Jeunesse
Dominique-Jean Larrey est né le 8 juillet 1766, à Baudéan, près de Bagnères-de-Bigorre dans les Hautes Pyrénées, sous le règne de Louis XV. Il est issu d'une modeste famille pyrénéenne. Son père, Jean de Baudéan est cordonnier de village, sa mère Philippine Pères, ils auront trois enfants : Geneviève (1760) Dominique (1766) et Claude François (1769). Après le décès précoce de son père, sa mère, s'efforce d'élever ses trois enfants avec les ressources modestes de son maigre patrimoine. Ainsi, jusqu'à l'âge de 13 ans, le jeune Dominique Larrey connaît la vie simple et rude de petit campagnard sans ressource dans une région célèbre pour la douceur de son climat et les vertus des eaux thermales de Bagnères que fréquenta Jeanne d'Albret et que célébra plus tard Montaigne. Il est éduqué par l'abbé Grasset, curé de Baudéan, qui remarque son intelligence et son courage.
Etudiant
Orphelin de père à 13 ans, en 1780, avec l'accord de sa famille, il fait son apprentissage médical auprès de son oncle Alexis Larrey chirurgien en chef à l'hôpital Saint Joseph de la Grave, vieil hospice toulousain. Nous sommes sous le règne de Louis XVI. Son oncle l'accueille, lui "fait faire ses humanités" au collège de l'Esquille dirigé par les Frères de la Doctrine Chrétienne. Etudiant il est passionné par les cours de dissection anatomique et devient l'assistant de Jean-Jacques Frizac, et en 1785, il obtient à 19 ans, le premier prix de la Société Saint-Joseph de la Grave puis il est désigné "professeur-élève". En 1786, il est nommé premier au concours d'aide-major de l'Hôpital de la Grave, soutient brillamment sa thèse sur la "carie des os" et reçoit une médaille de la cité de Toulouse. Il est initié aux activités maconniques dans la loge des "Ecossais Fidèles", dans la mouvance contestataire "patriote".
En août 1787, après six semaines d'une marche à pied harassante dans la traversée du Quercy et du Limousin, Dominique Larrey arrive dans la capitale nanti des recommandations de son oncle Alexis pour Antoine Louis, secrétaire perpétuel de l'Académie Royale de Chirurgie qui l'introduit auprès de Pierre-Joseph Desault créateur de la Clinique Chirurgicale de l'Hôtel Dieu pour l'enseignement au lit du malade.
Chirurgien militaire
Début de carrière
En 1787, Dominique Larrey part pour Brest, présenter le concours pour un poste de chirurgien major de la marine royale. Il fait le voyage à pied, avec un autre officier de santé auxilliaire de la marine. Classé premier, en attendant son embarquement sur la frégate "La Vigilante", il suit à la prestigieuse école de médecine de Brest, l'enseignement de Pierre Duret. Larrey s'initie au traitement chirurgical précoce des blessures et à un respect strict des parties intactes lors du traitement des plaies. La campagne de pêche à Terre Neuve l'oblige à étudier l'hygiène, le mal de mer, le scorbut, sans négliger les conditions climatiques, et l'ethnologie. Au cours de cette expérience, il montre toutes ses qualités et reçoit des félicitations officielles au retour de l'expédition. Mais la vie à bord ne lui convient pas.
Il revient à Paris, et reprend ses études à l'Hotel-Dieu avec Desault et Sabatier. En 1789, il est reçu premier au concours d'aide-major de l'Hôpital des Invalides, mais il se montre volontiers dans toutes les manifestations populaires, ce qui ne lui permet pas d'occuper son poste aux Invalides, il est donc évincé au profit d'un candidat protégé du gouverneur Chastenet de Puységur. Il est conforté dans ses idées révolutionnaires et participent aux harangues de Camille Desmoulins. Il donne des cours d'anatomie et d'obstétrique pour subvenir à ses besoins.
Les guerres de la République et du Consulat
Le 21 septembre 1792, la Convention décide que "la royauté est abolie en France". Le lendemain, la même assemblée décrète qu'en ce jour débute "l'an I de la République française". Elle vivra - formellement - près de douze ans, jusqu'au 18 mai 1804. Ce jour-là, une nouvelle constitution est proclamée. La première République doit faire face à la première coalitiion.
Sous la Première République
En pleine tourmente révolutionnaire, en 1792, Dominique Larrey reçoit sa première affectation comme aide-major à l’armée du Rhin, sous les ordres du général Houchard (1739-1793), première étape d'une carrière qui le conduisit sur tous les champs de bataille d'Europe, de l'Espagne à la Russie, et même dans les déserts d'Égypte et de Syrie. Il reçoit le baptême du feu à la bataille de Spire, en septembre 1792, qui lui permet d'appliquer les principes de la chirurgie navale. Il brave l'interdiction interdisant aux officiers de santé, sur terre, de se tenir à moins d'une lieue des combats et à attendre leur fin pour secourir les blessés. Il observe à la lorgnette, la rapidité avec laquelle les batteries d'artillerie à cheval se déplacent et imagine les "ambulances volantes" à laquelle son nom sera désormais attaché, capables de suivre les combattants et de les secourir jusqu'au cœur de la bataille (voir ci-dessous). En novembre 1792, le ministre de la guerre Pache, ouvre un concours pour le projet d'ambulances mobiles et sur la notion de chirurgie d'urgence auquel il va participer.
Le Général Vicomte Alexandre de Beauharnais est séduit, dès 1793, par les avantages psychologiques de cette conception pour les soldats et pour la nouvelle organisation possible du service de santé. Mais "l'opposition des administrateurs" - qui donnaient leurs ordres au service de santé - ne permet pas la réalisation de ce concept qui ne se fera que cinq ans plus tard, en 1797 à l'armée d'Italie du Général Bonaparte avec le soutien de Desaix qui sera tué à Marengo le 14 juin 1800.
A la même époque, il décide de remédier à la mauvaise organisation du service de la Santé en créant à Mayence, en 1793, un cours de perfectionnement destiné à ses collègues.
En 1794, à 28 ans, il présente son programme d'ambulances volantes qui est adopté par le conseil de santé, avant d'aller rejoindre à Toulon son affectation comme chirurgien en chef de l'Armée de Corse. Républicain affirmé, il est séduit par le dynamisme et l'autorité du jeune général Bonaparte.
Il fait un bref retour en 1795 au Val de Grâce, sous la direction de J.F. Coste, il devint le premier Professeur titulaire de la chaire d'Anatomie et de Chirurgie Militaire. Dans ses fonctions, il inventa, entre autres, la ligature des vaisseaux sanguins.
Il fonde avec Desgenettes le service de santé, ancêtre de "la Société de Médecine Militaire". Il dut abandonner son poste l'année suivante pour rejoindre l'Armée d'Italie.
Campagne du Directoire (26/10/1795 - 9/11/1799)
Dominique Larrey participe à la campagne d'Italie en 1796 et 1797 connaissant les victoires de Montenotte, Pont d'Arcole, Pont de Lodi, Castiglione. C'est là qu'il met en pratique sur le terrain pour la première fois ses ambulances volantes en trois positions, Udine, Padoue et Milan avec un succès tel qu'après Campo-Formio le général Bonaparte lui déclare :"Votre œuvre est une des plus hautes conceptions de notre siècle et suffira à elle seule à votre réputation".
