ALBUCASSIS, (Khalaf ibn Abbas Al-Zahrawi)

936-1013

Chirurgien arabe d'Espagne

Abulcasis s'impose comme le meilleur représentant et le grand maître de la chirurgie hispano-arabe de l'époque, mais à Cordoue en Espagne, à l'autre extrémité de l'empire islamique, à la même époque qu'Avicenne et au moment de la rivalité grandissante entre Bagdad l'abbasside et Cordoue l'omeyade.

C'est vers 936, Abulcasisque Khalaf ibn Abbas Al-Zahrawi connu chez les Occidentaux du nom d' Abulcasis ou Albucasis ou Alsaharavius, est né et fut élevé à Zahra située à la périphérie de Cordoue, comme l'indique la fin de son nom, ("La Fleur", en arabe, nom donné à cette ville, par le khalife Abdel-Rahman III (912-961, en l'honneur de son épouse qui s'appelait ainsi). C'est alors la banlieue royale de Cordoue, capitale de l'Espagne musulmane qui égalait sans doute les villes de Bagdad et de Constantinople, après la conquête de l'Espagne par les Arabes (de 711 à 714). Cordoue devint "l'Ornement du Monde", la capitale de l'empire musulman. Elle devait conserver cette prédominance jusqu'en 1226, date a laquelle, conquise par les Espagnols (Ferdinand III et Isabelle de Castille) elle perd son influence au profit de Salamanque. Cordoue comptait près de 1 million d'habitants, 80 écoles et 50 hospices ! Sa bibliothèque (fondée par Hisham, fils d'Abdur-Rahman I) contenait plus de 600.000 ouvrages, répertoriés dans un catalogue de 44 tomes !

Les nouveaux maîtres de Perse, d'Egypte, du Maghreb et d'Espagne rivalisaient dans le domaine du faste et de l'esprit. C'est en 929 que fut fondée Cordoue - le joyau du monde - dans laquelle fut constituée une bibliothèque comparable à celle qui jadis avait fait la réputation d'Alexandrie (plusieurs centaines de milliers de volumes). La médecine arabe est représentée à cette époque par les grandes écoles de Médecine Arabe ou de langue Arabe:
- L'école de Bagdad avec les Bakhtishu et Yuhanna Ibn-Masawayh
- L'école d'Ispahan avec Ibn Sina,
- L'école de Shiraz avec Ibn Abbas Al Majusi,
- L'école de Damas avec Al Baghdadi et Ibn Al Mutran
- L'école au Caire illustrée par Ibn an Nafis et Ibn Abi Usaybia
- L'école de Kairouan: avec le célèbre Ishaq Ibn Imran et Ibn Al Jazza
- Les écoles de Cordoue, de Tolède, Séville, et de Saragosse connurent de grands médecins tels, les fameux Abulcasis, Avenzoar, Averroès.

Abulcasis étudia la médecine et d'autres sciences dans les écoles de Cordoue. Il se distingue rapidement dans le domaine de la chirurgie, de la traumatologie, de l'urgence, de l'orthopédie, de l'ophtalmologie. Le calife Al-Hakam II (fils de Abdel Rahman III) le nomme médecin de la Cour.

Abulcasis qui était un homme dévoué, recevait des patients et des étudiants d'Europe et du reste du monde islamique, il prodiguait traitements et conseils.

Si On ignore sa date exacte de naissance, d'après les historiens, la date de sa mort serait aux environs de 1013.

Contributions scientifiques d'Abulcasis

Il affirme qu'il n'existe pas de frontière entre la médecine et la chirurgie.

Chirurgie

L'apport scientifique d'al-Zahrawi se signale par ses diverses réalisations et innovations dans la médecine, de façon générale, et dans la chirurgie, en particulier. Pour Abulcasis les interventions doivent être réalisées selon un plan préétabli. Il est, en fait, le premier à séparer la chirurgie des autres matières médicales pour en faire une science distincte fondée sur l'étude et la dissection des corps vivants et des cadavres.

* Il est aussi le premier à extraire, par voie vaginale, les calculs urinaires.

* Il est de même le premier à inciser la trachée, opération qu'il pratiqua sur son serviteur.

* De même qu'il a réussi à arrêter une hémorragie en ligaturant les grandes artères, et enseigné aux étudiants la suture des plaies faite de l'intérieur de sorte qu'elles ne laissent pas de traces visibles, et la manière de suturer au moyen de deux aiguilles et un seul fil fixé entre elles.

* Il pratiquait brillamment le traitement des fistules, les cures herniaires, les amputations, voir les trépanations, il connaissait l'opération du goitre et la résection des anévrismes des membres.

* Il assure l'hémostase par compression digitale et cautérisation au fer chaud.

* Il connaissait aussi la méthode de réduction des luxations de l'épaule qu'on appelle aujourd'hui la manœuvre de Kocher. Sur la rotule il réalisa les patellectomies, presque mille ans avant la découverte de Ralph Brooke.

* Il fut le premier à utiliser, notamment dans les opérations du petit bassin, la classique position Trendelenbourg, attribuée plus tard au chirurgien allemand.

 

Chgirurgie arabe

* Il préconise d'utiliser l'action mécanique et antiseptique des morsures de fourmis pour assurer la suture des plaies intestinales.

* Il a dressé le bilan complet de la neurochirurgie à son époque en la confrontant avec sa propre expérience, avec les instruments et les techniques neurochirurgicales des traumatismes crâniens, des traumatismes vertébro-médullaires, de l'hydrocéphalie.

