Promenades en Ardèche

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L'industrie textile en Ardèche

L'Ardèche, berceau de l'industrie textile

Au XVIe siècle, Olivier de Serres devenu un agronome réputé, convaincra Henri IV de développer la culture du murier pour le ver à soie.

Un climat doux, des mûriers pour l'élevage des vers à soie, des cours d'eau pure, une main d'œuvre abondante et docile… Le travail du fil avait une place de choix et des ressources exceptionnelles en Ardèche.

Pierre Benay et son protecteur Jean Deydier, un bourgeois né en 1607 installé dans la région, obtiendront l'assentiment de Colbert. Ensuite l'industrie de la soie, mal vue à la cour de Versailles, va stagner dans la région pendant le reste du règne de Louis XIV, jusqu'en 1715.

C'est Jean-Marie Roland, vicomte de la Platière, inspecteur des manufactures royales, qui a révélé dans son encyclopédie méthodique de 1780, que Pierre Benay s'est installé en 1669 à Pont d'Aubenas en créant un établissement modèle, utilisant la technologie italienne (tour et moulins à soie du Piémont), dont les élèves sont partis à Privas et Chomerac. Pierre Benay meurt en 1690, sans descendance.

Pierre Benay a cependant eu le temps de travailler avec Jean Deydier, dont la famille va développer, soixante ans plus tard, une des premières industries de la soie « mécanisée », mais cette fois en utilisant, en 1751, les travaux de Vaucanson pour installer en Ardèche, une manufacture royale importante.

Métier à tisser Vaucanson
Métier à tisser de Vaucanson (1744)

Jacques de Vaucanson (1709-1782) un Grenoblois, est chargé, en 1742, de l'inspection des visite des magnaneries, filatures, moulinages et tissages de soie, en Italie et en France. Il propose une réforme de l'organisation et conçoit des machines nouvelles, pense créer des fabriques pilotes dont une seule est bâtie à Pont d'Ucel. Ce quartier doit sa renommée à l'industrie de la soie qui a fait s'installer des usines au bord de l'Ardèche.

En 1752, sous l'ordre du roi de France Louis XV, une Manufacture Royale est implantée sur les plans de Vaucanson, dessinés par l'architecte Aubry, à Pont-d'Ucel en Ardèche, pour son propriétaire et animateur Henri Deydier.

La fabrique périclite jusqu'au moment où un élève de Vaucanson, Bourceret, trouve le moyen de réduire les frais de maintenance.

Cette manufacture, qui emploiera jusqu'à 2 000 personnes en 1830, sera cependant critiquée, dès 1780, par Jean-Marie Roland de la Platière, qui la juge moins compétitive que les moulins à soie du Piémont.

Sous le second empire, l'Ardèche comptait plus de 400 fabriques et faisait travailler une main d'œuvre importante composée presque essentiellement de femmes et d'enfants.

Au XIXe siècle, ce sont près de 22 000 salariés (soit environ 45 % du personnel manufacturier du moulinage en France) qui sont réunis dans les activités liées à la soie et au travail du fil : filature, moulinage, tissage…

Le type architectural de la manufacturealbenassienne est à l'origine du type vivaro-drômois voûté, qui a supplanté le type traditionnel charpenté présent partout ailleurs dans la région. L'industrie textile généra une activité mécanique spécifique qui stimula l'inventivité des mécaniciens locaux.

Famille DEYDIER

Présente en Vivarais dès le XVIe siècle, la famille Deydier se distingue particulièrement dans la filature et le moulinage de la soie, à Chomérac et dans la région d'Aubenas à partir des XVIIe et XVIIIe siècles.

