Francesco Antommarchi est né le 5 juillet 1789, à Baragona Mursiglia petit village à l'extrême pointe à l'intérieur des terres du Cap Corse à 50 km de Bastia. Il était un jeune compatriote de Napoléon Bonaparte.
Il avait reçu le diplôme de docteur en chirurgie le 30 juin 1812, remis par l'Académie de Pise (Italie). Le sujet de sa thèse était: "Dissertazione sulla cataretta".
Antommarchi à Florence
Antommarchi fut nommé le 7 juillet 1813 par le Sénateur, Grand Maître des Universités Impériales, prosecteur d'anatomie (préparateur de dissection) à l'hôpital Sainte-Marie-Nouvelle dans le service du Professeur Mascagni anatomiste à Florence et en tant que tel astreint à résidence. Cette nomination à une responsabilité hospitalière avait été attribuée après un rapport favorable de Cuvier, envoyé sur place pour en décider. François Antommarchi partageait son temps à Florence entre son activité hospitalière et une clientèle privée au "Bordo dei Greci".
La chute de l'Empire et la mort en 1815 de son maître Paolo Mascagni lui firent perdre tout espoir de promotion. Il conserva néanmoins sa qualité de fonctionnaire toscan - par nomination du 5 octobre 1814. Il se consacra dès lors à une activité scientifique valorisante : l'amélioration, l'explication et l'édition des cinquante "planches anatomiques du corps humain exécutées d'après les dimensions naturelles", œuvre de Paolo Mascagni. dont il emporta un exemplaire à Sainte-Hélène qu'il présenta à Napoléon qui ne se lassa pas de les étudier: "Deux heures d'anatomie pour un homme qui n'a jamais pu supporter la vue d'un cadavre! Ah ! docteur, y songez-vous? Allez, on ne fait pas mieux, on ne dit pas mieux. Vous êtes un séducteur. Vous me persuaderiez que des pilules sont bonnes à prendre."
Antommarchi se trouvait toujours être prosecteur en 1818.
Anatole France dit d'Antommarchi qu'il était "italien et apothicaire de comédie". D'autres le qualifie de "préparateur de dissection à l'amphithéâtre de Florence et d'anatomiste florentin n'ayant jamais exercé la médecine."
Un autre écrit "Je tiens de source sûre qu'il possède plus de talent pour l'intrigue que de connaissances médicales Il a beaucoup d'audace et, pour cette raison il donne généralement l'impression d'être plus capable qu'il ne l'est".
Napoléon à Sainte Hélène
Depuis le 15 octobre 1815, l'Empereur Napoléon est retenu prisonnier sur la petite île volcanique de Sainte Hélène, colonie anglaise de 122 km2 en plein Atlantique Sud à 1950 kms de l'Afrique et à 2900 kms du Brésil.
Quelques fidèles ont accepté de l'y suivre:
- Emmanuel de Las Cases, qui écrira sur place le célèbre "Mémorial de Sainte-Hélène", suivi de son fils Emmanuel, agé de 15 ans. Ils quitteront l'île le 30 décembre 1816.
- le général comte de Montholon et son épouse,
- le général comte de Bertrand (le grand maréchal), et son épouse,
- le général baron Gourgaud. ancien aide de camp de l'Empereur,
- Marchand, Saint-Denis dit Ali, Noverraz, Pierron, Archambault au rang des serviteurs, et quelques autres.
L'empereur avait été accueilli dans l'île par William Balcombe qui remplissait les fonctions d'agent du Trésor pour le compte de la Compagnie des Indes et s'occupait en même temps, comme négociant, de l'approvisionnement des navires qui touchaient à Sainte-Hélène.
Assistance médicale de Napoléon :
L‘assistance médicale de Napoléon Bonaparte à Sainte Hélène fut difficile. Le docteur Pierre-Louis Maingault, né à Breuilly en 1783, choisi par Corvisart premier médecin de l'empereur, se récusa et refusa de le suivre en exil. Il fut rapatrié au Havre le 20 août 1815 à bord du brick Le Martial, en compagnie d'une dizaine de valets de la Maison Impériale non autorisés à embarquer sur le Northumberland.