* Il décrit sa technique originale d'excision des varices, appliquée aujourd'hui avec quelques modifications

* Il pratiquait le morcellement des amygdales.

Médecine

En médecine et obtétrique , il est aussi le premier à parler de la prédisposition de certains corps à l'hémorragie, ou hémophilie, de même qu'il s'est intéressé aux ostéo-arthrites tuberculeuses notamment vertébrales connues actuellement sous le nom de mal de Pott (sept siècles avant Pott). Il a introduit, d'autre part, des méthodes et instruments nouveaux en matière de gynécologie.

* En obstétrique, il conseillait plusieurs manœuvres d'accouchement dans les différentes présentations dystociques : épaule, face. Il parle de la position actuellement connue sous le nom de position de Walcher et d'instruments nécessaires pour extirper les fœtus macérés in utero.

* Les chirurgiens et dentistes occidentaux ont tiré grand avantage des dessins et schémas que al-Zahrawi a mis au point pour la fabrication des instruments nécessaires à la chirurgie. En stomatologie il fabriqua des instruments sophistiqués pour nettoyer les dents et pour arracher celles qui étaient atteintes de carie. Il savait confectionner des prothèses dentaires avec des os de bœuf.

* Dans sa description de la rage il dit que celle-ci se manifeste en hiver plus qu'en été; il constate aussi que le chien enragé a peur de sa propre ombre. En ce qui concerne la rage chez l'homme, il explique que l'hydrophobie provient "d'une extrême déshydratation du cerveau et de l'invasion du corps par la bile"

Œuvres écrites

• L'œuvre principale, Abulcasis Al-Tasrifmédicale et chirurgicale, de al-Zahrawi, et la plus célèbre qui lui valut l'essentielle de sa notoriété, est intitulé , "Al-Tasrif liman Aegiza an al-Ta'lif" - La pratique -, une encyclopédie de 1500 pages divisée en 30 livres, dont le dernier consacré entièrement à la chirurgie est le plus fameux, et celui qui eut le plus d'influence sur tout le Moyen Âge. Cent cinquante ans plus tard il sera traduit en latin par Gérard de Crémone, (1114-1187), il n'y eut pas moins de 10 éditions dans cette langue entre 1497 et 1544, avant d'être traduit en français, en hébreu, en anglais et en provençal. Tous les chirurgiens médiévaux, postérieurs à Abulcasis, tels Roger de Parme, Guillaume de Salicet, Henri de Mondeville, Guy de Chauliac ont utilisé son œuvre, (Guy de Chauliac , par exemple, le cite 175 fois ! ). L'ouvrage sera publié à Venise en 1497, à Bâle en 1541 et à Oxford en 1778.


- La première partie est consacrée à la théorie et aux généralités de la médecine.
- La deuxième partie s'intéresse à la pratique: discipline des maladies, le régime chez l'enfant et chez les vieillards, les rhumatismes, les abcès, les plaies, les poisons et les venins, les affections externes de la peau et la fièvre.
- Dans la troisième et dernière partie, consacrée à la chirurgie, il résume les connaissances chirurgicales de l'époque. Il y décrit également la cautérisation, l'incision, l'amputation, les fractures, les luxations, les petites interventions, la saignée, l'opération des calculs de la vessie et la gangrène, l'hémiplégie d'origine traumatique par lésion vertébro-médullaire et l'accouchement. Il agrémente son texte de schémas explicatifs, ce qui constitue une originalité pour l'époque. Ce troisième volume de l' ouvrage a joué un rôle capital en Europe, car il a permis de poser les bases de la chirurgie européenne et donner à cette branche de la médecine ces lettres de noblesse. Il utilise déjà et fait le bilan de l'instrumentation chirurgicale (la plus anciennement connue dans toute l'histoire médicale). Abulcasis instruments chirurgicauxIl y décrit et illustre près de 200 instruments de chirurgie conçus et réalisés par Abulcasis lui-même (bistouris, ciseaux, sondes, stylets, cathéters, scies, attelles, otoscopes).

Guy de Chauliac (1298-1368) annexa la version latine à son ouvrage de chirurgie "La Grande Chirurgie" afin que les étudiants puisse bénéficier de ces connaissances.

Cet ouvrage est si important que, pendant cinq siècles il resta inscrit aux programmes de chirurgie des Universités de Salerne et de Montpellier.

Le traité médical d'Abulcasis contient également quelques articles dans lesquels il explique la préparation de certains médicaments par sublimation et distillation. Il avait aussi prescrit l'utilisation de diurétique, de sudorifique, de purgatifs, l'absorption de vin pur ainsi que des bains chauds.

Abulcasis a rendu de nombreux services à l'humanité en sa qualité de chirurgien, grâce à ses recherches et ses inventions. Il innove dans les domaines de la cautérisation des plaies, la dissolution des lithiases, de l'utilisation de la dissection et de la vivisection.

Il attribue la pauvreté des progrès accomplis par ses compatriotes au manque de connaissance en anatomie.

Abulcasis stigmatisait les ignorants et les charlatans qui altéreront toujours l'art de guérir. Selon lui on ne connaissait jamais assez l'anatomie, mais comment ses contemporains l'auraient-ils apprise ? Sur les deux rives de la Méditerranée régnait la même répulsion à l'égard de la dissection du corps humain, sans qu'aucune interdiction formelle n'ait été édictée dans les trois religions abrahamiques.

 

Sources

- Histoire de la Médecine, Maurice Bariéty et Charles Coury, Fayard Editeur 1963

- Les promoteurs de l'esprit scientifique dans la civilisation islamique par Halima El Ghrari