Campagnes du Consulat (9/11/1799 - 18/05/1804)
Dans le but de contrarier la présence anglaise en Méditerranée orientale et sur les routes des Indes, la guerre contre l'Angleterre se poursuit avec la campagne d'Egypte de 1798 à 1801. L'organisation médicale est confiée à Desgenettes, médecin chef et Dominique Larrey, 32 ans, chirurgien en chef de l'Armée d'Orient, qui va donner toute sa mesure d'organisateur, d'opérateur et d'humaniste.
A l'automne 1798, Dominique Larrey écrit à son épouse : " je suis de ceux qui sont attachés par des chaînes indestructibles au char du moderne Alexandre"… Ce fut vrai pendant 17 ans d'épopée commune. Au Caire, il fonde une école de chirurgie. A Aboukir, l'activité de Dominique Larrey est énorme (150 tués et 750 blessés). Larrey se fait remarquer et apprécier de Bonaparte par son désintéressement et par son dévouement, il devient son ami. S'adaptant aux conditions locales, le chirurgien installe ses ambulances volantes à dos de chameau. "Je fis construire cent paniers (sans doute en osier souple), deux par chameau, disposés en forme de berceau que l'animal portait de chaque côté de sa bosse, suspendus par des courroies élastiques au moyen d'une prolonge à bascule : ils pouvaient porter un blessé couché dans toute sa longueur".
Pendant la campagne de Syrie (février à mai 1799), on l'avait surnommé "la Providence du soldat". Le 22 août 1799, Bonaparte quitte l'Egypte après la malheureuse expédition de Syrie, laissant le commandement à Kléber qui est assassiné le 14 juin 1800. Dès lors sous le commandement de Menou, l'Armée française va d'échec en échec. A Canopé (21 mars 1801) , sous le feu de l'ennemi, Larrey ramène un blessé sur ses épaules jusqu'à l'ambulance dans l'étonnement général. Il s'intéresse à beaucoup de faits pathologiques "scorbut, dysenterie, éléphantiasis, ophtalmie." Il comprend la contagiosité de la peste et l'importance de l'hygiène des troupes.. Lors du rapatriement des troupes vers Toulon, Dominique Larrey obtient que les blessés soient embarqués les premiers, signe humanitaire non pratiqué à l'époque. La guerre d'Egypte a révélé la capacité du chirurgien de l'avant dans l'action de la bataille, méritant l'admiration reconnaissante des soldats à l'origine de son prestige grandissant. Ayant apprécié au combat les qualités de son jeune chirurgien, Bonaparte, dès son retour à Paris, le nomme chirurgien en chef de la Garde des Consuls et de l'Hôpital de la Garde le "Gros Caillou" où il restera pendant quatre ans.
Le 9 février 1801, Bonaparte conclut la paix de Lunéville avec l'Autriche qui abandonne ses droits sur le Nord et le centre de l'Italie. En mars 1802, la paix est également signée avec le Royaume-Uni par le traité d'Amiens.
Conformément aux nouvelles dispositions de la réorganisation du monde médical, Dominique Larrey doit soutenir sa thèse de Doctorat en mai 1803, sous le titre : "Dissertation sur les amputations des membres à la suite des coups de feu", sujet dont il a, à l'évidence la plus grande expérience européenne. Il devient ainsi le premier "Docteur en Chirurgie". En 1804, à 38 ans, il est promu officier de la Légion d'Honneur, décoré en l'Eglise des Invalides, par Bonaparte premier Consul qui va devenir dans quelques mois Napoléon Ier. Il a été nommé quelques mois plus tôt, Inspecteur Général du Service de Santé avec Percy, Desgenettes, Heurteloup, et Parmentier.
Campagnes napoléoniennes
Le 2 décembre 1804, Napoléon est sacré empereur des Français. Dominique Larrey assiste aux cérémonies du sacre impérial.
Après la défaite de Trafalgar (21 octobre 1805), Dominique Larrey Chirurgien Chef de la Garde participe avec une Armée de 200 000 hommes préparée au camp de Boulogne, à la campagne du Danube de 1805 contre l'Autriche et la Russie, marquée par les victoires d'Ulm, Elchingen, Austerlitz (2 décembre 1805) , dite "bataille des trois empereurs". La paix de Presbourg est de courte durée et le 14 octobre 1806, la bataille d'Iéna (14 octobre 1806) contre saxons et prussiens ouvre la voie vers Berlin et Varsovie. C'est la seule bataille de l'Empire à laquelle n'a pas assisté Dominique Larrey, resté en réserve avec la Garde Impériale.
Tableau de Charles-Louis Muller: Larey opérant sur le champ de bataille, Paris, Académie Nationale de Médecine
En plein hiver, par un froid intense, à Eylau(8 février 1807), la capacité de Dominique Larrey est à rude épreuve pendant 24 heures : pour 3 000 tués et 7 000 blessés. Dans ses mémoires, il écrit : "je conservais heureusement une force surnaturelle". Napoléon, passant près de son ambulance, lui confère, sur le champ, la croix de Commandeur de la Légion d'Honneur et lui remet sa propre épée, gravée à son nom, pour remplacer la sienne qui lui avait été volée par les Russes. A Friedland (14 juin 1807) il fait encore bénéficier les combattants de ses talents de chirurgien de l'avant et de son concept d'organisation des hôpitaux (Koenigsberg, Berlin, Hanovre).
Après les entrevues de Tilsitt (25 juin 1807) et de Erfurt (27 septembre-14 octobre 1808) entre Napoléon et le tsar Alexandre Ier, où l'acteur J.F. Talma joue devant un parterre de rois, Dominique Larrey revient à Paris, reprenant ses fonctions de chirurgien en chef de l'Hôpital de la Garde en 1807.
Mais l'année suivante, s'annonce la campagne d'Espagne et du Portugal (1807-1814) et Dominique Larrey part comme chirurgien chef de l'Armée de Murat, après avoir visité au passage son oncle Alexis Directeur de l'Ecole de Chirurgie de Toulouse et sa mère au village de Beaudéan. Il arrive en Espagne le 8 mars 1808 . Dans ses mémoires il critique les médecins espagnols ainsi que l'attitude de Murat qui a engagé de jeunes recrues qui meurent par milliers de typhus et de dysenterie dans des hôpitaux épouvantables. En avril 1808 dans l'Hôtel Dieu de Madrid on compte 2 250 malades pour une armée de 32 000 hommes et, dans les rues de la ville, l'insécurité engendre la panique des civils et des militaires. C'est dans cette ambiance ambiguë que se produit l'émeute des 1er et 2 mai 1808 de sinistre mémoire pour laquelle Murat déclara "la canaille est matée. Répression atroce allumant la haine de deux peuples et que Goya a peint dans les "désastres de la guerre" dont la responsabilité historique revient à Murat et Godoy Alvarez de Faria, Premier ministre de l'époque. En novembre 1808 l'Empereur reprend en main la direction des affaires et après Burgos (10 novembre 1808) et Somo-Sierra où s'illustre une fois de plus Dominique Larrey avec ses ambulances volantes, il entre en vainqueur à Madrid le 4 décembre 1808.
Mais l'Autriche menace à nouveau et Napoléon quitte l'Espagne, laissant en place la garde impériale et son chirurgien Dominique Larrey contre son gré et sans pouvoir réel puisque le chef du service de santé est son rival depuis peu, Percy. Dominique Larrey démontre une fois de plus son humanisme, ne faisant aucune distinction de nationalité pour accorder ses soins à quiconque en a besoin.
