Portraits d'ardéchois

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Gustave THIBON


1903-2001


Métaphysicien, poète, autodidacte

… les intimes racines ancestrales …

Si Gustave Thibon est un guide admirable, c'est que lui-même est guidé par l'admiration, laquelle n'obscurcit jamais son discernement, ni cette capacité de rendre aux œuvres dont il parle toute leur signification et toute leur portée. L'Académie Française a reconnu en lui, l'homme qui, en France, aura le mieux récapitulé ces deux millénaires de christianisme marqués à l'origine par les idées grecques et romaines et à la fin, par l'esprit réducteur de la science moderne.

 

Gustave Thibon est né le 2 septembre 1903, à Saint-Marcel-d'Ardèche. Avant d'être autodidacte, dès son plus jeune âge, il reçut de son père les nourritures intellectuelles. Tandis que son père écrivait des vers, "À sept ans, dira-t-il un jour, je récitais force poèmes de Leconte de Lisle, Hérédia et bien sûr de Mistral et Aubanel, en provençal".

Les années d'apprentissage

Contraint d'abandonner l'école à l'âge de 13 ans pour assurer la subsistance de sa famille, Gustave Thibon sera toute sa vie animé par une intense soif de connaître.

Sa jeunesse aventurière le conduit à Londres, en Italie puis en Afrique du Nord pendant son service militaire. Il apprend l'anglais, l'italien et fait connaissance avec Nietsche. Les horreurs de la guerre de 1914-1918 le marquent profondément et le confirment dans son rejet du patriotisme revanchard et de la démocratie. "Comment pardonner cela à l'humanité? Ce fut la guerre civile dans toute son horreur, la mise à mort d'un monde pour des raisons dont aucune ne tenait debout. Toute cette jeunesse sacrifiée !"

"L'homme ne sait pas ce qu'il veut, mais il sait très bien qu'il ne veut pas ce qu'il a".
Gustave Thibon (Extrait de "L'ignorance étoilée".)

 

À   l'âge de 23 ans, il revient au mas familial et se remet à l'étude et découvre la littérature, tout en poursuivant le travail de la terre. Il s'adonne alors à l'étude des mathématiques, de l'allemand, du latin et du grec ancien pour satisfaire un appétit de connaissance qui prenait désormais le pas sur le goût de l'aventure. Après avoir fréquenté Hegel, Thomas d'Aquin, Nietzsche, Klages, il se tourne vers Saint Jean de la Croix et Thérèse de Lisieux, la langue et la culture espagnole et découvre Simone Weil. Au contact de ces maîtres, il développe une pensée d'une extraordinaire fécondité qui n'est inféodée à aucune mode et qui échappe à tout encadrement. Son écriture est à la fois poétique, prophétique et mystique.

À  vingt-cinq ans, l'Européen Thibon était formé. Il n'était pas encore chrétien. Son père l'avait élevé plus près du Dieu de Victor Hugo que de celui de l'église de Saint-Marcel d'Ardèche, tout en poursuivant le travail de la terre.

Les années de l'équivoque

 

Gustave Thibon
Gustave Thibon

À partir des années 1930, il écrit dans de nombreuses revues : Les Études carmélitaines en particulier, mais aussi Orientations, La Vie spirituelle, Civilisation, ainsi que, à partir de 1964, dans la revue belge Le Billet de Waasmunster. Ces articles étaient consacrés aux problèmes d'actualité.Le premier article de Gustave Thibon s'intitulait "Qu'est ce que l'intelligence ?". Il ajoutait des réflexions de la philosophie.

Le premier ouvrage de Thibon, paru en 1934, est "La Science du caractère (l'Œuvre de Ludwig Klages)" :

"Prêt à risquer pour Dieu tout ce qui n'est pas Dieu", il a élaboré une réflexion en étroite consonance avec la quête spirituelle des hommes et des femmes d'aujourd'hui. "J'aime notre époque, écrivait-il, parce qu'elle nous force à choisir, entre la puissance de l'homme et la faiblesse de Dieu."

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En 1939, Gabriel Marcel édite et préface un recueil de ses articles qui paraît en 1940, "Diagnostics, - essai de psychologie sociale" - et qui est son premier livre à toucher un vaste public. Ce livre est à l'origine d'un quiproquo.

