Sa jeunesse
Théophile-René-Marie-Hyacinthe Laënnec est né le 17 février 1781, à Quimper dans le comté de Cornouailles. Sa mère, née Michelle Guesdon, meurt de tuberculose alors qu'il n'est âgé que de cinq ans. Son père, Théophile Marie Laennec, issu de la noblesse de robe, exerçait les fonctions, plus honorifiques que rémunératrices, de conseiller du Roi et de lieutenant de l'Amirauté, ne s'intéressa pas longtemps à ses enfants et dès son veuvage les remettra à son frère le docteur Guillaume Laënnec, médecin-chef de l'Hôtel Dieu, à Nantes, qui se charge de son initiation médicale. C'est ainsi que celui qui fera plus tard ses études à Paris sera d'abord éduqué au collège de Nantes.
Il est pris d'admiration pour son oncle, médecin, grand humaniste et admirateur d'Horace et d'Ovide, dont Théophile-René dira plus tard : "J'ai appris de lui les vertus secrètes des métaux et des plantes, étudié sous ses yeux les structures de l'homme et acquis quelques-unes des connaissances qui mènent à l'art de guérir".
Nantes va bientôt souffrir des désordres de la guerre, la guillotine installée sur la place du Bouffai, va décider la famille Laënnec à déménager pour fuir le spectacle atroce du couperet. Théophile-René Laennec est nommé, le 29 septembre 1795, à Nantes, aide-chirurgien de 3e classe, c'est-à-dire étudiant en médecine militaire. En 1797, il est envoyé à l'Hôpital militaire de Brest, pour y soigner les blessés avec le grade de chirurgien de 3e classe. Par concours, il accède, en 1798, au grade d'officier de santé de 2e classe, ce qui lui permet de poursuivre ses études à Paris.
En 1801, Théophile-René Laënnec s'installe à Paris chez son frère aîné Michaud étudiant en droit. Là, d'une part il retourne aux études classiques, latin et grec, à l'École du Collège des Quatre Nations; d'autre part, il est élève libre à l'Ecole de santé, où il suit les cours de Corvisart, Pinel, Bichat et Dupuytren. Les études médicales du jeune Laënnec furent très tôt orientées vers les affections thoraciques.
Il participe à la fondation de la "Société d'Instruction médicale". Quelques mois après, il écrit dans le "Journal de la Médecine", dont Corvisart assurait la direction, un long article sur les inflammations du péritoine et, presque chaque mois, il fera paraître, sous sa signature, des mémoires toujours intéressants qui le font connaître.
C'est à cette époque, qu'il se rapproche de l'Église, dont il s'était éloigné. Sous l'influence d'un jésuite, le père Delpuits, il est admis, en mars 1803, dans la Congrégation, association de prière et de travail. Désormais, pour Laennec, les agissements du chrétien et les devoirs du médecin seront intimement liés.
Début de carrière
Le 16 mai 1803, Laennec est deux fois lauréat au plan national (premiers prix de médecine et de chirurgie). La même année, il découvre en collaboration avec Gaspard-Laurent Bayle, la lésion fondamentale et pathologique de la tuberculose: le tuberculome.
Le 11 juin 1804, il soutient sa thèse de doctorat intitulée "Proposition sur la doctrine d'Hippocrate relativement à la médecine pratique", dans laquelle il souligne l'importance de la sémiologie et de la nosologie pour le traitement des maladies.
En 1804, il lit une note sur la classification des lésions anatomiques à la société de l'école de Médecine. Dupuytren veut s'attribuer l'idée de son benjamin. Il en naîtra une regrettable polémique entre les deux hommes.
Pendant dix ans (1804-1814), Laennec ouvre un cours privé et se consacre à sa clientèle. Il reçoit chez lui, au n° 5, rue du Jardinet, Paris VIe.
En 1806 il enseigne l' anatomo-pathologie. "Je crois que cette étude (la méthode anatomo-clinique) est la seule base des connaissances positives en médecine, et qu'on ne doit jamais la perdre de vue dans les recherches étiologiques sous peine de poursuivre des chimères " écrira-t-il. Cette attitude, d'une exigence absolue, n'assécha en rien le cœur de cet homme d'une bonté et d'une charité légendaires qui ne perdit jamais de vue que ses efforts avaient pour objectif final le soulagement des détresses de l'humanité.
