ALGIZAR (Abu Jaafar Ahmed ibn Ibrahim Ibn Abi Khalid al-Jazzar al-Kaïraouani)

vers 898- vers 980

Médecin arabe musulman

Algizar est le digne successeur d'Ibn Omrane à l'école de Kaioruan.

Abu Jaafar Ahmed Ibn Ibrahim Ibn Abi Khalid al-Jazzar, connu par les Latins sous le nom d'Algizar, vécu à Kaïraouan, en Tunisie, au début du Xe siècle. Fils et neveu de médecins, Ibn Algizar eut une vie exemplaire, toute remplie par l'étude des livres et l'exercice de son Art. C'est ainsi qu'il apprit très tôt le Coran, la grammaire, la théologie, et les belles lettres en s'initiant à la médecine au contact de son père, de son oncle et aussi d'Isaac Ibn Soleiman Al IsraÏli (Isaac Judeus). On a peu d'informations sur sa vie et son apport scientifique, la majorité des historiens se contentant de faire référence à ses seuls ouvrages. Certains pensent cependant, qu'il accompagnait très souvent les vaisseaux arabes se rendant de Tunisie aux côtes européennes où il exerçait à bord comme médecin.

Bientôt il allait professer dans cette institution scientifique réputée "Dar Et Hikma" ou "Maison de la Sagesse" édifiée sur le modèle de celle de Bagdad, où l'on enseignait la médecine, la philosophie, les mathématiques et l'astronomie, et dont les assises avaient été fondées par Ishaq Ibn Omrane, l'illustre auteur du traité de la mélancolie (...) Al Jazzar

D'un naturel sérieux, de tempérament plutôt calme et réservé, Ibn Et Jazzar était très modeste et n'accepta jamais les brillantes situations officielles qu'on lui offrait auprès des souverains. En cela, il suivait la droite ligne des doctes savants kairouanais et notamment cette du rigoureux et illustre Imam Souhnoun.

Ainsi, les consultations d'Ibn Et Jazzar étaient gratuites pour les pauvres et les médications délivrées gracieusement par son aide Rachik officiant dans le vestibule de la demeure du maître transformé pour la circonstance en pharmacie.

Et en cela, on pouvait déceler d'ores et déjà une préfiguration de la séparation des fonctions du médecin et du pharmacien.

Réputé pour la rigueur de son enseignement, l'étendue de son dévouement et la perspicacité de sa thérapeutique, Ibn Et Jazzar fut non seulement un médecin et un thérapeute émérite mais il s'intéressa aussi de très près à la littérature et à l'histoire, voire aux belles lettres et à la géographie.

Ibn AI Jazzar mourut vieux, plus qu'octogénaire, léguant à sa famille un riche héritage (une somme de 24000 dinars dit-on) et à la ville de Kaïrouan sa bibliothèque personnelle qui contenait surtout ses ouvrages de médecine.

Sa mort d'après les dernières recherches notamment celles de Hosni Abdetwahab et de Brahim Ben Mrad se situe aux alentours de 980 après J.C., c'est ce qu'on peut lire dans un article écrit par feu le Professeur SleÏm Ammar, président fondateur de la Société Tunisienne d'Histoire de la Médecine et de la Pharmacie et vice-président honoraire de la Société Internationale d'Histoire de la Médecine, paru en Septembre 1997 dans "la Tunisie Médicale".

Contributions scientiques d'Algizar

De l'œuvre médicale d'Ibn AI Jazzar, considérable par son volume et souvent remarquable par sa qualité, on retiendra d'une part le souci de ce fin praticien à classifier et à diversifier déjà les spécialités médicales (puériculture, épidémiologie, gériatrie, hygiène), d'autres part, ses larges connaissances dans la pharmacopée qu'il a toujours visé à adapter à l'environnement où il vivait et exerçait.

Dans ses ouvrages, Algizar décrit les différentes maladies dont souffrent les voyageurs, ainsi que les symptômes de ces maladies et les méthodes de traitement. Il présente, en outre, une description précise de la variole et de la rougeole, et des informations judicieuses sur les maladies internes. De même qu'il aborde les différents types de fièvres et les épidémies.

Œuvres écrites d'Algizar

On attribue généralement à Ibn Al-Jazzar au moins 43 ouvrages, dont la plus part traite de médecine - manuscrits de sa propre main - ou de pharmacie. La légende veut que leur poids dépassa les vingt cinq quintaux. Certains ouvrages d'Algizar traitant de médecine ont été traduits par Constantin.

1 - Le Viatique
Ibn Al Jazzar
Son ouvrage phare est le Zad al-mussafir traduit en latin par Constantin sous le nom de Viaticum peregrinorum (Viatique du Voyageur ou Provision du Voyageur et Nourritures du Sédentaire), et qui pèche par de nombreux défauts dont l'omission d'un chapitre (chapitre 7 du livre 6). Le Viaticum a été imprimé en 1510 à Lyon sous le titre de Breviarum Constantini dietum Viaticuml. Traduit une deuxième fois en 1515 dans les œuvres de Isaac Ibn Soleiman AI Israëli sous une traduction latine intitulée Omnia Opera Isaaced par Andreas Torinus. La troisième édition sera imprimée à Bâle en 1516 sous le titre de Viaticum Perigrinantis. La quatrième édition à Lyon en 1536 sous le titre de De Morborum Cognitione et curatione. La cinquième sera édité à Bâle encore dans les œuvres de Constantin l'Africain (Opera Constantini Africani).

