Aulus Cornelius CELSUS

25 av. J.C. - 50 après J.C.

Érudit, naturaliste et médecin romain

Pratiquement inconnu aujourd'hui Aulus Cornélius Celsus, a pourtant été l'égal des plus grands médecins antiques et représente à côté du grec Hippocrate, du gréco-latin Galien, le type même du médecin romain.Un des grands primitifs de l'Art de la Médecinedit "l'Hippocrate latin"

On connaît peu de chose de sa vie : il semble cependant certain qu'il ait vécu au temps de l'empereur Auguste (de la fin du 1er avant J.C. au début du 1er après J.C.).

Aulus Cornelius Celsus serait né à Vérone, il écrit sous le nom de "De Artibus" (ouvrage aujourd'hui disparu), une vaste encyclopédie couvrant des domaines aussi variés que l'agriculture, l'art militaire, la rhétorique, la philosophie, la jurisprudence et la médecine.

Tout comme Pline l'Ancien, Celse est un naturaliste encyclopédiste qui exerce la médecine à Rome au cours du Ier siècle. Il se démarque de ses contemporains cultivés en écrivant non pas en langue grecque mais en latin.

Le sixième livre de l'ouvrage De Medicina (Celse)"De Medicina libri octo ", est la seule partie de son œuvre qui nous soit parvenue. Il représente le premier ouvrage complet sur la profession médicale. Il fut le premier auteur médical dont l'œuvre fut imprimée en caractères mobiles par Nicolao en 1478, à Florence, grâce à l'invention de Gutenberg, avant même les œuvres d'Hippocrate et de Galien. Il eut ensuite d'innombrables éditions à l'époque de la Renaissance.

La plus ancienne édition de ses oeuvres est celle de Florence (1478, pet. in-fol.), presque introuvable; l'édition de Milan (1481, in-fol.), est également très rare; ces éditions furent suivies d'une foule d'autres; celles de Targa (Padoue, 1769, in-4; 1815) sont parmi les meilleures; les éditions de Ritter et Albers (Cologne, 1830, in. 8) et Daremberg (Paris, 1859, in-8), sont d'un format très commode. Les traductions françaises sont assez nombreuses; les meilleures sont celle de Ninnin (Paris, 1754, 2 vol. in-42); réimp. en 1821, puis réédité sans modifications sérieuses par Ratier et Fouquier (Paris, 1828, in-18); celle de Des Étangs (Paris, 1846, in-8), qui fait partie de la collection des classiques de Nisard; enfin celle de Védrènes, avec le texte en regard (Paris, 1876, gr. in-8).

C'est un traité de médecine récapitulant toutes les connaissances accumulées depuis Hippocrate, comprenant une préface consacrée à l'histoire de la médecine ancienne et huit livres divisés en trois groupes:
- les maladies curables par le régime (hygiène des gens bien portants), ici, Celse distingue les maladies générales et les maladies locales.
- les maladies curables par les médicaments (les remèdes), Celse distingue les urgences médicales et les affections chroniques dont le traitement peut être différé.
- les maladies curables par l'art manuel (la chirurgie) il y distingue les maladies d'organes et les maladies osseuses du ressort de l'orthopédiste.

Parallélement à cette classification médico-chirurgicale, il différencie les maladies générales des maladies localisées. Comme Hippocrate il néglige le diagnostic au profit du pronostic, d'où son intérêt pour le traitement des patients.

Dans ce traité de médecine , le plus important de l'Antiquité romaine, Celse inaugure la terminologie scientifique latine.

S'appuyant sur toutes les connaissances médicales positives accumulées dans le monde antique, depuis Hippocrate jusquà Auguste, le travail de Celse s'inspire d'un louable souci d'objectivité, de bon sens et de logique. Celse fait systématiquement état de l'apport médical antérieur, notamment de celui de l'Ecole d'Alexandrie qu'il a contribué à faire connaître. Il cite ainsi de très nombreux auteurs qui l'ont précédé.

Celse a le constant souci de ne retenir que les faits vérifiables et bien établis: Celse"Puisque les choses incertaines ne sont pas compréhensibles, mieux vaut n'utiliser que celles qui sont assurées et démontrées, comme on le fait dans tous les autres arts: l'agriculteur comme le pilote ne se forment pas dans les discussions spéculatives, mais dans la pratique… Si l'art de raisonner faisait les bons médecins, il n'y en aurait pas de meilleurs que les philosophes; mais ceux-ci excellent dans la science des mots et ne possèdent point celle qui guérit… Un homme privé du don de s'exprimer mais versé dans la pratique serait certes un plus grand médecin que s'il avait cultivé l'art de bien dire sans s'appuyer sur l'expérience… La médecine est liée à la théorie, mais doit se fonder sur les phénomènes visibles; les causes obscures doivent être écartées, non pas de l'esprit du médecin, mais de l'art proprement dit."

Celse s'inspire des données établies par les alexandrins. Il s'oppose toutefois formellement à la vivisection.