Henri Deydier naquit en 1716, alors que la France de Louis XV allait connaître le rayonnement des techniques et de l'"Encyclopédie". Il fut avocat avant de servir la profession familiale. Au gouvernement, Fleury et Orry (contrôleur général des finances) voulaient limiter les importations de soie et en améliorer sa fabrication. Vaucanson, nommé en 1741 inspecteur des manufactures de soie avec la confiance du pouvoir, trouva en Henri Deydier l'homme de génie qui appliquerait ses méthodes, sa technologie, avec l'aide de l'État. Le 5 septembre 1752, un "Arrest du Consei d'État du Roy" exprimait la création de la Manufacture Royale de la soie.

Jean MÈGE

Au XVIIIe siècle, Jean Mège améliora le moulin à dévider la soie de Vaucansson en modifiant les systèmes d'entrainement pour que la soie se dispose mieux au tord et évite ainsi le déchet en distribuant les fils côte à côte.

Privas fut un centre important de production et de transformation de la soie ; en 1789, la ville ne comptait-elle pas alors quelques 93 fabricants de soie, de nombreuses tanneries, ainsi que des ateliers en pleine activité ?

C'est d'ailleurs la mobilisation de ces industriels, commerçants, propriétaires, riches et pauvres, qui empêcha le transfert du chef-lieu de département plus au sud, sur les bords du Rhône, à Viviers. Cette activité, intense, ne pouvait pas ne pas amener les hommes qui s'y livraient à réfléchir à comment mieux la  conduire encore, mieux la maîtriser. On l'a dit, des Privadois se sont distingués dans cette tâche particulière. Jacques Vaucanson est venu applaudir l'invention de l'un d'entre eux, Jean Mège, alors qu'il passait dans cette ville, sans doute pour se rendre à Aubenas en compagnie de Deydier, élève et parent de l'inventeur privadois ; c'est en tout cas ce que révèle un document conservé aux Archives Départementales de l'Hérault sous la côte C.2291.

Ce document cité par Élie Reynier dans sa magistrale étude sur "La soie en Vivarais", est en fait un rapport de la visite effectuée par l'inspecteur Rodier dans les ateliers exploités par Madame veuve Mège à un demi quart de lieu de la ville.

La production de l'année 1758 est évaluée à vingt quintaux d'organcin de prix d'environ 22 deniers. La qualité de cette soie est très recherchée par les fabricants lyonnais. L'exploitante, qui est allée acheter les meilleurs cocons du côté de Bagnols-sur-Cèze, escompte, en ce mois de juillet, un gain de 10 à 12 000 livres pour sa fabrique qui emploie une cinquantaine de personnes. L'amélioration apportée aux moulins par Mège consiste en une modification des systèmes d'entrainement. Ces moulins sont en courroies simples pratiqués sous les fuseaux à pignon et non au-dessus comme il était alors la règle dans les installations de ce type. En plaçant de cette manière la courroie sur le moulin, la soie se dispose mieux au tord après avoir été humectée.

Les effets des deux roues engrenant l'une dans l'autre évitaient ainsi le déchet en distribuant par fraction, ou côte à côte, les fils sur le tour à Vaucanson.

L'inspecteur ne manqua pas de déplorer la perte de celui qui était né  pour le négoce et les mécaniques en visitant son laboratoire et en contemplant les machines nouvelles sorties du cerveau fertile de l'inventeur qui n'eut malheureusement pas le temps de les mettre en expérimentation réelle dans les fabriques des environ de Privas et des Boutières…

François-Gérard GOUDARD (1704 - 1786)

Originaire de Montpellier, François-Gérard, chevalier de Saint-Michel, anobli en mars 1767, est né à Montpellier le 16 avril 1704 et décédé à Aubenas le 29 décembre 1786. Il s' établit à Aubenas en 173,1 pour diriger la manufacture de draps, établie, en 1707 par les Etats du Vivarais, qui la lui vendirent en 1732. Il créa des usines de coton et de mouchoirs peints, et y fit l'application du rouge d' Andrinople, découvert par lui. Grâce à son action, toutes les deux recevront le titre de Manufacture Royale en 1735, preuve de l'intérêt porté par le roi à ses travaux.