À deux reprises, au début des années 1940 puis au début des années 1960, Gustave Thibon se trouve sous les projecteurs de l'actualité, parce que sa pensée entre en harmonie avec les préoccupations immédiates de l'époque et l'idéologie à la mode :

Dans les années 1940, réflexion sur les causes de l'effondrement de la France et « retour à la terre ». Le régime de Vichy qui cherche des cautions morales et intellectuelles tente de récupérer Gustave Thibon qui a toujours refusé toute espèce de distinction sociale que son œuvre aurait pu lui rapporter (poste officiel, chaire, décorations, fauteuil académique).

Dans les années 60, réflexion sur les impasses du progrès industriel.

Gustave Thibon est conduit à s'intéresser à l'organisation de la cité qui doit faire en sorte que les contingences temporelles contrarient le moins possible la vocation humaine à l'éternel. Pour Thibon, l'homme se condamne lui-même en se coupant à la fois de ses racines naturelles et de ses origines surnaturelles, en ignorant la dimension cosmique aussi bien que la profondeur divine de l'existence, l'une répondant de l'autre.

En 1941, il est avec d'autres le futur initiateur des prêtres ouvriers.

Rencontre avec Simone Weil

L'un des événements les plus marquants de sa vie est sa rencontre avec Simone Weil (1909-1943). C'est en 1941 qu'il accueille cette dernière dans sa ferme en Ardèche. Chassée de l'université, (parce que juive, intellectuelle de la gauche révolutionnaire, en quête de pensée mystique pendant la guerre), après son expérience d'ouvrière chez Renault, elle veut tenter une expérience analogue de travailleuse agricole.

C'est, de son propre aveu, la "grande rencontre" de sa vie : en quittant la France pour l'Amérique, en mai 1942, Simone Weil abandonne à Thibon ses cahiers, en lui en laissant la "complète propriété". "Vous êtes français comme on ne l'est plus depuis trois siècles" lui disait-elle. Il publie en 1947, le manuscrit de "La Pesanteur et la grâce", qui révèle au monde la personne et l'œuvre de Simone Weil. Dans sa préface originelle, Gustave Thibon s'explique longuement sur les circonstances de cette amitié ; puis en 1952, dans le livre qu'il écrit avec le P. Perrin, "Simone Weil telle que nous l'avons connue".

De 1942 à 1944, il est l'un des principaux animateurs de l'hebdomadaire "Demain" que dirige Jean de Fabrègues et qui sert de couverture à une activité de soutien aux prisonniers. Sur le conseil de Thibon, l'hedomadaire se saborde au printemps 1944 pour resurgir sous une forme clandestine, "Destin".

Le 27 octobre 1949, Vernon Mallinson, écrit à propos des publications de G. Thibon :

"La publication de ses livres pendant les années de l'occupation allemande était un événement important, parce qu'ils contenaient un défi implicite au défaitisme et à l'apathie dans lesquels étaient tombés beaucoup de ses contemporains en France".

Les années après-guerre

Les "Entretiens de Gustave Thibon" avec Philippe Barthelet, publiés en 1988 aux Éditions de la Place Royale, rendent vivante la figure de ce philosophe éducateur qui vient, encore une fois, nous "inviter à penser". Il est temps de redécouvrir le sage, le métaphysicien et le poète.

Gustave Thibon est un prodige : un homme vivant, au milieu des livres. Non seulement parce que ce philosophe poète connaît par cœur des milliers de vers, tant français que provençaux, latins, italiens, allemands, espagnols mais surtout parce qu'il donne l'impression, impression qui est une réalité, d'être en communion avec leurs auteurs. Dans ces entretiens Gustave Thibon évoque ceux qu'il a connus, poètes, artistes, philosophes.

À la recherche d'une bouffée d'air pur ? Relire ce livre, plonger de nouveau dans l'histoire de ce XXe siècle s'ouvrant sur la guerre civile européenne et s'achevant sur le fait terroriste du 11 septembre.

Ce livre d'entretien aurait pu ou du être titré ''entretiens avec mon grand-père'', tellement la voix est proche, familière, douce et bouleversante. Gustave Thibon avant de quitter le siècle, le regarde avec affection, familiarité et évite de justesse une pointe de désespoir.

Dans notre siècle de certitudes immédiates, quel bonheur d'aller à la rencontre des écrivains, des poètes, des philosophes accompagnés par Gustave Thibon. Parler de la poésie, de la métaphysique, de la science, de la religion, de la télévision au lieu des chiens écrasés des médias abrutissant…Les considérations les plus intéressantes de ces entretiens se trouvent dans les propos échangés sur la civilisation, l'histoire et les rapports, par l'histoire et la mémoire, du temps et de l'éternité.