A Valladolid il demande même la création d'un "hôpital destiné à l'ennemi", grande première inscrite à son crédit par les Espagnols et les Anglais. Ceci en raison d'une épidémie de typhus qui atteignait les prisonniers,les femmes et les enfants qui se trouvaient sur place. Dans ses mémoires, il critique vivement les commissaires et administrateurs de l'Armée.. Il identifie la gangrène traumatique et ses phases évolutives conduisant au débridement précoce des plaies laissées ouvertes et aux amputations primaires pour fracas de membres. Le 19 novembre 1808 sous la pression de Percy auprès de l'Empereur, la création d'un bataillon de "soldats d'ambulances" est décidée... reconnaissance de la "chirurgie de bataille" chère à Dominique Larrey. Mais celui-ci considère avec amertume qu'il s'agit d'un plagiat de son "ambulance volante".
En mars 1809, une partie de la Garde impériale est rappelée en France avec Dominique Larrey qui est victime du typhus. Dans ses mémoires il écrit : "j'aurais probablement péri sans les secours vigilants et assidus de mon élève, Alexis Larrey, mon cousin, jeune homme intelligent et donnant déjà de grandes espérances. A mon arrivée à Burgos, j'avais totalement perdu l'usage de mes sens et de mes forces... je conserverai toujours le souvenir des soins attentifs que Monsieur le Chirurgien en Chef Beaumarchef et Monsieur le Docteur Maisonade médecin de Burgos me prodiguèrent dans cette circonstance." Finalement, Dominique Larrey arrive à Paris exténué le 4 avril 1809. Pour lui "l'horrible et inexpiable guerre d'Espagne" est terminée mais elle durera en fait jusqu'en 1814, jusqu'au déclin de l'Empire.
Après un court répit, à Paris, en 1809, Dominique Larrey repart pour la 2ème campagne du Danube en Autriche (1809) comme chirurgien en chef de la Garde, Heurteloup étant chirurgien en chef de la Grande Armée. A Essling (21-22-mai 1809) contre l'avis général, il ampute le Maréchal Lannes qui décède en quelques jours du typhus et non de l'intervention. A Wagram (5 -6 juillet 1809), l'action de Dominique Larrey est débordante : 1200 blessés, 300 amputations. L'Empereur lui décerne le titre de Baron, à l'institution de la nouvelle noblesse en 1808 et une rente annuelle de 5 000 Francs.
Pendant deux ans, entre 1810 et 1812, il reprend ses activités de temps de paix à l'Hôpital de la Garde "le Gros Caillou" à Paris et commence à rédiger ses "Mémoires de chirurgie militaire et campagnes". Il n'a fait aucun commentaire sur le divorce et le 2ème mariage de l'Empereur ni sur la naissance du roi de Rome en 1811.
Mais l'entracte est interrompu par le départ pour la campagne de Russie (24 juin - 18 décembre 1812), la plus cruelle de toutes. Il est le chirurgien en chef de la Grande Armée dont Desgenettes est le médecin en chef. En coordination le chirurgien et le médecin organisent en Allemagne des hôpitaux d'évacuation. Dominique Larrey réunit à Berlin tous les chirurgiens, leur donne ses consignes techniques et les répartit en six divisions d'ambulances volantes en sachant qu'il y a déjà 60 000 malades traités dans les hôpitaux de l'arrière. Quelques victoires marquent le début des hostilités : en 1812, Smolensk, Borodino, la Moskova où Dominique Larrey pratique 200 amputations. Mais très vite le combat change de cours et c'est la terrible retraite de Russie, sans soutien logistique, vestimentaire et nutritionnel, en ambiance de glaciation. Intransportables, 700 malades ou blessés sont égorgés par les Russes. Affamés et gelés les hommes meurent par milliers après le fatal incendie de Moscou et le passage de la Bérézina du 26 au 29 novembre 1812. "Des régiments, des bataillons tout entiers, fondent, disparaissent et noircissent de leurs cadavres, la surface éclatante de ces plaines gelées". Sa farouche volonté et sa robuste constitution permettent à Dominique Larrey de résister en poursuivant sans relâche ses actes de soins dans l'admiration et la reconnaissance des soldats comme en témoigne son transfert à bras d'hommes au passage de la Bérézina et le dévouement des pontonniers d'Eblé. "J'étais près de mourir quand je fus heureusement reconnu. Mon nom fut prononcé. Aussitôt les regards se tournent vers moi puis chacun s'empresse de m'aider... C'est aux soldats que je dois mon existence... Chacun me faisait place et j'étais aussitôt entouré de paille et de leurs vêtements". Dominique Larrey arrive exténué à Konigsberg le 21 décembre 1812, à nouveau atteint de typhus dont il guérit grâce aux soins du Docteur Jacobi. L'expédition a été si meurtrière que des 500 000 hommes il ne reste plus que 10 000 groupés autour du Général Vicomte Eugène de Beauharnais qui connaît bien Larrey depuis l'Armée du Rhin en 1792.
En trois mois Napoléon lève une nouvelle armée de 300 000 recrues trop jeunes et non aguerries pour l'ultime campagne de 1813 contre une coalition déchaînée. La campagne de Saxe commence par la victoire de Dresde (8 000 tués et 6 500 blessés français) la bataille de Warchau et l'enfer de Leipzig (16-19 octobre 1813). Pendant cette campagne de Saxe, il y a eu beaucoup de décès parmi les chirurgiens, environ les deux tiers (826 en 1812 dont il reste 273 en 1813). Epuisé par une activité surhumaine et déprimé par la situation d'échec, Dominique Larrey rejoint Metz et demande un congé après avoir inspecté les hôpitaux de l'Est et du Nord.
La campagne de France commence en 1814 contre 400 000 coalisés arrivés sur le Rhin. C'est la 24ème campagne consécutive du Baron Dominique Larrey. Malgré les prodiges de tactiques militaires, Napoléon ne peut empêcher les coalisés d'arriver à Paris. La vaillance de Dominique Larrey est constante avec quelques éclats de bravoure comme à la ferme d'Heurtebise : une ambulance sans protection étant menacée par des cosaques, Dominique Larrey va avec succès au secours des 200 blessés, se frayant à cheval un passage, les armes à la main. La défaite consommée, à Fontainebleau, après l'abdication (6 avril 1814), Dominique Larrey demande à Napoléon de le suivre à l'île d'Elbe, ce que refuse l'Empereur, estimant que son chirurgien peut encore être utile à ses vieux soldats de la Garde.
Première restauration, et les Cents jours
La première Restauration n'a pas de conséquence pour Dominique Larrey qui conserve ses titres et fonctions. Mais au fond de lui- même il garde l'esprit de l'Empire qui se manifeste dans l'aventure des Cent jours (1er mars 1815- 22 juin 1815). Quelle désillusion ne subit-il pas lorsque Percy, son aîné de 13 ans lui est préféré comme chirurgien en chef de la nouvelle armée. Est-ce en souvenir de Moscou, la seule fois où Napoléon aurait fait une critique "il n'a pas su administrer sa partie". Mais Dominique Larrey reste fidèle à son idole, à sa tradition, à sa mission humanitaire.
A Waterloo (18 juin 1815), dans le désastre, il n'aurait pas pu faire mieux que Percy. Le service de santé n'a pas été la cause de l'échec militaire.
Après Waterloo, Dominique Larrey rejoint Bruxelles, inspectant les hôpitaux et les blessés. Il arrive enfin à Paris le 15 septembre 1815, accueilli par sa famille dans la capitale occupée par les coalisés victorieux.
