Portraits d'ardéchois

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Jean-Louis GIRAUD dit SOULAVIE


1752-1813


Prêtre, diplomate, géologue, historien

Jean-Louis Giraud-Soulavie est né le 8 juillet 1752 à Largentière dans une famille de bourgeoisie rurale originaire d'Antraigues. Jean-Louis Soulavie fit ses études en Avignon au Collège Saint-Nicolas et au Séminaire du Saint-Esprit (1771-1776).

Prêtre à Antraigues

Ordonné prêtre en 1776, il est nommé aussitôt vicaire d'Antraigues, où il ne reste que très peu de temps. C'est cependant là qu'il découvre les volcans du haut-plateau ardéchois et s'adonne, en dehors des heures qu'il doit à son ministère, à des recherches géologiques, botaniques ou historiques.

Diplomate

Orientation vers l'Histoire et la Politique

Jean-Louis Giraud-Soulavie, est chanoine à Sainte-Croix d'Étampes, puis il se fixe à Paris en 1780. Homme d'église contestataire, certains l'ont surnommé le "vicaire rouge". Jean-Louis Giraud-Soulavie a été un des premiers prêtres à abandonner la robe pour se marier. Son mariage sera même confirmé par le pape (par un bref de sécularisation). Il prête serment à la République en 1790 et en octobre 1792, il épouse une demoiselle Mayaud, fille d'un ancien notaire de Largentière.

Jacobin (il adhère à ce club le 4 juillet 1790), diplomate, protégé de Robespierre, il a été le premier éditeur de Saint-Simon en 1791.

Il entre en 1793 au Ministère des Affaires Étrangères. Le 25 mai 1793, il est nommé par le Conseil exécutif résident de la République française (diplomate) à Genève et dans le Valais, où il arrive le 3 juillet. Il est en constante communication avec le révolutionnaire genevois Jacques Grenus, qui prône l'annexion de Genève à la France.

Dénoncé à la Convention après le 9 Thermidor  (1794) comme un des partisans de Robespierre, il est révoqué par le comité de salut public le 22 fructidor an II (8 septembre 1794) ; son successeur, Pierre-Auguste Adet, arrive à Genève le 19 septembre 1794, avec un ordre pour le faire arrêter. Soulavie est enfermé au château de Tournai puis, le lendemain, il est expulsé vers la France, lié et garrotté, et emmené vers Paris sous la garde de quatre gendarmes, où il est incarcéré à la maison d'arrêt Talaru (rue de Richelieu à Paris) ; il Y restera emprisonné pendant un an.

Dès lors, malgré des tentatives pour jouer un rôle de conseiller diplomatique auprès des gouvernements successifs, Giraud-Soulavie est tenu à l'écart des emplois publics. Ingénieur géographe il finira chef du dépôt des cartes au ministère de la guerre. Il est un des précurseurs du transformisme et le fondateur de la paléontologie stratigraphique.

Historien et paléontologue

Dès sa jeunesse,Giraud-Soulavie s'intéresse aux sciences naturelles et à l'histoire. Giraud-Soulavie

De 1780 à 1784, il publie son œuvre majeure, l' Histoire naturelle de la France méridionale, en 8 volumes, restée inachevée. Dans cet ouvrage, dont une large part est basée sur des observations personnelles effectuées en Vivarais avant 1780, Soulavie se révèle comme un précurseur en géologie et géographie physique. En géologie, en effet, il pose les principes de la succession chronologique des couches sédimentaires superposées et de l'identification de celles-ci par leurs fossiles caractéristiques et il pose également les jalons du transformisme généralisé à l'origine des espèces actuelles. En géographie physique, il effectue le repérage et la comparaison du matériel géologique et son façonnement par les agents morphologiques, établit les bases de la géographie des plantes (étages de végétation), fonde la notion de région naturelle (découpage du Vivarais en régions naturelles, repris par les géographes modernes). Il a également des vues justes sur le creusement des vallées par l'érosion fluviale et sur la datation de ces creusements.