"La mémoire, dit Thibon, est aussi bien le souvenir du passé que le véhicule de l'éternel : c'est la réminiscence platonicienne, qui ne remonte à l'éternel qu'à travers le trésor du passé".

Or tout tend aujourd'hui à l'effacement du passé, sinon à celui du présent : la vie moderne est "discontinuité pure".

Cette phrase inscrite en tête d'un cahier de Simone Weil : ''La vérité c'est une agonie qui n'en finit pas. La vérité est du coté de la mort. Il faut choisir, mourir ou mentir. Je n'ai jamais pu me tuer, moi.'' Quand la prose évoque avec la force de la poésie…

Gustave Thibon est surtout l'ami des poètes et de la poésie, élément fondamental de sa vie intellectuelle et spirituelle : "Je ne peux passer une journée sans me dire et me redire des vers". Thibon récite maintes strophes de Victor Hugo dont il apprécie particulièrement les dernières oeuvres : "Dieu" ou "La Fin de Satan". Il évoque également, au fil des pages - et c'est un véritable régal –

Péguy, Bernanos, Nietzsche, Klages, Maurras, Cocteau, Céline, Proust mais aussi Héraclite, Parménide, Pythagore, Marc-Aurèle,

Jean Hugo, Marie Noël, Milosz et Catherine Pozzi, Charles Peguy, Marie Nöel, Montherlant, Paul Valéry, Mallarmé, Raoul Ponchon….

À la question posé à Philippe Barhelet : Peut-on dire que Thibon était maurassien ? celui-ci répond :

"Thibon n'a jamais été maurrassien. Il a dit lui-même, non comme un regret mais comme un fait, que Maurras n'avait compté en rien dans sa formation littéraire et intellectuelle. Il ne l'a rencontré qu'à la fin de sa vie, comme il le raconte. Ils se sont rencontrés autour de Mistral, de la Provence et de la poésie. Rien de « maurrassien » au sens du catéchisme idéologique chez lui. Vous avez dû vous en rendre compte d'ailleurs, même sa conception de la royauté, de fondation poétique – et par là religieuse – est très loin de l'«empirisme organisateur». Les deux n'ont rien à voir."

La "clé de voûte de l'œuvre est l'exigence d'unité », « tel est le sens de cet aristocratisme spirituel », selon Philippe Barthelet.

Gustave Thibon

 

Récompensé deux fois, par l'Académie Française, Gustave Thibon reçoit le Grand prix de littérature de l'Académie française en 1964, et le Grand prix de philosophie de l'Académie Française en 2000.

 

Penseur monarchiste et catholique, souvent présenté comme un "philosophe paysan", il a publié plus d'une vingtaine d'écrits, abordant des sujets comme la présence de la foi, la domination de la technique. Il commence à publier dès 1941 :
"Le voile et le masque" (1941),
"Destin de l'Homme"
(1941),
"L'échelle de Jacob" (1942),
"Retour au réel" (1943),
"Ce que Dieu a uni"
(1945),
"Le pain de chaque jour" (1946),
"Nietzsche ou le déclin de l'esprit"
(1948),
"Paysages du Vivarais" (1949)
"La crise moderne de l'amour"
(1953),
Et surtout à partir des années 1970 :
"Notre regard qui manque à la lumière" (1970)
,
"L'ignorance étoilée" (1974) ,
"L'équilibre et l'harmonie", (1976),
"L'illusion féconde" (1995).
Titre paradoxal sous la plume d'un homme qui n'a jamais cessé de dénoncer la stérilité de l'illusion.
"Au soir de ma vie" (1993).
Mémoires recueillies par Danièle Masson
"Notre regard qui manque à la lumière" parue en 1995 "La voix solitaire qui sait réveiller dans l'homme le Dieu endormi ", telle est la voix que ce livre nous fait entendre. Ce Dieu en nous parfois s'éveille, il se cherche et nous le cherchons, il nous aime et nous l'aimons, mais nous ne le savons guère. Nous sommes aveuglés par des apparences éblouissantes, divertis par des attraits tangibles, mais restons toujours assoiffés d'amour et de vérité. " En réalité, tout le monde cherche Dieu puisque tout le monde demande à la terre ce que la terre ne peut pas donner, tout le monde cherche Dieu puisque tout le monde cherche l'impossible. "Cette voix éclate en formules fulgurantes qui débusquent erreurs et hypocrisies, qui projettent la lumière jusqu'au fond de nous-mêmes. Comme l'éclair, en effet, elle terrasse, illumine et féconde. Elle invite à un dialogue pathétique avec soi, avec les autres, avec le Dieu caché. Nulle part peut-être le solitaire de Saint-Marcel-d'Ardèche n'a condensé autant de force explosive que dans ce livre. Comme l'aiguille d'or de l'acupuncteur, sa critique pénètre jusqu'au nerf qui provoquera le sursaut salutaire.