L'enseignant sédentaire
Dominique Larrey subit la répression de la seconde Restauration par suppression de ses fonctions et de sa pension mais il évite l'emprisonnement. Après un vote des chambres suite à un rapport élogieux pour services rendus aux soldats de toutes nationalités il recouvre sa pension le 8 avril 1818, "Après 28 ans de services, 25 campagnes, 60 batailles, 400 combats et plusieurs sièges de places fortes". A 49 ans, il a terminé sa glorieuse carrière.
Après la vie active du chirurgien combattant, il se consacre à la rédaction des cinq volumes de ses Mémoires de chirurgie militaire et campagnes, jusqu'en 1817; document qui est un précieux témoin de la médecine du premier tiers du XIXe siècle. Les honneurs dûs à son travail et à son rang lui valent de devenir en 1806, Président de la Société de Médecine de Paris dont il est membre depuyis sa fondation en 1796.
Il fait partie de la première promation des membres de l'Académie Royale de Médecine par ordonnance de Louis XVIII en 1820, puis, en 1829 il est élu membre de l'Institut de France, succédant à Pelletan, à l'Académie des Sciences. Dans ces instances il est évident qu'il a fréquenté Alexis Boyer et Guillaume Dupuytren, ses corrélégionnaires civils d'origine limousine, mais il n'y a aucune trace de correspondance. A la demande du roi Léopold, il organise le service de santé de l'Armée belge. En compagnie de son fils Félix Hippolyte, né en 1808, il fait un grand voyage d'étude en Angleterre où il est accueilli dans des conditions très flatteuses.
Louis Philippe lui ayant rendu son siège au Conseil de santé, il prend en 1831 ses fonctions de chirurgien en chef de l'Hôtel Royal des Invalides dont le gouverneur est le Maréchal J B Jourdan (1762-1833), qu'il a connu à la guerre d'Espagne. Il retrouve l'ambiance de la glorieuse armée impériale parmi 4 000 vétérans invalides qui connaissent son courage légendaire et son humanité constante.
Malheureusement, les dernières années du chirurgien militaire. Baron d'empire, vont être assombries par des troubles caractériels. Il agace l'administration de l'Hôtel des Invalides par ses sautes d'humeur et ses revendications, malgré la protection que lui accorde son vieil ami le Maréchal Moncey. Pour l'éloigner, on lui confie des missions aux Pays Bas, dans le Sud de la France, en Italie. A Rome, il rend visite à Madame Lætitia, mère de Napoléon, presque centenaire et aveugle qui embrasse avec émotion le fidèle chirurgien de l'empereur.
Vie familiale
La vie familiale de D. Larrey est exemplaire par sa sérénité et en contraste avec sa carrière d'homme de guerre. Dominique Larrey épouse en 1794, Marie Elisabeth Laville-Leroult, peintre et élève de David, avant de rejoindre à Toulon l'armée de Corse. Cette union sans nuage dure jusqu'au décès en juillet 1842 à 48 heures d'intervalle de Dominique Larrey à Lyon et Elisabeth à Paris... séparés comme tout au cours de leur existence. Après la campagne d'Egypte, Larrey connaît pendant deux ans (1802-1805)le repos en ambiance familiale. Puis la campagne d'Autriche l'éloigne de Paris jusqu'en 1807, date à laquelle il reprend ses fonctions à l'Hôpital de la Garde. Les campagnes successives l'éloignent jusqu'en 1815 après Waterloo.
Ainsi, en vingt ans, Dominique Larrey n'a guère connu qu'épisodiquement la vie de famille mais l'épouse patiente et compréhensive l'a toujours soutenu par l'efficace abnégation de son excellente éducation, facilitant la traversée du désert dans la disgrâce de la deuxième restauration. Dominique Larrey a une fille Isaure née en 1798 au début de la campagne d'Egypte et un fils Félix Hippolyte né en 1808, au début de la guerre d'Espagne, celui qui, en miroir, fera une carrière de chirurgien militaire et consacrera son existence à matérialiser l'affectueuse admiration qu'il vouait à son héros de père.
Le retraité
En 1838, Dominique Larrey est admis à la retraite à 72 ans, ce qui l'accable d'une profonde amertume dont il ne sortira que le 14 décembre 1840 pour le retour des cendres de Napoléon. Il assiste à la cérémonie malgré le grand froid, ayant revêtu son uniforme de Wagram, au bras de son fils le Baron Félix Hippolyte Larrey, chirurgien militaire comme lui, professeur agrégé à la faculté de Médecine de Paris (et plus tard professeur au Val de Grâce, dont il sera le premier titulaire de la chaire de chirurgie de guerre en 1852). Il voulait "saluer une dernière fois l'homme qui par ses paroles et par son testament l'avait fait entrer dans l'histoire".
En 1842, Louis-Philippe lui confie, avec son fils, une mission d'inspection des Hôpitaux de l'armée d'Algérie. En cinq semaines, il visite toutes les villes du littoral et de l'intérieur, étudiant en détail les hôpitaux. Le 5 juillet 1842 il repart pour la France très fatigué. Après une pénible traversée, il arrive à Toulon où se déclare une pneumonie. Il a hâte de rentrer à Paris, sa femme étant gravement malade. Le 24 juillet il arrive à Lyon dans une situation désespérée. Le 25 juillet 1842 son fils Félix Hippolyte apprend le décès de sa mère survenu la veille et le soir à 17 heures le grand Dominique Larrey expire dans une chambre de l'Hôtel de Provence et des Ambassadeurs, place Bellecour.
Son corps est embaumé, puis transporté à Paris où les obsèques officielles sont célébrées à l'église Saint-Germain l'Auxerrois, après que les Honneurs Militaires et Civils lui furent rendus. Il avait exprimé le vœu dans son testament d'être enterré "dans un petit coin du jardin de l'Infirmerie des Invalides", mais le refus du ministre de la guerre, le Maréchal Soult, fit que la ville de Paris se montra plus généreuse, grâce à Arago, en lui offrant une sépulture à perpétuité au Père Lachaise. Son cœur et quelques viscères sont placés dans deux urnes déposées au Val de Grâce.
Son corps, initialement inhumé au Cimetière du Père Lachaise, repose depuis le 15 décembre 1992 en la Chapelle des Invalides, crypte des gouverneurs. Depuis la même année, une petite urne contenant un fragment d'intestin est placée à l'Académie Nationale de Médecine grâce au Médecin Général Inspecteur P. Lefebvre; elle est visible dans une vitrine de la salle de la bibliothèque. Dans son éloge, Pariset rapporte un mot de Napoléon rappelé par G. Breschet : "si jamais l'Armée élève un monument à la reconnaissance c'est à Larrey qu'elle doit le consacrer".
Le baron Dominique Larrey a été immortalisé dans les années qui ont suivi sa disparition.
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Une statue en bronze sculptée par Pierre-Jean David d'Angers, inaugurée le 8 août 1850 dans la cour du Val de Grâce, représente Larrey en tenue de campagne, serrant sur son cœur le testament de Sainte-Hélène, tendant de la main gauche des instruments de chirurgie. Il porte bien en évidence, sur la poitrine, la croix de la Légion d'honneur dont il était commandeur. Elle comporte quatre bas-reliefs de soutien rappelant la participation de D.Larrey à quatre batailles de l'épopée napoléonienne (Les Pyramides, Austerlitz, La Moskova, Somo-Sierra).