En 1808, il est nommé médecin du cardinal Fesch (oncle de Napoléon) et il s'entend fort bien avec le Grand Aumônier de l'Empire, malmené par l'histoire et le caractère de son impérial neveu. Il soigne aussi Chateaubriand et son épouse (1809-1826), Félicité de Lamennais, l'abbé Emery mourant (1811), les cardinaux Ruffo, Visconti et Eskin, Mme de Staël (1817) ainsi que les pauvres gens (consultations et vaccinations gratuites au dispensaire de la Société philantropique, 35, rue Lacépède).
A la chute de l'Empire
En 1814, lors de la chute de l'Empire, Laennec soigne, à la Salpêtrière, les jeunes soldats bretons malades du typhus et dont personne ne comprenait le langage.
En août 1814, il se rend en Bretagne pour procéder à la restauration du manoir de Kerlouarnec, à Ploaré (Finistère), qui lui venait de sa mère.
Nommé médecin-chef à l'hôpital Necker en juin 1816, personne ne se doute que ce jeune provincial va découvrir quelques semaines plus tard le procédé de l'auscultation médiate - c'est à dire par l'intermédiaire d'un instrument - par opposition à l'ausculation immédiate où l'oreille est appliquée directement sur la poitrine du patient. Il contribue ainsi à une transformation majeure de la médecine. Laennec avait pris connaissance de la traduction en français par Corvisart de l'opuscule "Inventum novum", paru en latin en 1761 par Léopold Auenbrugger, l'inventeur de la percussion. Laennec en comprit l'importance mais en perçut aussi les limites. Le jour où il compléta la percussion par l'auscultation, un pas gigantesque venait d'être franchi: on "examinait" les malades, on ne se contentait plus des les "observer".
Il ne veut pas d'un nombreux public ses assistants sont en petit nombre. Lorsqu'il visite ses malades en salle, c'est avec soin et précautions qu'il refait lui-même toutes les observations.
Le "pectoriloque" ou stéthoscope:
Un jour de 1816, il est consulté par une jeune fille : "Je fus consulté en 1816 par une jeune personne qui présentait des symptômes généraux d'une maladie de cœur et chez laquelle l'application de la main et la percussion donnaient peu de résultats à cause de l'embonpoint. L'âge et le sexe de la malade m'interdisant l'espèce d'examen dont je viens de parler, je vins à me rappeler un phénomène d'acoustique fort connu : si l'on applique l'oreille à l'extrémité d'une poutre, on entend très distinctement un coup d'épingle donné à l'autre bout. J'imaginais que l'on pourrait peut-être tiré parti de cette propriété des corps. Je pris un cahier de papier, j'en formai un rouleau dont j'appliquai une extrémité sur la région précordiale, et posant l'oreille à l'autre bout je fus aussi surpris que satisfait d'entendre les battements du cœur d'une manière beaucoup plus nette et plus distincte que je ne l'avais jamais fait par application directe de l'oreille."
En amplifiant les bruits de l'auscultation grâce à l'invention d'un instrument Laënnec a donné naissance au stéthoscope (de deux mots grecs, stethos, poitrine, et skopein, examiner).
Avec Laënnec, les cliniciens pour la première fois apprenaient à se servir de leur oreille. Le médecin consigna alors la théorie stéthacoustique et ses applications pour la pratique. Il note avec soin tout ce qu'il entend, il analyse les bruits et établit une coïncidence entre les symptômes cliniques et les constatations faites par autopsies. Il écrivait à un ami : "Le livre que je vais publier sera, je l'espère, assez utile tôt ou tard pour valoir mieux que la vie d'un homme et en conséquence mon devoir était de l'achever quelque chose qui pût m'arriver."
Ce livre, parût le 14 août 1818: "De l'auscultation médiate" ou "Traité du diagnostic des maladies des poumons et du cœur fondé principalement sur ce nouveau moyen d'exploration" - est prodigieux de précision et de découverte. En le lisant on y retrouve parfois sans modifications les questions de concours, telles qu'elles sont présentées de nos jours. Il étudie la pneumonie : " Le râle crépitant est le signe pathognomonique de l'engouement inflammatoire du poumon. Ce signe présente alors l'image de bulles très petites très égales entre elles, et il parait très peu humide. Ces caractères sont d'autant plus saillants que le point enflammé est plus voisin de la surface du poumon."