4eme de couverture : Gustave Thibon (1903-2001) est un guide admirable : c'est que lui-même est guidé par l'admiration, laquelle n'obscurcit jamais son discernement, ni cette capacité de rendre aux oeuvres dont il parle toute leur signification et toute leur portée. Les essais critiques ici rassemblés jalonnent sa vie entière ; ils esquissent entre les lignes un involontaire autoportrait. Qu'il reproche à Gide, selon le mot de Platon, de "vouloir faire l'Un trop vite", qu'il reconnaisse en Gabriel Marcel le même souci qui l'anime, celui "de ne pas fuir la vie dans la pensée", qu'il voie dans l'antagonisme entre l'une et l'autre "le drame de Kierkegaard", au sujet duquel il correspondra avec Benjamin Fondane, qu'il décèle, enfin, chez Pascal, le moderne renversement de l'apologétique, la toute-puissance de Dieu, désormais exilé de sa création, se faisant toute-faiblesse, Gustave Thibon est présent dans chacune de ces pages. Du jeune philosophe à l'effrayante érudition, à l'irréprochable dialectique scolastique des années 1930, au vieux sage de la fin du siècle, la continuité est admirable, même si les accents se sont déplacés ; peut-être et sans rien perdre, bien au contraire, de leur vigueur, certaines arêtes se sont-elles adoucies, et quelque chose, à la fois de plus diaphane et de plus souverain, est apparu comme sa marque inimitable, où l'infinie pudeur aiguise la faculté d'attention, au point qu'elle ne se distingue plus d'avec l'amour.

 

Gustave Thibon est décédé à Saint-Marcel-d'Ardèche le 19 janvier 2001.

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Aux lecteurs qui s'intéressent à la vie des idées, nous conseillons de se procurer le recueil de textes de Gustave Thibon, paru sous le titre intrigant :

"Ils sculptent en nous le silence" (2003) ensemble d'essais critiques sur 17 philosophes, écrivains et penseurs religieux.
Guidés par ce sage ardéchois à l'érudition étonnante, vous découvrirez toutes les raisons de se plonger, pour un bain de jouvence, dans les textes des écrivains d'un passé très lointain ou plus récent.

Ce grand lecteur de Virgile, Marc Aurèle, Dante, Olivier de Serres ou des plus proches de nous comme Chateaubriand, Kierkegaard, Mistral, Gabriel Marcel, Lorca, Milosz, Marie Noël, nous permet de franchir les siècles en se ragaillardissant l'esprit. Gustave Thibon, enraciné dans son terroir, nourri par une culture universelle, sut toujours entretenir l'espérance d'un sursaut de civilisation, face aux nuages les plus sombres. En rappelant la lumière de ces "phares" de l'esprit que sont Sénèque (4 av. -65 ap.J.C.) et Marc Aurèle (121-180 ap.J.C.), Gustave Thibon nous rend service.

"L'Expérience de Dieu", ouvrage de la collection québecquoise, L'expérience de Dieu (2003) invite à découvrir la richesse exceptionnelle de l'œuvre qu'il a laissée : ainsi, par exemple, cette bouleversante affirmation sur la relation de l'homme avec Dieu, qui fait songer à François Varillon (prêtre catholique) ou à Esther Hillesum (jeune juive décédée au camp de concentration d'Auschwitz) :

"Il faudrait montrer aux hommes le vrai Dieu - Celui qui, par pudeur et par respect, s´est dépouillé de sa puissance ; …qui, étant tout amour, s´est fait toute faiblesse, le Dieu qui nous attend en silence et dont nous sommes responsables sur la terre"

Ou encore:

"Les dogmes formulés sont des flèches indicatrices : ils ne contiennent pas ce qu´ils indiquent. Trop de dogmatisme conduit à l´oubli du mystère".

Et cette déclaration empreinte d'humour filial :

"Ce Dieu insortable se devait d´avoir pour épouse cette mère de sagesse, de prudence, de légalité, de conformisme qu´est la Sainte Église".