- Il existe deux autres statues, l'une inaugurée en 1856 dans le hall de l'Académie Impériale de Médecine, sculptée par Pierre Robinet, magnifiant le médecin humanitaire; l'autre inaugurée le 15 août 1864, à Tarbes également en bronze, par Jacques-Joseph Emile Badiou de la Latronchère, glorifiant l'enfant du pays.
Un Homme innovateur et organisateur
Que ce soit pendant les 20 ans héroïques passés sur les champs de bataille ou pendant les 20 ans passés en garnison, l'œuvre de chirurgien militaire de Dominique Larrey a toujours été dominée par le concept d'action humanitaire.
Le secours d'urgence
Il s'est évertué, à pallier les méfaits des guerres pour les hommes, soldats et civils, créant le système de soins primaires d'urgence, dû au blessé quelque soit sa nation ou son rang. A la notion de "soins devoir du chirurgien" Dominique Larrey ajoute une compassion naturelle par un inconditionnel élan humanitaire et de surcroît avec la volonté de protection. Horrifié par les hécatombes et les souffrances des soldats, il réagit en être humain sensible, empreint d'humanisme, exploitant son art de soignant au service d'un dévouement humanitaire inabituel à cette époque qui a dominé l'œuvre du chirurgien militaire qu'il était.
A l'intention des jeunes chirurgiens il a écrit: "Les devoirs d'un chirurgien en Chef d'Armée ne doivent pas se borner à administrer aux blessés , les soins et les secours que leur état exige, il doit encore ne pas reculer devant aucun moyen pour protéger et garantir leur existence contre toute espèce d'agression hostile".
Lors des émeutes de la Révolution de juillet 1830 il est encore chirurgien de l'hôpital du "Gros Caillou" et, comme G. Dupuytren à l'Hôtel Dieu, il soigne les blessés des émeutes. Les insurgés des "Trois Glorieuses" lui rendent les honneurs lorsqu'il arrive à l'hôpital. Un soir, les émeutiers réclament les blessés de la Garde Royale. Le vieux soldat s'y oppose avec fermeté, en termes vigoureux, et les manifestants s'arrêtent : les blessés sont sauvés et l'honneur du chirurgien militaire est respecté. Pariset rapporte le fait dans son éloge à l'Académie de Médecine le 25 novembre 1845 en ces termes : "Sachez que ces malades sont à moi, que mon devoir est de les défendre et que le vôtre est de vous respecter, vous-mêmes en respectant des malheureux.
S'il n'a pas droit aux épaulettes d'officier, le chirurgien militaire d'Empire porte l'épée. C'est pourquoi à Eylau, Napoléon Ier donna son épée à Larrey dont la sienne avait été dérobée. L'exemple de la ferme Heurtebise, lors de la campagne de France, est démonstratif de ce concept de défense des blessés…les armes à la main.
Larrey avait très vite compris qu'il était important pour le moral des troupes de se savoir protéger à l'arrière par un service de santé capable de prendre en charge au plus vite les blessures non mortelles. C'est là que se situe l'œuvre essentielle de Larrey. En effet, son travail de chirurgien sur le champ de bataille, pratiquant les amputations en urgence, les interventions parfois délicates sur des officiers, les pansements et autres soins aux blessés, d'autres chirurgiens de son époque l'ont également réalisé. Mais son caractère tenace, voire entêté, qui lui procurera beaucoup d'ennemis, parmi ses collègues et l'administration aussi bien militaire que civile, et qui l'entraînera dans une création bien plus importante, propre aux génies de l'Histoire.
1° La pratique chirugicale d'urgence
Chiururgie militaire d'urgence du temps de Larrey :
- au niveau de la tête et du cou, les plaies de la face étaient suturées immédiatement.
- au niveau du thorax, les plaies de poitrine étaient refermées en vue de leur transformation en hémothorax. Il préconisa le drainage du péricarde par voie épigastrique.
- au niveau de l'abdomen, l'abstention était de mise, accompagnée d'administration d'opium; seules peuvent guérir les lésions coliques fistulisées à la peau. Les projectiles dans la vessie étaient extraits avec mise en place d'une sonde à demeure.
- au niveau des membres Larrey pratiqua fréquemment l'amputation et la résection au niveau du coude ou de l'épaule.
- les fractures étaient traitées par Larrey par immobilisation au moyen de bandes imbibées de blanc d'oeuf pour les durcir.
- il montra comment on devait soigner les gelures des membres, les plaies gangreneuses et les brûlures.
- en 1800 il embaume le corps de Kléber, assassiné au Caire, il fit de même sur ordre de Napoléon sur les corps des colonels Morland et Barranègre tués à Austerlitz, ramenés en France dans un tonneau de sublimé.
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Afin d'éviter les surinfections dues à "l'hospitalisme", Larrey faisait évacuer ses opérés le plus vite possible, préférant leur voir affronter le soleil d'Egypte, la neige de Russie, l'inconfort des voyages en charrette que les dangers de l'hospitalisation.
Dominique Larrey est sans aucun doute le promoteur de la chirurgie d'urgence notamment pour les lésions traumatiques ds membres. Dès sa première campagne en 1792 avec l'Armée du Rhin, il comprend la nécessité d'une prise en charge sur place, immédiate du blessé, et imagine le principes des "ambulances volantes ".
La campagne d'Egypte puis la guerre d'Espagne confirment l'avantage des amputations et désarticulations d'embléeafin d'éviter la gangrène humide. Avant les découvertes de Pasteur, dans l'ignorance de la bactériologie, de l'antiseptie, de l'antibiothérapie, Larrey imagine la période de sidération initiale précédant la contamination, sans base scientifique, par pure observation perspicace et pragmatisme. Les descriptions qu'il fait sont dignes d'une leçon de clinique. Ses détracteurs lui reprochent des "pyramides de membres à côté des ambulances mobiles". Sur le lieu des combats, avec grande affluence de blessés, sans anesthésie ni réanimation, il choisit de tenter de sauver la vie du blessé et non la fonction du membre. Ses plaies opératoires sont nettes avec cicatrisation correcte. Sa rapidité opératoire est le résultat d'une connaissance anatomique parfaite, acquise dès son plus jeune âge à Toulouse, et d'un entrainement constant, sur les multiples champs de bataille. Il est habituel d'opposer Larrey à Percy plus économe. Il s'agit en fait de deux tempéraments différents : Larrey plus jeune, intrépide, sur le champ de bataille, relève d'énorme fracas, voulant profiter de l'hébètement du blessé, voire de l'effet de congélation. Percy, son aîné de douze ans, chirurgien en chef, plus en arrière du théâtre des manœuvres militaires, reçoit sans doute plus tardivement des délabrements moins graves. En 28 ans de chirurgie de l'avant, Larrey met à son actif le traitement d'un nombre considérable de fracas des membres : ainsi il pratique 300 amputations à Eylau ; 300 amputations à Wagram; 200 amputations à La Moskova… Aucune statistique ne permet de trancher l'avantage scientifique de tels sacrifices dans le contexte et au moment des faits. Aucune comparaison ne peut être faite avec les conditions de la chirurgie de guerre au XXe siècle. Les chirurgiens du XIXe siècle ont eu le courage d'agir en situatiuon dangereuse, quitte à faire survivre des invalides. Dans le bilan de la meurtrière campagne de Russie en 1812, Larrey compte 22.000 blessés traités dans ses ambulances dont 9.073 guéris sans séquelle, 1.000 amputations, 2.416 décès, 4.027 invalides partiels, 5.854 invalides totaux dont 731 amputés. Au total il y a eu une mortalité de 11%, invalidité totale de 26,3%, guérison et séquelles partielles de 62,4%. Larrey estime avoir sauvé 89% de blessés dans des conditions particulièrement précaires. Il faut noter que les amputations et désarticulations ne représentent que 4% du collectif; il s'intéresse aussi aux appareils pour extraction de balles, aux aiguilles pour suture, aux trépanations ainsi qu'au "vent du boulet" en l'absence de notion de l'effet de souffle. Pendant la campagne de Russie, il assimile les plaies par congélation à la physiopathologie des brûlures
2° L'enseignement de la chirurgie de guerre et de la médecine militaire
Dominique Larrey est un enseignant de talent. Dès ses premières fonctions à Toulouse, il enseigne l'anatomie, science de base de la chirurgie, dont il sait tirer profit comme chirurgien de guerre pour prévoir la topographie exacte des interlignes articulaires, des espaces clivables, des cheminements vasculaires et nerveux, des zones de ligature, et section élective des pédicules. Il donne son nom à à la fente diaphragmatique rétro-sternale, voie de ponction péricardique mais aussi siège de hernie abdomino-thoracique. Hors du champ de bataille il s'intéresse aux anévrysmes, hydrocèles vaginales, fistules anales, et à la gangrène sèche en insistant sur le classique sillon d'élimination.