Le conseil de l'Amirauté avait nommé le docteur Brandy O'Meara, un irlandais, protestant, parlant italien, dans les fonctions de chirurgien de Napoléon, en remplacement du docteur Maingault. O'Meara fut soupçonné de faire parvenir un journal secret à un agent de Napoléon en poste à Londres. O'Meara refusa d'obéir à Hudson Lowe (le nouveau gouverneur-géolier ) lorsque ce dernier lui demanda de fournir des notes sur la résidence de l'empereur, Longwood House. Le docteur Baxter fut nommé pour le remplacer, mais Napoléon montra toujours une méfiance envers ce dernier, refusa de le recevoir et resta 30 jours sans médecin (du 10 avril au 10 mai 1818). C'est donc le vieux docteur Stokoe qui fut sommé de visiter le prisonnier - mais il s'y refusa de peur de perdre la confiance du gouvernement anglais. O'Meara fut donc rappelé et celui-ci retourna à Longwood.
Le docteur Stokoe, chirurgien du bateau anglais le "Conquérant", accusé de sympathie à l'égard de l'empereur, avait été rapatrié et radié des cadres de la Marine.
Le docteur O'Meara, médecin irlandais, parvenu à Sainte-Hélène avec l'empereur, l'avait bien soigné et en fut regretté quand il avait subi le même sort de rapatriement en août 1818, dut abandonner son malade et rejoindre l‘Angleterre, à la demande du Gouverneur Hudson Lowe.
Or, depuis le 21 janvier 1819, après le départ d'O'Meara, Napoléon resta à nouveau sans médecin car il refusait d'être examiné par les médecins désignés par le gouverneur. Il fut alors soigné tant bien que mal par ses serviteurs appliquant les anciennes prescriptions d'O'Meara.
Le cardinal Fesch, oncle de Napoléon, "réfugié" à Rome tenta de trouver un remplaçant. A la demande du prisonnier, Las Cases proposa le docteur Foureau de Beauregard qui avait été le médecin de l‘île d‘Elbe et pendant les Cent Jours. Il avait remplacé Corvisart, le seul médecin que Napoléon ait estimé et apprécié. Foureau de Beauregard était déjà entré en rapport avec O'Meara.
Mais pour de sordides raisons d'économie, le médecin corse Francesco Antommarchi lui fut préféré par Madame Mère et le Cardinal Fesch, malgré des renseignements qui ne plaidaient pas en sa faveur. Il reçut sa lettre d'embauche le 19 décembre 1818, pour neuf mille francs annuels, missionné par le cardinal Fesch en ces termes : "Ayant été chargé de choisir un chirurgien de réputation pour l'expédier à Sainte-Hélène au service de l'empereur Napoléon, j'ai fait tomber mon choix sur vous."
Il soigna Napoléon à partir de septembre 1819, y réalisa son autopsie. Il n‘eut pas le beau rôle dans l‘histoire du masque mortuaire, réalisé par Burton.
Etat de Santé de Napoléon :
Au cours des deux premières années à Sainte-Hélène - d'octobre 1815 à août 1817 - la santé de Napoléon fut satisfaisante, en dehors de petits malaises.
De septembre 1817 à novembre 1819, les jambes sont lourdes et enflées avec signe du godet; le teint est cireux, l'urine est foncée et nauséabonde. Deux crises paraissent plus sévères:
- le 1er octobre 1817, le docteur O'Meara décrit des douleurs aiguës, sensation de pesanteur de la région hypocondriaque droite et une couleur jaune de la tunica sclerotica (conjonctive de l'œil); les urines sont fortement colorées.
- le 17 janvier 1819, le docteur Stokoe décrit des douleurs "cruelles" du côté droit dans la région du foie, élancement douloureux de l'épaule.
Ces deux descriptions sont en faveur d'une pathologie biliaire. Entre ces deux crises plus importantes il a des périodes d'accalmie.
Antommarchi part pour Sainte-Hélène
Après sa nomination Antommarchi obtint non sans difficultés un congé et un passeport. Il quitta Florence le 5 janvier 1819, deux jours plus tard à Rome, il était présenté aux membres de la famille impériale (Madame mère, le Cardinal Fesch etc…). Avant son départ de Rome, Antommarchi assista à une consultation au sujet de la maladie de Napoléon, le 1er février 1819 . Il ne repartit que le 25 février 1819 pour Sainte-Hélène - via Londres - en évitant le territoire français pour ne pas fâcher Louis XVIII. La "petite colonie" transita par Turin, le Mont-Cenis, Genève, le Duché de Bade, la rive droitre du Rhin, et Francfort puis Ostende et débarquèrent à Londres le 19 avril 1819.