C'est surtout l'étude des fossiles, la paléontologie, qui est le grand critère pour retrouver l'âge des terrains : ces objets étranges intriguèrent longtemps les observateurs, qui n'en surent en tirer que des théories fantastiques. Ce n'est qu'en 1783, - il y a à peine plus de deux siècles, - que Giraud-Soulavie remarqua que les fossiles sont distribués par couches de divers âges et non par lieux géographiques.

Coupe verticale Montagnes Vivaroises
L'une des premières coupes figuratives représente l'étagement montagnard de la végétation (Giraud-Soulavie, 1784 : " Coupe verticale des montagnes vivaroises. Limites respectives des climats des plantes et mesures barométriques de leur hauteur sur le niveau de la Méditerranée"

L'auteur distingue quatre " climats " (étages) : ceux des oliviers, des vignes, des châtaigniers et un climat alpin, dont il représente les limites supérieures, sur un profil topographique assorti de la localisation symbolique des villes et villages et d'une représentation des formations végétales.

Jean-Louis Giraud-Soulavie crée un scandale en remettant en cause par ses études, et surtout ses conclusions sur l'âge de la terre (des centaines de millions d'années pour le façonnement du globe), les Écritures qui fixaient, selon le moine Assérius, le commencement du monde à moins de quatre mille ans avant Jésus-Christ.

 

Ces idées, qui pouvaient sembler remettre en cause les données textuelles de la Bible, déclenchèrent les attaques de l'Abbé Barruel, publiées dans les Helviennes (1781-1788). Doté de forts appuis, dont celui de l'archevêque de Narbonne, fréquentant assidûment les salons parisiens, Giraud-Soulavie surmonta ces difficultés, obtint une cure en Normandie (1787), puis fut nommé vicaire général de Châlons-sur-Marne (1788), où il ne résida pas.

Giraud-Soulavie est privé de l'honneur de prononcer devant le roi un discours et se voit refuser un canonicat de Viviers, qui pourtant lui était promis.

Sa production scientifique, par contre, s'arrête étrangement à partir de 1785 et Giraud-Soulavie, dès lors, ne semble plus s'intéresser qu'à l'histoire contemporaine. Grand collectionneur de manuscrits et d'estampes, il publie beaucoup entre 1789 et 1792, puis de nouveau à partir de 1799 mais nombre de ces publications, résultats de compilations ou éditions de mémoires plus ou moins authentiques, le firent passer parfois pour un faussaire (édition des Mémoires de Saint-Simon EN 1791, Mémoires de Richelieu, etc.).

 

Jean-Louis Giraud-Soulavie est mort à Paris le 11 mars 1813. Sur son lit de mort, Giraud-Soulavie se réconcilie avec l'Église et avec son ancien ennemi, l'Abbé Barruel, et, ce qui est plus étonnant, se repent des erreurs publiées contre la religion dans ses livres. Il laisse à ses héritiers une fortune importante dont l'origine est mal éclaircie.

Sources

 

- "L'Ardèche à la page"par Jean-Marc Gardès Éditions FOL Privas, 1990, tome II page 75.

- Tétry (A.), "Notice sur J.L. Giraud-Soulavie" dans Dictionnaire de biographie française, T. XVI, col. 251-252.

- Mazon (Albin), Histoire de Soulavie (naturaliste, diplomate, historien), Paris, 1893, 2 vol.

- Mazon (Albin), Appendice à l'histoire de Soulavie, Privas, 1901.

- Aufrère (L.), Soulavie et son secret. Un conflit entre l'actualisme et le créationnisme - Le temps géomorphologique, Paris, 1952.

- Chevalier (Michel), "L'abbé Soulavie, précurseur ardéchois de la géographie moderne (1752-1813)" dans Revue du Vivarais, T. XC, n°2, 1986, p. 81-100.

- Dans son avertissement aux Lettres sur la minéralogie écrites par M. L'abbé Roux(T. VI, p.277), Soulavie signale l'engouement de ses compatriotes pour les science .