Mais il s'intérese aussi à d'autres faits pathologiques. A la campagne d'Egypte, après la prise de Saint Jean d'Acre et le combat du Mont Thabor, avec Desgenettes il soigne l'épidémie de peste qui ravage les troupes, comprenant la contagiosité de cette maladie. D'Egypte il ramène des observations d'ophtalmie granuleuse, d'éléphantiasis, d'hépatites, de scorbut qu'il avait entrevue lors de son expédition à Terre Neuve sur "La Vigilante". En Pologne il étudie la plique (maladie dermatologique en rapport avec une mauvaise hygiène). Lors de la guerre d'Espagne, il sait distinguer la gangrène post traumatique de la gangrène sèche, il est confronté à la terreur psychologique de la guerre civile en milieu urbain, de la "colique madrilène" ainsi qu'une fièvre maligne qu'il appelle "ataxie sporeuse". Lors des campagnes de Saxe et de Russie, il identifie la fièvre méningitique catarrhale de congélation.
Il consacre beaucoup de son temps à la formation des jeunes chirurgiens militaires sur le terrain mais aussi par les cours de clinique à l'Hôpital de la Garde et au Val de Grâce, à Toulon, à Metz, à Mayence. Il crée des écoles d'instruction partout où il se trouve: le Caire, Madrid, Berlin… Il sait susciter, chez de nombreux jeunes chirurgiens le goût de la connaissance par l'observation des faits.
Tout ce que Larrey a observé est écrit dans ses "Mémoires et campagnes du baron Larrey".
3° L'organisation du service de santé des Armées.
En effet, Larrey se battra sans discontinuer pour obtenir de l'Empereur et de l'administration militaire, la création du concept des ambulances militaires telles qu'elles apparaîtront lors de la guerre de 1914 même comme précurseur du SAMU actuel. Toutefois plusieurs années seront nécessaires avant que son projet puisse voir le jour.
Uniformes du Service de Santé
Un nouveau règlement est édité sous le Directoire, le 20 Thermidor An VI (7 août 1798) qui modifie la couleur de l'uniforme lequel sera "bleu national piqué de blanc sur le rapport d'un trente deuxième". C'est dans ce règlement qu'apparaît pour la première fois sur les boutons le serpent d'Epidaure qui restera l'attribut du corps de santé français. Cette couleur "bleu national" fut changée en "bleu barbeau" par le règlement du 1er Vendémiaire An XII (24 septembre 1803). La couleur distinctive des chirurgiens devient l'écarlate, mais cette décision semble être restée lettre morte car elle ne fut pas suivie en pratique. Cependant l'organisation du Service de Santé reconnaissait le personnel par une couleur distinctive : noire pour les médecins, cramoisi pour les chirurgiens, vert pour les pharmaciens et marron pour les infirmiers. La couleur de l'uniforme resta gris bleu et les revers croisés se portent rabattus en laissant voir le gilet tantôt gris, blanc ou écarlate. Le haut du collet avait des broderies différenciées et ils ont tous droit au port de l'épée. On peut ajouter que les Officiers de Santé attachés au régiment, portent le plus souvent l'uniforme du régiment avec la couleur de leur spécialité et les marques de leur classe au collet.
Le nombre de chirurgiens des corps est de 1000 au début de l'Empire, il passera à plus de 2000 par la suite. Seule la formation de la Garde Impériale comporte des médecins et des chirurgiens dignes de ce nom disposant d'ambulances, de caissons et de matériel, et accompagnés d'infirmiers... Dans la Garde, ils ont en outre l'aiguillette or à l'épaule droite. On constate surtout entre 1804 et 1815 cette différenciation de plus en plus marquée entre les uniformes de la Garde et ceux de la Ligne par le rapprochement de leurs tenues avec celles portées par les combattants. Ce qui aboutit à l'abandon progressif du bleu barbeau.
"Chirurgien de l'avant"
Son projet de la première prise en charge médicalisée présenté à Houchard en 1792 ne fut réalisé qu'en 1797 pour l'Armée d'Italie, créant le "chirurgien de l'avant" et les "ambulances volantes". Son idée est sans doute antérieure à la Wurtz de Percy (1799). La célébrité des ambulances contribue indiscutablment à la glorieuse ascension de Larrey.
Il insiste sur l'importance de l'implantation de ses ambulances dans le dispositif militaire. Elles doivent être au plus près sans gêner la manœuvre militaire et elles doivent assurer leur propre défense. Dans la préparation d'un campagne Larrey accorde beaucoup d'importance à la préparation des hôpitaux d'évacuation à l'arrière. Avant les hostilités, il s'efforce de réunir et de répartir les jeunes chirurgiens dans les ambulances, leur donnant des consignes techniques précises. Au cours des combats, il est toujours au centre comme le représentent quelques tableaux célèbres. Selon Larrey il faut que le Service de Santé soit capable de récupérer les blessés, rapidement et dans de bonnes conditions, afin de les ramener vers l'arrière dans un centre de triage puis dans un centre de soins équipé en fonctions des blessures constatées. Il s'agit d'une idée tout à fait nouvelle pour l'époque.
Les "antennes chirurgicales mobiles" actuelles sont les descendantes directes des ambulances volantes de Larrey.
Lors de la campagne de 1813, Larrey et Percy, pour mieux servir les ambulances obtiennent la création d'un corps de "brancardiers d'ambulances" ou despotats, vêtus d'uniformes marrons et munis d'une pique, ils complètent le corps d'infirmiers. En se groupant par deux, les despotats avec leurs piques passées dans les traverses d'une pièce de toile pliable forment instantanément un brancard prêt à l'emploi pour le ramassage des blessés, modèle qui existait encore dans les armées françaises en 1940.
L'aspect de prime abord rude, sinon brutal de Larrey n'exclut pas son altruisme et la charité pour ses blessés qui l'appelaient "la Providence". Sa difficile mission de chirurgien de guerre est en fait pour lui une action humanitaire destinée à tout blessé quelle que soit sa nationalité, sans distinction entrte les Français et leurs ennemis. Tout blessé ramassé devient son blessé. En Egypte, il soigne à égalité tout blessé y compris les mameluks dont l'un deux lui remet une bague talisman qu'il porte encore à Waterloo ! En Espagne, son humanité tranche sur les erreurs d'un commandement inadapté. Dans les campagnes de Russie, il donne ses soins à de nombreux blessés russes alors que l'ennemi traite sauvagement les blessés français. Il en est de même lors des campagnes de Prusse et de Pologne.