Teinturier et aussi habile chimiste, il invente un nouveau colorant, très supérieur à celui employé jusqu'alors par les Turcs, le rouge Andrinople. Le gouvernement diffusera le précis de l'indienneur en 1764-1765 et le roi Louis XVI anoblira Goudard pour son invention en 1767.

La teinture rouge se poursuivra à Aubenas jusqu'à la fin du XVIIIe siècle avec le gendre de François Goudard, François Ruelle.

Pour récompenser les services qu'il rendit dans le Levant au commerce français et les ressources q' il créa à la population ouvrière dans sa région, le roi lui octroya des lettres de noblesse en 1767 ; la croix de Saint-Michel en 1776, et une épée d'honneur, qui lui fut offerte solennellement par les notables d'Aubenas.

Louis BLANCHON (1789-1870)

Louis Blanchon est né en 1789 à Rompon.

Il fit son apprentissage dans la fabrique de son frère aîné à "Picarde", commune de Chomérac en Ardèche. En 1825 il entreprend la construction de sa propre fabrique à Saint-Julien-en-Saint-Alban. Contrairement à certains de ses confrères il s’en tint à la gestion de sa seule usine dont il fit une référence en matière architecturale, avec des produits d’une telle perfection qu’ils furent primés à l’échelon national. Bon exemple de concentration verticale avec association d’une filature et d’un moulinage pour un contrôle rigoureux de la qualité. (Y. M.)

Il décède en 1870 à Saint-Julien-en-Saint-Alban.

Jean-Antoine BRETON

Jean Breton, habile mécanicien de Privas, travailla avec Jacquard dès 1805. Par des ressorts, il améliora le tour des aiguilles après chaque coup du métier à tisser. Puis il travailla seul et en 1807, il eut l'idée de subsituer le battant au chariot ; le métier ainsi allégé, fonctionna dès lors avec précision. Cette invention fut très appréciée et lui valut en 1808 le même prix Lebrun qu'avait obtenu Jacquard en 1805. Il créa en outre une machine à transférer la lecture des dessins sur les cartons, en 1816. Ces améliorations rendent le tissage plus rapide et deux fois moins coûteux. En dépit d’une première réticence des ouvriers qui voient en lui une cause possible de chômage, on réalise vite les, progrès apportés par le métier Jacquard : il facilite le travail et améliore la qualité de la production.

Josué CHABERT (1808-1886)

Josué Chabert est né en 1808 à Joyeuse.

D’origine rurale, il s’orienta très vite vers le monde du moulinage – particulièrement actif dans sa région - où il commença comme ouvrier puis se mit à son compte, d’abord comme fermier, puis comme propriétaire.

En 1882 il contrôlait une quinzaine de fabriques – pour moitié sur Chomérac - certaines acquises, d’autres bâties par ses soins, d’autres enfin en simple location. Il y employait près de 800 personnes. Le navire-amiral de son empire se trouvait sur le prestigieux site de Champ-la-Lioure à Chomérac. Rares sont les mouliniers à avoir atteint un tel niveau

Il décède en 1886 à Chomérac.

Sources

 

- Jacques Vaucanson à Privas par Jean-Marc Gardès dans Bulletin municipal de Privas n° 62 pour l'année 1991 et Envol n° 435 de décembre 1993.

- "Le chef lieu du département : Privas l'emporte", par Jean-Marc Gardès, Chapitre XIII, dans le livre : "Et ils déplacèrent les bornes : le département de l'Ardèche héritage de la Révolution Française, par Jean-Marc Gardès, édité par la F.O.L. en 1989.

- "Et ils déplacèrent les bornes : le département de l'Ardèche héritage de la Révolution Française, par Jean-Marc Gardès, édité par la F.O.L. en 1989.

- François Goudard et les manufactures de drap et de coton au Pont-d'Aubenas, par Henry Vaschalde. — IV. 247.

- "Le Génie de l'Ardèche" par Jean-Marc Gardès et Annie Sorrel, FOL Éditions, Privas, oct. 2007.