L'ouvrage traite longuement des maladies du cerveau, migraine, apoplexie, confusion mentale, délire aigu, de l'épilepsie, des tremblements et du mal d'amour.

Des versions se trouvent en grand nombre à Paris à la Bibliothèque nationale notamment une copie de valeur sous le N°2239 remontant au XVIe siècle et qui fut en possession de Colbert (Ministre de Louis XIV) puis de Napoléon Bonaparte.

2 - "Kitab al-Litimade"...(Le Livre des Médicaments Simples). Traité de matière Médicale de 103 feuillets, il se divise en 4 livres comprenant 280 monographies, trois sur les aliments et le quatrième sur les médicaments simples d'origine végétale ou minérale, à l'exclusion de ceux d'origine animale (ces derniers seront édités dans le Kitab Al Hayawan), chapitres qui ne se trouvent pas tous dans leur entier dans les différentes copies existantes. Il a été écrit à l'adresse du Prince Fatimide Et KaÏm bi Amr Illah (933/955) et vulgarise notamment les simples notés par Galien et Dioscoride.

Le livre des simples classe les médicaments par rapport à leur degré d'activité et en fonction de la théorie des quatre humeurs - froid, chaleur, sécheresse et humidité - l'auteur y précise le nom de la drogue en arabe, grec, persan, berbère et syriaque puis passe à la description détaillée de ses diverses qualités en signalant celles qu'il faut privilégier ou rejeter. Puis sont précisées les propriétés thérapeutiques, les formes pharmaceutiques utilisées, les doses en usage, les falsifications possible, et les essais qu'il faut pratiquer pour les déceler.
Enfin, pour ce qui est des succédanés, l'auteur indique les drogues à utiliser en cas de pénurie ou de coût élevé de certains produits.

Ibn Al Jazzar ne se contente pas de suivre les prescriptions des Anciens. Il compose bien souvent ses propres formules: résultat de sa propre expérience.
Ainsi, s'exprime-t-il souvent: "description d'un médicament que j'ai composé moi-même... c'est un sirop extraordinaire, royal... Je l'ai expérimenté et l'ai trouvé très efficace".
Et, quand il emprunte à ses prédécesseurs, Ibn Al Jazzar s'exprime encore ainsi: "description d'un remède composé par Jean le Mesué... Nous l'avons expérimenté et trouvé excellent. ..".
De fait, le Livre des Simples comprendra plusieurs formules pharmaceutiques nouvelles qui demeureront en usage de nos jours : ainsi, des tablettes sublinguales fort originales pour l'époque, Sa technologie pharmaceutique ne manquait pas non plus d'intérêt: ainsi de la sublimation et de la distillation (...)

Ce livre a été traduit en latin à deux reprises, la première par Constantin l'Africain sous le nom de Liber de Gradibus Simpleium sans mention, là encore, du nom de l'auteur, et la deuxième fois par Stéphane de Saragosse en 1233 sous le titre de Liber Fiduciae Simplibus Medicinis : traduction qui est en fait un condensé de l'ouvrage. Quant à la traduction hébraÏque elle sera l'œuvre de Moshe Tibbon (...) Il en existe au moins huit copies manuscrites à Istanbul (bibliothèque Sainte Sophie et Souleymaia), à Alger, à Tunis et à Sfax.

3- Le Livre des Propriétés
C'est un 3ème ouvrage d'Ibn El Jazzar traduit en latin sous le titre de Proprietatibus : le manuscrit se trouve à Montpellier et il en existe une autre version hébraÏque.

4 - Le Livre de l'Amnésie et des Moyens de fortifier la Mémoire : "Kitab Al Nissian wa Toroq Taqwiati Adhakira".

5 - Le Livre de l'estomac, de ses maladies et leurs traitements
Publié en 1980, à Bagdad, dans son texte arabe par Salmane Ketaya, il a été traduit également sous Le titre de Liber de Stomacho par Constantin l'Africain qui toujours s'attribuera la paternité de l'ouvrage. Le livre sera en effet publié dans les œuvres de Constantin en 1536 à Bâle (...)

6 - Traité de la Lèpre "Maqala fi al joudilem", paru dans les mêmes conditions sous le nom de D'Elephantiasis.

7 - LE LIVRE DES PAUVRES ET NECESSIEUX ou "Tibb al-Fouqara' wal Massakine". Ce traité fort original, a été traduit aussi en hébreu. Il s'agit d'un condense destiné à favoriser une médecine populaire une sorte de memento pratique d'une centaine de pages remplies de prescriptions simples et composées de toutes sortes, sans médicaments chers, mais néanmoins efficaces et qui restent à la portée du plus grand nombre.

8 - Asbab al-Wabaa bi-Misr wal Hila fi Dafaeh (Causes de l'épidémie en Egypte et comment la soigner).

9 - Enfin, un traité de Constantin l'Africain intitulé De Animulibus paraît bien être la transcription quelque peu revue du livre d'Ibn Al Jazzar qui a pour titre Le Livre des Animaux ("Kitab AI Hayawan")

Sources

- Texte du Professeur Sleïm Ammar

- Ahmad Ibn Ibrahim Al Jazzar

- Les promoteurs de l'esprit scientifique dans la civilisation islamique par Halima El Ghrari