Cette générosité légendaire lui assure sa survie à Waterloo. Une anecdote anglaise raconte que pendant la bataille de Waterloo, le chirurgien en chef de la garde avait placé son ambulance centrale au "Gros Caillou" près de la ferme "La Belle Alliance". Comme d'habitude il se déplaçait sans cesse, secourant les blessés sous la mitraille. Suivant le combat du haut du Mont Saint Jean, Wellington demanda : "Quel est cet audacieux ?" C'est Larrey lui dit-on. Il ordonna : "Allez dire de ne pas tirer de ce côté pour laisser à ce brave le temps de ramasser ses blessés". Il se découvrit alors et dit au Duc de Cambridge en désignant de son épée Dominique Larrey : "Je salue l'honneur et la loyauté qui passent". Dans la débâcle de Waterloo : Larrey tombe aux mains des Prussiens frappé de deux coups de sabre prisonnier, il doit être fusillé lorsqu'il est reconnu par un médecin prussien qu'il a jadis enseigné à Berlin et par Von Blücher dont il a sauvé le fils dans la vallée de Poeplitz en 1813. Larrey porte la petite tenue de chirurgien, fond bleu barbeau à collet et parements écarlate garnis de broderies or. Gilet écarlate, culotte blanche, bottes noires à revers fauves. Les aiguillettes de l'épaule droite marquent l'appartenance à la Garde. Il porte un coffret renfermant ses instruments personnels, des pansements et de la charpie pour donner sur place les premiers soins.Le chirurgien français est invité à la table du général prussien puis est accompagné par un aide de camp jusqu'à Louvain.
Si Henri Dunant et Gustave Moynier ont droit à la reconnaissance universelle pour la création de la Croix Rouge Internationale et de la Convention de Genève, il ne faut pas oublier que bien avant eux, Larrey avait réalisé l'acte avant la lettre et que Percy dès 1792 avait rédigé un projet de convention en cinq articles consacrant l'inviolabilité des blessés, la neutralité des hôpitaux et du personnel sanitaire.
"Ambulances volantes" de Larrey
Initialement il proposait que l'équipe sanitaire se composant d'un Chirurgien-Chef, de deux assistants et d'un infirmier. Ils seront montés et les fontes des selles porteront des pansements et des instruments de première urgence. Des soldats, 25 à pied et 12 à cheval, étaient également équipés pour apporter des soins. Ils avaient une ceinture de laine rouge qui leur servait à porter les blessés. Même ainsi secourus, la plupart des blessés durent attendre près de quatre ou cinq jours après la bataille pour être soignés
Légère, confortable, bien équipée en matériel, l'ambulance permet - enfin – d’assurer les soins sur le champ de bataille même. Faisant fi du règlement stupide qui oblige les chirurgiens à attendre la fin du combat à 4 km à l’arrière, Larrey relève immédiatement les blessés, pratique sur le champ de bataille les interventions urgentes avant de les évacuer au mieux. En un instant, il est devenu pour ses hommes la "Providence du soldat", pour l’ennemi celui qui instaure, le premier, le dogme de la neutralisation des blessés. Il opère un prince autrichien, le juge inapte au combat, le libère… Convoqué par Robespierre à Paris, ce novateur, attaché à soulager la souffrance de l’homme, risque la guillotine !
1 - Chirurgien major monté, indiquant le lieu où le fourgon d'ambulance doit se transporter
2 - Conducteurs-soldats des équipages d'ambulance
3 - Fourgon d'ambulance à deux roues avec ouvertures rondes; à chassis coulant, pour donner de l'air aux blessés, et portes à deux batants placés aux extrémités du fourgon.
4 - Blessé amputé sur le champ de bataille
Nota : l'intérieur de la voiture est rembouré et son plancher est recouvert d'un matelas en cuir sur un cadre à roulettes qu'on peut faire sortir de manière à placer convenablement le blessé.
Larrey donne son propre témoignage de son ambulance : "Avec mon ambulance, j’ai accompagné la Garde jusqu’au dernier moment. (…) Nous avons soigné les blessés (…) sur le champ de bataille, mais lorsque leur nombre est devenu trop important, j’ai envoyé un poste de secours avancé soigner ceux du front. (…) Avant la tombée de la nuit, nous avions plus de 500 blessés, atteints dans leur majorité par la mitraille des canons, et nous dûmes les opérer". Même ainsi, la plupart des blessés durent attendre près de quatre ou cinq jours après la bataille pour être soignés (Voir le récit du capitaine Marbot à Eylau) et ils souffrirent horriblement de la fièvre, de la chaleur ou du froid et des insectes.
Organisation du Service des ambulances
Le service était organisé en 3 divisions. Chacune d'elles comprenait 8 à 12 ambulances légères à 2 roues et 4 ambulances lourdes à 4 roues tirées par 4 chevaux, et 2 fourgons contenant pansements et instruments. Ces groupes mobiles sont complétés par une ambulance sédentaire et 2 hôpitaux temporaires, il faut dire que seule la Garde possédait une telle organisation. Chaque ambulance est placée sous la direction d'un Chirurgien de 1ère classe assisté par 6 chirurgiens de seconde classe, 2 pharmaciens et 8 infirmiers. Ce concept devait permettre d'enlever les blessés après leur avoir donné les premiers soins sur le champ de bataille, le plus rapidement possible, et d' "opérer dans les vingt quatre heures". En 1806, Napoléon, par un décret du 1er mai, grâce à l'action conjuguée de Larrey et de Percy, crée 5 compagnies d'ouvriers d'administration comprenant 100 infirmiers.
Vêtus de gris jusqu'à ce qu'en 1809 on leur donne un uniforme de coupe militaire. Ils sont alors formés en 10 compagnies de 125 hommes. Ils portent un chapeau noir, puis un shako noir sans cordon, à plaque de cuivre jaune avec le N° de la compagnie, veste blanche, culottes blanches, guêtres et chaussures noires. Leurs grades sont : Centenier, commandant de compagnie, Sous-Centenier et Sergent-Major. Sergent et caporal. En 1812, le nouveau règlement leur donne la poche en long, supprime le fusil, et la giberne est remplacée par un sac à compartiments pour contenir les objets de 1er secours pour les blessés. Ils ont également une tenue de travail. ( Bonnet de police et tablier). Ils sont encadrés par les Médecins, les Chirurgiens et les Pharmaciens de 1ère, de 2ème ou 3ème classe et détachés suivant leur classe auprès des Etats-Majors, des Régiments, des Ambulances ou des Hôpitaux Militaires. La Garde possédait un Service de Santé particulièrement bien organisé, en raison de l'attention spéciale qu'accordait l'Empereur à Larrey. Larrey avait alors divisé son ambulance volante en 3 divisions comprenant chacune 75 infirmiers à pied, 36 infirmiers à cheval et 60 conducteurs.