Il attache une grande importance au rôle psychologique du médecin et au premier contact avec le malade: "Un médecin expérimenté doit se garder de s'emparer du bras du patient dès son arrivée (pour tâter le pouls), mais bien s'asseoir d'abord auprès de lui, le visage souriant; il s'informera de son état et, s'il paraît inquiet ou ému, il le calmera en s'aidant d'arguments convaincants; ce n'est qu'ensuite qu'il avancera la main pour explorer le pouls : la seule présence du médecin peut suffire à l'accélérer."

• En ce qui concerne les maladies particulières, il décrit entre autres, les signes de la cystite et ceux de la lithiase rénale.
Il parle de léthargie et insiste sur les dangers de l'alcool dans l'épilepsie.
Il décrit l'ictus cérébral apoplectique.
Il étudie avec soins les fièvres, les dysenteries infectieuses, et distingue les parasitoses intestinales à vers plats et à vers ronds.
Celse réserve une place à part aux maladies saisonnières ainsi qu'à celles de l'adolescence et du grand âge.
La pneumologie occupe une place importante dans son œuvre. Il est partisan de traiter précocement les phtisiques par la climatothérapie, un voyage en mer ou un séjour en Egypte. la pneumonie relève de la saignée, des cataplasmes et du repos dans une chambre bien aérée.

• Celse accorde une importance non négligeable aux prescriptions hygiéno-diététiques, s'inspirant à cet égard de la modération et du bon sens hippocratiques. Il fait une étude minutieuse des régimes alimentaires dans de nombreuses affections: la goutte, le rhumatisme et l'obésité.
Les médicaments dont il indique l'emploi sont classés suivant leurs effets. Il conseille fort judicieusement certaines associations pharmacologiques.

• La thérapeutique a pour base, la saignée, les lavements, les ventouses, les promenades, les massages et les bains.

• Les 7ème et 8ème livres de son ouvrage sont consacrés à la chirurgie. C'est le plus important en raison de la précision et de la clarté des descriptions; on peut penser que la praticien a de l'expérience. La chirurgie a d'ailleurs fait des progrès considérables et le chirurgien possède maintenant un arsenal instrumental important que nous connaissons en grande partie par les instruments découverts à PompeÏ, qui se trouvent au Musée de Naples.

"Il faut, dit-il, que le chirurgien soit jeune ou proche de la jeunesse; il doit avoir la main habile et ferme, jamais tremblante, et savoir se servir aussi aisément de la gauche que de la droite. Sa vue sera claire et perçante, son cœur inaccessible à la crainte et à la pitié, soucieux avant tout de guérir le malade; loin de sa laisser émouvoir par les cris et montrer plus de précipitation que le cas ne l'exige ou de couper moins qu'il ne faut, il poursuivra son opération comme s'il n'entendait pas les plaintes du patient."

…Les plaies et blessures demandent à être nettoyées et décaillotées; les hémorragies vasculaires relèvent de la double ligature ou de la cautérisation. Les fractures doivent être immobilisées dans un pansement rigide imprégné de cire et de farine qu'il convient de changer entre le 7ème et le 9éme jour, c'est à dire lorsque l'œdème initial a régressé. En cas de fracture ouverte, la contention doit être précédée de la résection des esquilles…

…Celse traite également de la trépanation du crâne, de la ponction évacuatrice des ascites à l'aide d'une canule de cuivre ou de plomb. En chirurgie abdominale, il décrit des cures herniaires, la suture du péritoine, du gros intestion, celle du grêle étant voué à l'echec, la réfection de la paroi. Il décrit la chirurgie vésicale, la lithotritie. Il indique comment opérer le phimosis, les hémorroÏdes…

…Il consacre un chapitre de son "De Medicina" aux cancers. Instruments chirurgicaux romainsComme Hippocrate, il s'étend surtout sur les tumeurs du sein et de la matrice (utérus), ulcérées ou extériorisées. à la différence de ses prédécesseurs, il recommande l'excision sanglante si la tumeur est reconnue à un stade précoce ou, à défaut, l'application de cautère ou de caustique pour la détruire; il reconnaît que même ainsi les chances de guérison sont minimes; si ces méthodes ne sont pas applicables ou couronnées de succès, il ne reste plus qu'à appliquer sur la plaie des cataplasmes, par exemple à base de figues. Celse évoque déjà le risque de stimuler l'évolution du cancer par un traitement incomplet, ce qui sera à l'origine du principe "noli me tangere" (ne me touchez pas) qui prévaudra longtemps, avant d'être réfuté dans la grande majorité des cas…

…Celse a des connaissances en ophtalmologie (exophtalmie, cataracte). Celse connait certaines raretés pathologiques comme le kyste dermoÏde. On lui doit enfin l'inventaire d'une cinquantaine d'instruments chirurgicaux dont on a retrouvé à PompéÏ des exemplaires parfaitement conservés.

Celse tombera malheureusement dans l'oubli, la gloire de Galien éclipsant la sienne.

Sources

- Histoire de la Médecine, Maurice Bariéty et Charles Coury, Fayard Editeur 1963