Arrivé à Londres Antommarchi fut mis en rapport avec les plus habiles praticiens de la capitale. Mais il avait beau renouveler ses instances pour qu'il lui soit permis de se rendre à sa destination, les promesses n'étaient suivies d'aucun effet; il fut même victime d'un guet-apens.
Le "Snipe" bateau de commerce qui devait les conduire à Sainte-Hélène n'appareillat que le 9 juillet pour arriver 70 jours plus tard soit le 19 septembre 1819. Antommarchi était accompagné dans son voyage par deux domestiques et deux prêtres les abbés Buonavita et Vignali. Ce dernier avait quelques notions de médecine mais Napoléon lui interdit toute pratique médicale "fut-ce sur le dernier des chinois" et lui enjoignit l'ordre "de se limiter à remplir ses devoirs ecclésiastiques."
Antommarchi ne fit pas longtemps illusion à Napoléon qui eut bien vite la plus mauvaise opinion de la science de l' "impudent carabin", qui le trouva jeune et présomptueux. Sa négligence, ses prétentions, ses absences perpétuelles provoquèrent de vifs reproches de Bertrand et de Montholon.
Or d'octobre 1820 à mai 1821, la maladie de Napoléon suit une marche irréversible après une évolution de trois ans et demi.
le 27 janvier 1821 Marchand rapporte qu'Antommarchi demanda à quitter l'île parcequ'il craignait, n'ayant pas la confiance de l'empereur, de compromettre une santé dont il se trouvait responsable aux yeux du monde. A la suite d'une démarche d'Antommarchi auprès du gouverneur, auquel il exprima son désir de retourner en Europe, Napoléon lui fit donner son congé en termes trés sévères et lui interdit désormais l'accès de sa chambre, préférant se remettre entre les mains du médecin anglais Arnott.
"C'est au moins un imbécile, dit Napoléon à Marchand. Quelqu'un a-t-il été plus mal soigné que moi par lui?"
Le 2 avril 1821, le même Marchand note " le docteur Arnott arriva à 9 heures accompagné du comte Bertrand; l'empereur permit qu'il fut accompagné du docteur Antommarchi "Docteur, désormais je vous attends à quatre heures avec le grand maréchal".
Le 9 avril 1821, Bertrand écrit : "Antommarchi va à sept heures et demie chez l'empereur qui se met en grande colère contre lui. "Il devrait être chez lui à six heures du matin: il passe tout son temps chez Madame Bertrand."
"- Eh bien! qu'il passe tout son temps avec ses catins; qu'il les foute par devant, par derrière, par la bouche et les oreilles. Mais débarassez-moi de cet homme là qui est bête, ignorant, fat, sans honneur. Je désire que vous fassiez appeler Arnott pour me soigner à l'avenir. Concertez-vous avec Montholon. Je ne veux plus d'Antommarchi". l'empereur ajoute: "J'ai fait mon testament: je lègue à Antommarchi vingt francs pour acheter une corde pour se pendre; c'est un homme sans honneur; si Larry, Desgenettes ou Percy étaient là je ne pourrais pas les faire sortir de ma chambre; il n'y aurait pas moyen, ils y resteraient malgrè moi. Je suis un pauvre homme"
Après le départ d'Antommarchi, l'empereur révèle au grand Maréchal que "le docteur est l'amant de sa femme"
Longwood le 16 avril 1821, Napoléon écrit:
Ceci est un codicille de mon testament:
1- Je désire que mes cendres reposent sur les bords de la Seine, au milieu de ce peuple français que j'ai tant aimé.
2- Je lègue aux comtes Bertrand, Montholon et à Marchand, l'argent, bijoux, argenterie, porcelaine, meubles, livres, armes et généralement tout ce qui m'appartient dans Sainte-Hélène.
Ce codicille tout entier écrit de ma main, est signé et scellé de mes armes. "
(Sceau) "Napoléon"
Dans les Mémoires qu'a laissé Antommarchi, il faut faire la part des exagérations, des impostures mêmes d'un incorrigible hableur.
On ne peut cependant douter de sa parole quand il décrit cliniquement, les progrès du mal qui tenaillait le corps de Napoléon et l'admirable résignation que celui-ci opposa, en pleine conscience, à la souffrance et à la déchéance physique.
Le 14 mars 1821, Antommarchi :
- "L'Empereur paraît extrêmement fatigué, sa physionomie exprime l'abattement, ses yeux sont enfoncés, livides, presque éteints. Il a pris très peu de nourriture, pendant la journée, sur le soir, il monte en calèche, fait un tour de promenade..."