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Écrits posthumes

Aux ailes de la lettre (Édition du Rocher) par Philippe Maxence:Aux ailes de la Lettre
Entre 1932 et 1982, Gustave Thibon a tenu des cahiers dont la teneur était restée inconnue. Françoise Chauvin a su en extraire des morceaux patiemment choisis. Ce faisant, elle reste parfaitement fidèle à Thibon dont la pensée s’est souvent livrée à ses lecteurs sous la forme d’aphorismes. On l’aura compris : ici, pas de "révélations croustillantes", même si l’ensemble de ce recueil est inédit. Au contraire, nous y retrouvons toutes les exigences du philosophe de Saint-Marcel-d’Ardèche, avec son intelligence toujours attentive au réel, soucieuse de ne pas nier le mystère, de ne pas cacher la complexité des choses et de ne jamais, non plus, se livrer tout entier. De quoi parle-t-il alors dans ces cahiers ? Mais comme toujours, de Dieu, de la foi, de l’intelligence et du mystère. De la mort, de la maturité et de la vieillesse. De l’amour aussi et du mariage, du temps qui passe et qui laisse sa marque et son empreinte.

Il parle des choses essentielles qui constituent, sinon nos préoccupations quotidiennes, du moins l’inquiétude, parfois cachée, de nos âmes. Nous le retrouvons donc tel qu’en lui-même et qui pourtant nous ouvre des portes nouvelles, pour nous pousser à notre tour à la réflexion.

À travers les premiers textes choisis par Françoise Chauvin se dessine une sorte d’autoportrait que révèle bien par exemple, cette affirmation : "Je ne suis pas inconstant, mais divisé. Je reste fidèle aux choses les plus opposées." C’est une lumière sur l’œuvre même de Thibon, œuvre qui ne s’enferme pas dans des catégories toutes faites et par trop simplistes. Lui qui affirme bien vouloir combattre pour l’Église, mais "en franc-tireur" n’a pas cessé d’ausculter le monde de l’âme, décelant, au fond, qu’ "en somme, l’harmonie est dans le monde corporel et le chaos dans le monde des âmes". Il n’y a pas un confesseur qui dira le contraire…

C’est pourquoi lire Thibon, confronter son intelligence à la sienne, trouver des accords entre les âmes ou, du moins, des échos, revient finalement à trouver l’occasion d’un retour vers soi-même dans un véritable face-à-face. C’est un risque à prendre. Tous les grands livres sont des risques à prendre…

Pour situer la place de Thibon dans le panthéon des intellectuels français Paul Barta Negra disait en 1986, pour le centenaire de Guénon, dans le Figaro Magazine :

«Il y a deux traditions antagonistes en France. L'une, qui va de Voltaire à Jean-Paul Sartre, et qui est mortifère ; l'autre, qui va de Joseph de Maistre à Gustave Thibon, et qui est vivifiante.»

Citations

Hommage à G. Thibon
Hommage à Gustave Thibon

 

"Ce n'est pas la lumière qui manque à notre regard, c'est notre regard qui manque de lumière."

"Soyons dans le temps, les jardiniers de l'éternité !"

"L'homme ne sait pas ce qu'il veut, mais il sait très bien qu'il ne veut pas ce qu'il a".

"Être dans le vent : une ambition de feuille morte..."

"La société devient enfer dès qu'on veut en faire un paradis."

Autres citations de Gustave Thibon : "Au fil de mes lectures"

Sources

 

- Ils sculptent en nous le silence. G. Thibon, Présentation de P. Bathelet, éditeur F.-X. de Guibert (3 rue J.-F. Gerbillon, 75006 Paris).

- Gustave Thibon, Collection L'expérience de Dieu, Introduction et textes choisis par Benoît Lemaire.

- Quid Hodie agisti, article de Pikkendorff dans Philosophie, sociologie, religion.

- À  propos de Gustave Thibon, le dossier de Philippe Barthelet  :"Gustave Thibon", conçu et dirigé par Philippe Barthelet, L'Âge d'Homme, collection "Dossier H", 2012.

- Sur la rencontre Simone Weil / Gustave Thibon : "La toute petite maison de Saint-Marcel -d'Ardèche" par S. Weil, Chapitre V

- "L'Ardèche à la page, le voyage continue" par Jean-Marc Gardès, Tome II, pages 141-144, FOL Éditions, Privas Juin 1990.

- Colloque "Raison et Mystère Chrétien", La vie de Foi selon trois penseurs du XXe siècle, sous la direction des Fraternités monastiques de Jérusalem.