Lorsqu'il eut connaissance de la découverte de Laennec, Châteaubriand, écrivit: "Au moyen d'un tube appliqué aux parties extérieures du corps, notre savant compatriote breton, le docteur Laënnec est parvenu à reconnaître par la nature du bruit de la respiration, la nature des affections du cœur et de la poitrine. Cette belle et grande découverte fera époque dans l'histoire de l'Art. Si l'on pouvait inventer une machine pour entendre ce qui se passe dans la conscience des hommes, cela serait bien utile au temps où nous vivons. C'est dans son génie que le médecin doit trouver le remède, a dit un autre médecin dans ses ingénieuses maximes, et l'ouvrage du docteur Laënnec prouve la justesse de ses observations".
Consécration de ses mérites
Médisance des adversaires
En août 1822, il fait sa première leçon au Collège de France. Après le silence de la recherche, il évoque les combats contre les faux savants. Grand défenseur de la méthode anatomo-clinique, il nomme Paracelse et c'est Broussais qu'il veut atteindre. Mais le public a déjà choisi, le commun s'y laisse toujours prendre. Broussais est fait pour la foule par sa robustesse, ses accents violents, sa publicité tapageuse. Laënnec, lui, est fait pour la solitude, car plus fragile, de grande culture, plus fin de raisonnements et de plus parfait équilibre.
Consécration
L'avenir va donner raison à Laennec, non seulement en France, mais à l'étranger (en Grande-Bretagne, notamment par les médecins de la Marine anglaise, en Allemagne, en Suisse, en Russie, en Suède). C'est finalement lui qui recevra les palmes tant ses études solitaires et prolongées ont été guidées par une logique et une honnêteté méfiante et scrupuleuse.
En 1822, il est titulaire de la chaire de Médecine au Collège de France , en 1823, d'un siège à l'Académie royale de Médecine et de la chaire de médecine interne à l'Hôpital de La Charité, le 22 août 1824, il reçoit la croix de la Légion d'honneur. Il enseigne sans soucis oratoires et sans désir de plaire. Il est également membre de la Commission chargée de réorganiser la faculté de Médecine.
Dans la deuxième édition de son livre en 1826, la préface s'adresse à ses principaux contradicteurs. Attaquant et se comparant à Broussais, il énonce quels buts il a toujours poursuivis:
1 . Distinguer sur le cadavre un cas pathologique aux caractères physiques que présente l'altération des organes.
2. Le reconnaître sur le vivant à des signes certains et autant que possible physiques et indépendants de symptômes, c'est-à-dire des troubles variables des actions vitales qui l'accompagnent.
3. Combattre la maladie par les moyens que l'expérience a montré les plus efficaces.
Il vivra comblé de reconnaissance et d'honneur par ses élèves, ses confrères, des amis comme Madame de Staël, Châteaubriand, la Duchesse de Berry (1821) qui le prit pour médecin personnel et bien d'autres.
Vie personnelle
Depuis plusieurs années, il avait pris, pour gouverner sa maison, une parente veuve et ruinée, Jacquette Guichard, veuve Argou. Désirant lier leurs destinées, ils se marient, dans l'intimité, à la mairie du VIe arrondissement, puis à l'église Saint Sulpice, le 16 septembre 1824. Ils vont bientôt habiter 17, rue Saint-Maur, devenue depuis 1880, rue de l'abbé Grégoire, à Paris .
Malheureusement cette vie exemplaire sera fauchée à 45 ans. Malade, il quitte Paris pour la Bretagne et meurt dans la maison familiale, le manoir de Kerlouanec, le 13 août 1826, probablement d'une tuberculose dont il avait enseigné le diagnostic, contractée au cours de ses dangereuses investigations. Il est inhumé au cimetière de Ploaré.
Dans son testament on peut lire ce qu'il léguait à un ami: " Je lui donne ma montre, mes breloques, ma bague. Je lui donne aussi mon stéthoscope, la meilleure partie de ma succession."
En 1879, l'hospice des incurables prend le nom d'hôpital Laënnec; c'était la première fois en France qu'un hôpital recevait le nom d'un médecin. Six ans plus tard, un hôpital recevait le nom de Broussais comme si par ce geste on eut voulu apaiser les discordes, en offrant à deux hommes aussi différents le même laurier.