Le 15 mars 1821, Antommarchi :
- "L'Empereur est très abattu. Il éprouve un froid glacial aux extrémités inférieures, le pouls est petit, irrégulier."
- "Ah, docteur, comme je souffre... Je ne sens plus mes entrailles, il me semble que je n'ai plus de bas-ventre. Tout le mal que j'éprouve est vers la rate et l'extrémité gauche de l'estomac ; je le sens, ma mort ne peut plus être éloignée..."
Le 16 mars 1821, Antommarchi :
- "L'Empereur est couché, plongé dans une somnolence léthargique qu'il ne peut vaincre."
- "En quel état je suis tombé ! J'étais si actif et alerte ! A peine si je puis à présent soulever ma paupière ; mais je ne suis plus Napoléon ...."
Le 24 avril 1821, Antommarchi :
- "vomissements Il vomit tous les aliments qu'il a pris dans la journée"
Le 30 avril 1821 Montholon note:
-"A partir d'aujourd'hui, Antommarchi veillera dans la salle à manger, car il n'est plus possible de se faire illusion sur le danger. Tout espoir est perdu. Le docteur Arnott nous l'a déclaré."
Le mercredi 2 mai 1821, Antommarchi :
-"La fièvre redouble. Délire. L'empereur ne parle que de la France, de son fils, de ses compagnons d'armes"
La fièvre diminue. L'empereur me donne quelques instructions et ajoute : "Rappelez-vous ce que je vous ai chargé de faire lorsque je ne serai plus. Faites avec soin l'examen anatomique de mon corps; de l'estomac surtout. Les médecins de Montpellier avaient annoncé que le squire au pylore serait héréditaire dans ma famille. Leur rapport est, je crois, dans les mains de Louis, demandez-le, comparez-le avec ce que vous aurez observé vous même : que je sauve au moins mon fils de cette cruelle maladie. Vous le verrez, Docteur, vous lui indiquerez ce qu'il convient de faire; vous lui épargnerez les angoisses dont je suis déchiré : c'est un dernier service que j'attends de vous." Napoléon.
Le jeudi 3 mai 1821, Antommarchi :
"Un ordre du gouverneur nous enjoint de tenir une consultation avec les docteurs Shortt et Mitchell".
Le samedi 5 mai 1821 à 17 heures 49, Antommarchi :
"La nuit est extrêmement agitée. Napoléon est toujours dans le délire" "Borborygmes, météorisme abdominal, refroidissement du corps, œil fixe, lèvres fermées et contractées. Forte agitation des ailes du nez. Adynamie la plus complète. Il parle avec peine, profère des mots inarticulés, interrompus, laisse échapper ceux de : "tête armée." Ce furent les derniers mots qu'il prononça. Il ne les avait pas fait entendre qu'il perdit la parole.Tiraillements spasmodiques auprès de l'épigastre et de l'estomac, profonds soupirs, cris lamentables, mouvements convulsifs qui se terminent par un sinistre et bruyant sanglot (...) Il est six heures moins onze minutes. Napoléon n'est plus".
Napoléon est mort à l'âge de 52 ans sur l'île de Sainte-Hélène où il séjournait depuis le 17 octobre 1815.
Le gouverneur-géolier Hudson Lowe voulut s'assurer par lui-même que Napoléon était bien mort, que le corps qu'il voyait était bien celui de l'empereur. Il demanda aussi qu'on procédât à l'ouverture du cadavre.
Antommarchi demanda l'autorisation à Hudson Lowe de prendre le masque du défunt.
Autopsie et masque de Napoléon
Les généraux Bertrand et Montholon, ainsi que Marchand, exécuteurs testamentaires assistaient à cette opération pénible le 6 mai 1821, où se trouvaient aussi sir Thomas Reade, quelques officiers d'Etat-Major, les docteurs Thomas Shortt, Archibald Arnott, Charles Mitchell, Francis Burton, Matthew Linvingstone chirurgien de la Compagnie des Indes, Henry Walter.
Autopsie de Napoléon
L'autopsie de Napoléon a donné lieu à un rapport officiel dit de Shortt-Arnott, qu'Antommarchi refusa de signer; à un contre-rapport de ce dernier remis à Bertrand et à Montholon et plus tard développé sous forme d'un livre; enfin à des notes de Henry, rédigées à la demande de Sir Hudson Lowe. (Voir les différents rapports)
Les trois comptes rendus s'accordent sur la présence d'un squirrhe gastrique présentant une perforation circulaire, bouchée par le lobe gauche du foie; d'un certain degré d'hépatomégalie; d'adhérences pneuno-pleurales gauches et de petits calculs vésicaux.
