s'ouvre une nouvelle voie : l'hybridation. Dès 1886, deux hybrideurs ardéchois célèbres, Georges Couderc et Albert Seibel, croisent les espèces, pour allier la robustesse des cépages américains à la qualité des vieux plants traditionnels, ceci en fécondant le pistil d’une espèce avec le pollen d’une autre espèce et ainsi obtenir un hybride de plant américain.

Il bénéficie comme Georges Couderc des pépins de raisins obtenus d'Eugène Contassot un pâtissier d'Aubenas qui greffa des plants américains résistants sur des vignes de son jardin.

Passionné de viticulture, Albert Seibel entreprend la fabrication d’hybrides de vigne européenne (Vitis vinifiera) avec des vignes originaires d’Amérique du Nord. Dans un premier temps, Albert Seibel observera puis multipliera les meilleurs plants. Afin de dissuader les faussaires, il créera dans une constance inimaginable, plus de 15 000 hybridations et proposera au commerce plus de 2 000 cépages différents. Son catalogue se renouvellera sans cesse. Numérotés au fur et à mesure des obtentions… le plus grand de tous, le 7053, qui remplacera en son temps le 1000, l’une de ses premières créations ; toutes deux à la maturité hâtive, très utiles, elles permirent à toute une série de zones un peu en marge de la viticulture de regoûter au vin.

En 1895, il fonde une école pour enseigner les méthodes de greffe.

Dans les années 1922-1923, Albert Seibel avait embauché un de ses neveux Maurice Seibel pour s’occuper d’une propriété qu’il venait d’acheter à Montboucher (domaine de L’Orgeat) dans la Drôme. Ce neveu ne répondant pas à ce qu’attendait Albert Seibel, il ne l’a pas gardé ; il s’en est séparé en 1924. Il se peut que ce neveu ait été victime de faux témoignages de la part d’un maître valet en place sur cette propriété.

Souhaitant pérenniser son œuvre en lui donnant une structure plus scientifique, Albert Seibel embaucha alors un nouvel ingénieur agricole de l’école d’agriculture de Grignon, Monsieur Henri-Jacques Largillier (1902-1951) en 1925 ou 26. Il en fut tellement satisfait qu’il “arrangea” (ou du moins on le suppose !) un mariage avec Marguerite Seibel, la petite fille de son frère Georges Théodore. Il les installa à L’Orgeat, à Montboucher ; lui, restant à Bellande, à Aubenas, avec une fidèle gouvernante, Henriette Fournet.

Pendant près d’un demi-siècle les hybridations obtenues par Albert Seibel ont représenté plus d’un quart de l’encépagement français, ainsi qu'une part considérable dans tous les vignobles d’Europe.

Le produit de la vente de millions de plants avait permis à Albert Seibel de constituer une fortune assez considérable (le domaine de Lorgeat à Montboucher-sur-Jabron, le domaine de Sévenier à Lagorce, le domaine de Bellande à Aubenas), qui fut hélas dispersée après son décès.

La Loi du 24 décembre 1934 interdit les cépages hybrides producteurs directs américains et français, officiellement pour assainir le marché du vin.

Dès sa mise en place en 1935, les tendances traditionalistes du pouvoir viticole français (I.N.A.O. : Institut National des Appelations d'Origine) ont peu à peu jeté le discrédit sur les travaux de Georges Couderc et Albert Seibel. Une majorité d'experts les ont décrétés sans intérêt et sans avenir, étant donné la qualité soi-disant médiocre des vins obtenus à partir de ces premiers croisements appelés hybride producteur direct ;

 

À la mort d'Albert Seibel à Aubenas le 5 février 1936, les Largillier quittèrent Lorgeat et créèrent les pépinières Largillier-Seibel à Montélimar et prolongèrent ainsi l’œuvre d’Albert Seibel jusqu’en 1950 environ, après la mort d’Henri-Jacques Largillier. C’est donc bien les Largillier qui accompagnèrent Albert Seibel dans son travail et qui le poursuivirent après son décès. Un de ses arrière petit-neveu est en possession du répertoire général des observations et origines des hybrides de 1927 à 1933 soit du n° 1 au n° 10999.

Reconnaissant les Largillier obtinrent qu'une rue d'Aubenas porte le nom d'Albert Seibel.

rue Albert Seibel Aubenas

 

Sources

 

- "Les inventeurs d'hybrides au secours du vignoble, Eugène Contassot, Georges Seibel, Georges Couderc" par Marie-José Volle, Guy Boyer et Jacky Reyne dans "Cahier de Mémoire d'Ardèche et Temps Présent", n° 95, 2007.