Aucun des médecins présent ne connaissait l'ulcère gastro-duodénal et, encore moins, le tableau clinique de la perforation ulcéreuse. Ils conclurent donc avec un terme assez vague de "squirrhe de l'estomac", qui a généralement été interprété comme cancer.
Napoléon arsénié ou non est bien mort de complications générales, infectieuses et hémorragiques d'une perforation gastrique, telles sont les conclusions des cinq médecins co-auteurs de "Point-Final" sur les circonstances de la mort de Napoléon. Ils y rappellent les étapes évolutives de la maladie qui n'était pas encore traitée chirurgicalement et se terminait irrémédiablment par une autopsie.
A propos des maladies de Napoléon à Sainte-Hélène, on peut médicalement retenir:
- une lithiase vésiculaire (angiocholite),
- une colite chronique,
- une affection urologique,
- une affection pulmonaire,
- un cancer ou un ulcère de l'estomac.
Thierry Lentz, Directeur de la Fondation Napoléon le 26 novembre 2003, à Sao Paulo où s'est tenue une exposition consacrée à Napoléon, a déclaré: "Napoléon n'est pas mort empoisonné. Il était tuberculeux [sic], il avait un ulcère et surtout, il s'ennuyait. Il est mort d'ennui et de chagrin. "
Masque mortuaire de Napoléon
L'origine du masque mortuaire exécuté est controversée. Plusieurs médecins se disputant le mérite de la priorité de cette empreinte, avant ou après l'autopsie : Antommarchi, Burton ou Arnott ? Le masque actuellement conservé au Musée de l'Armée, provient des descendants d'Antommarchi, fixés au Vénézuela. Il est considéré comme authentique. Pourquoi a-t-on suspecté l'authenticité du masque Antommarchi ?
Sur un lit de camp, Napoléon sera revêtu de l'uniforme légendaire de colonel des chasseurs à cheval de la Garde impériale, l'épée au côté botté éperonné, chapeau sur la tête; un crucifix sur la poitrine. Il sera veillé jusqu'au 9 mai, où une messe dite par l'abbé Vignali précédera le cortège funèbre : porté par douze grenadiers, le cercueil sera ensuite confié à une calèche, 2000 soldats britanniques rendront les honneurs.
En 1854, Napoléon III négocia avec le gouvernement britannique l'achat de Longwood House et de la Vallée du Tombeau qui devinrent propriétés françaises en 1858. Gérés par le Ministère des Affaires étrangères, ces deux domaines restaurés dans leur aspect de 1821 sont ouverts au public. Composée de quelques pièces, Longwood House rassemble des vestiges du mobilier original, des souvenirs de l'Empereur et des œuvres évoquant son fabuleux destin. Les communs attenants qui étaient occupés par les compagnons de Napoléon sont aujourd'hui habités par Michel Martineau, le Consul honoraire de France, conservateur des Domaines français de Sainte-Hélène
Retour en Europe
Pour Antommarchi le retour en Europe fut plus confortable, en compagnie des derniers fidèles de Napoléon. Embarqués le 27 mai 1821 ils débarquèrent le 31 juillet en rade de Porsmouth. Il se précipita à Parme pour y rencontrer l'ex-impératrice Marie-Louise, pour lui donner des nouvelles du défunt et lui faire part des dispositions testamentaires de l'empereur en sa faveur. Marie-Louise n'était pas en état de le recevoir tant "elle se plaignait et elle gémissait" de chagrin.
Antommarchi décida d'aller jusqu'à Rome recontrer madame Mère. Il raconte qu'elle le reçut à trois reprises, "elle me prodiga des témoignages de bienveillance et de satisfaction et m'offrit un diamant qui ne me quitta jamais".
Séjour à Paris
En fait Antommarchi ne reçut pas de réconfort de la famille impériale; il regagna Paris où il tenta de s‘installer en ouvrant un cabinet médical le 6 février 1822, 32 rue de Rivoli, qui bénéficiait d'une surveillance policière. Il y recevait surtout des fidèles de l'empereur dont beaucoup, indigents, étaient soignés gratuitement.
Il publie alors les planches anatomiques de Mascagni, suivies de ses commentaires personnels dans un ouvrage monumental édité à Paris sous les règnes de Louis XVIII et Charles X, mais, dédié à Napoléon et "au tombeau de Sainte-Hélène" et titré "Planches anatomiques du corps humain exécutées d'après les dimensions naturelles". Et les héritriers du professeur Mascagni se montrèrent procéduriers à son égard.
Sa grande œuvre restera pour les médecins surtout "Les derniers momen(t)s de Napoléon". Publiée en 1825, en deux tomes par l'auteur lui-même, à Paris, à Londres, à Stuttgart, à Bruxelles, en Toscane. Ce livre décrit avec précision la séméiologie et l'évolution clinique de l'état de santé de l'empereur. Il faut savoir décripter le langage médical de l'époque ce qui nécessite un minimun de connaissance des pathologies et de leur traduction correspondante actuelle.
Notons, par exemple que le fameux "coup de poignard" symptôme d'alarme de la pathologie digestive, bien connu des médecins, devient sous la plume des "toxicologues de l'Histoire" : coup de rasoir, coup de canif, coup de couteau
Les descriptions cliniques sont délayées dans de longs soliloques impériaux, soigneusement transcrits par l'auteur. Mais ce mémorial contient par ailleurs de nombreuses erreurs.
Séjour en Pologne
Le 15 avril 1831, François Antommarchi partit pour la Pologne. A cette époque les militants révolutionnaires et humanitaires voyageaient à leurs frais. Le Docteur F. Paoli dit dans son ouvrage qu'il fut le contraire des aventuriers ou des soi-disant "médecins du monde" d'aujourd'hui qui donnent dans l"humanitaire" aux seules fins de s'afficher dans les médias."
Le gouvernement polonais lui confia la surveillance du service de santé des hôpitaux militaires avec le grade d'inspecteur général. Le 7 septembre 1831, les troupes russes envahissent la Pologne, Antommarchi avait opportunément quitté la ville la veille pour la Prusse. Il se rendit en Toscane dont il fut expulsé pour raisons poilitiques.
Nouveau séjour à Paris
De retour à Paris il ouvrit un cabinet 8 rue Fouard. Il se dépensa pour combattre une épidémie de choléra qui emporta une vingtaine de milliers de parisiens. Mais découragé par les critiques dont il était l'objet, le non respect des dispositions testamentaires prises en sa faveur par l'empereur qui n'avaient été exécutées que partiellement, les tracasseries policières du régime Louis-Philippard qui lui était hostile et les accusations de faux au sujet du masque de l'empereur, François Antommarchi se résolut à quitter la France.
Départ pour les Amériques
Séjour en Louisiane
Il partit pour la Louisiane où il fut accueilli à la Nouvelle-Orléans le 8 novembre 1834. Il s'y installa; vécut une existence socialement brillante et professionnellement fructueuse ( il pratiqua sans doute avec succès de nombreuses interventions de la cataracte).
Séjour au Mexique puis à Cuba
Après trois ans jugeant l'atmosphère malveillante à son égard, il embarqua pour le Mexique en mai 1837; puis pour la Havane où il retrouva son cousin Antonio-Benjamin Antommarchi qui avait fait fortune dans des plantations de café.
Santiago de Cuba était alors une ville qui avait recueilli de nombreux français: dès 1802 les rescapés de l'armée du général Leclerc (mari de Pauline) et de son successeur Rochambeau après le désastre de Saint-Domingue et en 1815 les vaincus de Waterloo. Antommarchi arriva à Santiago de Cuba le 2 janvier 1838; celui qui avait été un des derniers serviteurs de Napoléon bénificia immédiatement d'une grande réputation médicale.
Une épidémie de fièvre jaune se déclara. Antommarchi soigna de nombreux malades mais ne prit aucune précaution pour lui-même et fut atteint par la maladie le 28 mars 1838.
Il mourut le 3 avril 1838, à Santiago de Cuba, de la fièvre jaune, après avoir reçu contre son grè l'extrême-onction dont il ne voyait pas l'utilité. Les régiments de la garnison rendirent les honneurs selon le cérémonial réservé au médecin d'une tête couronnée.
A propos d'Antommarchi:
André Castelot dit de lui que :
"Le personnage est si antipathique, ses dires sont à tel point sujet à caution que je ne donnerai que de brefs extraits de ses Souvenirs"
et Ben Wieder, Président de la Société Napoléonienne Internationale:
"Le Chirurgien" corse italianisé prosecteur du professeur Mascagni à Florence, de mince science mais d'outrecuidante impudence, qui soignera si peu et si mal son patient que celui-ci l'inscrira seulement pour une corde de potence à son testament."