On distingue deux types de voitures :
• Les ambulances volantes à deux roues avaient une forme de coffre allongé, percées de deux petites fenêtres sur les côtés, et ouvrant, à l’avant et à l’arrière, par une porte à deux battants. A l’intérieur, quatre petits rouleaux permettaient de faire glisser un plateau couvert d’un matelas en cuir rembourré sur lequel se couchaient les blessés. Les panneaux latéraux étaient également matelassés jusqu’à une trentaine de centimètres de hauteur. La voiture légère à deux roues peut être attelée de trois façons différentes :
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1.Un cheval entre les brancards
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2. de chaque côté du timon : un en porteur et un en sous-verge, le cheval porteur peut être attelé à hauteur du limonier, les traits bouclés à un palonnier suspendu au brancard gauche de la voiture
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3. le cheval porteur en flèche. Son collier est alors relié par des traits en corde à l'extrémité des brancards de la voiture et le harnais ne comporte pas d'avaloir. La voiture est une caisse dont les quatre angles inférieurs sont suspendus par de fortes courroies de cuir à quatre ressorts de fer. Les chevaux porteurs sont montés par les conducteurs.
• La voiture a 4 roues, destinée surtout au pays de montagne, dont la caisse est un peu plus longue et qui est généralement attelée de 4 chevaux, parfois 6 chevaux en cas de difficulté de terrain. Certaines voitures, attelées à grandes guides, étaient conduites par un militaire, juché au devant de la caisse. Les deux chevaux de derrière étaient attelés de chaque côté du timon de l'avant-train; le cheval porteur à gauche, le sous-verge à droite. En plus de leur rôle de traction et de retenue, ils dirigeaient l'avant-train ; ils étaient reliés à l'anneau d'attelage du timon par des chaînes engagées dans la plate-longe. Les deux chevaux de devant étaient attelés au bout du timon par des palonniers reliés au porte-palonnier de volée, cheval porteur à gauche et sous-verge à droite. Les chevaux porteurs servaient de montures aux conducteurs. Celui de sous-verge comprend : licol avec longe, bride de cavalerie, collier, une paire de traits, fourreau de traits, sous-ventrières, la croupière, rênes de filet tenues par le conducteur. Pour les chevaux de devant, le harnais est le même que pour les chevaux de derrière, sauf l'avaloir et la plate-longe qui sont remplacés par un surdos recouvert d'une sellette en cuir de vache.
Toutes ces voitures étaient peintes en gris, ocre clair ou en vert olive, les parois intérieures restant en bois naturel. Toutes les ferrures, charnières, ressorts, etc., étaient noires. Les cordages enserrant les lames de ressorts étaient noircis. Les courroies de suspension et de balancement, en cuir naturel. Les toitures étaient de toile cirée noire, portant en lettres blanches, de chaque coté, Nème DIVn d'AMBULANCE ou AMBULANCE du Nème CORPS ou encore AMBULANCE Gle. L'inscription sur celles de la Garde présentait un Aigle au milieu de GARDE IMPERIALE, surmontée du mot AMBULANCE. Les voitures, attelées par le Train des Equipages, étaient accompagnées d'infirmiers montés et de chirurgiens à cheval qui "portent à l'arçon de leur selle comme dans une valise des moyens de pansements fort abondants". Parmi les objets se trouvant dans les ambulances figuraient des brancards. A la fin de l'Empire, un essai allait être fait pour faire porter ces brancards par des infirmiers spéciaux qui reçurent le nom de despotats.
L'honnêteté et la probité de Dominique Larrey sont aussi proverbiales que sa fidélité à l'Empereur et la foi en sa mission de chirurgien militaire. Dans le mémorial de Saint Hélène, Napoléon exprime à Las Cases un vibrant éloge de Dominique Larrey : "Il a laissé dans mon esprit l'idée d'un véritable homme de bien; à la science il joignait au dernier degré toute la vertu d'une philanthropie effective. Tous les blessés étaient de sa famille ; il n'était plus pour lui aucune considération dès qu'il s'agissait. de ses hôpitaux. C'est en grande partie à Larrey que l'humanité doit l'heureuse révolution qu'a éprouvée la chirurgie. Larrey a toute mon estime et toute ma reconnaissance." (Las Cases)
Ses détracteurs amplifient la rudesse de son caractère qui trouve probablement son origine dans les désillusions de la vie depuis les oppositions tatillones de Mère Marie de la Croix à l(Hôtel Dieu à l'égard de Desault, comme la menace d'arrestation à son insu par le Comité de Salut Public pour son excès d'humanité envers les immigrés, comme la nomination de Percy chirurgien en chef de l'armée des Cent Jours , comme les mesquines vexations de dla deuxième Restauration. Dans la mémoire populaire comme dans l'histoire de France, D. Larrey éclipse d'autres chirurgiensmilitaires contemporains tels Heurteloup, Percy,Yvan et beaucoup de leurs jeunes collaborateurs, dont la bravoure et la valeur ne sont pas moindres. Il a la puissance rayonnante d'un chef charismatique, la volonté de réussir, la détermination de ne pas subir. En solide montagnard il sait faire l'ascension du chemin de cette gloire qui "se donne seulement à ceux qui l'ont révélé" (Ch. de Gaule).
Napoléon, dans son testament, daté de Longwood le 15 avril 1821, a consacré de sa main au baron Larrey ce souvenir glorieux : … "Je lègue au chirurgien en chef Larrey 100,000 francs; c'est l'homme le plus vertueux que j'aie connu".
Ainsi Napoléon Ier et Dominique Larrey, par des voies différentes mais heureusement complémentaires, donnent une image glorieuse de l'épopée napoléonienne par l'association du généralissime victorieux des batailles et de son chirurgien vainqueur des misères.
Fonctions, charges et titres du baron Dominique Larrey:
- Docteur en Chirurgie et en Médecine,
- Chirurgien de la marine royale sur la frégate la Vigilante
- Second chirurgien interne aux Invalides
- Chirurgien aide-major à l'armée du Rhin en 1792, (chirurgien de première classe à l'armée du maréchal Luckner puis chirurgien principal à l'armée de Custine)
- Chirurgien en chef de la 14e armée républicaine en 1794
- Organisateur de l'École de chirurgie et d'anatomie de Toulon.
- Premier Professeur titulaire de la chaire d'Anatomie et de Chirurgie Militaire à l'École militaire de santé du Val-de-Grâce en 1796,,
- Chargé de l'inspection des camps et des hôpitaux de l'armée d'Italie
- Chirurgien en chef à l'armée d'Egypte
- Premier Chirurgien en chef de la Garde des consuls en 1802 et de l'Hôpital de la Garde
- Chevalier de la Couronne de Fer : Ordre créé le 5 juin 1805 par Napoléon Ier - à l'occasion de son couronnement avec la couronne des rois Lombards, comme Roi d'Italie à Milan le 23 mai 1805.
- Membre de plusieurs Sociétés Savantes : de l'Académie Impériale Joséphine de Vienne, aux Académies de Toulouse, Bruxelles, Munich, Iéna, Turin, Naples, Madrid,
- Inspecteur général du service de santé des armées, en 1805,
- Chirurgien en chef de la garde impériale du Ier Empire après le sacre
- Inspecteur général du service de santé militaire en 1810
- Commandeur de la Légion d'honneur,
- Baron d'Empire en 1809, sur le champ de bataille de Wagram
- Chirurgien en Chef de la Grande Armée en 1812 pendant la campagne de Russie
- Blessé et fait prisonnier à Waterloo.
- Membre de la Société royale de Médecine,
- Membre de l'Académie Nationale de Médecine lors de sa création en 1820,
- Il participe à l a rédaction du Dictionnaire des Sciences Médicales en 60 volumes de 1812 à 1822
- Professeur à l'École militaire de santé du Val-de-Grâce, de 1826 à 1836
- Membre élu le 16/11/1829 à l’Académie des Sciences (Institut) où il remplace Pelletan. (section de médecine et de chirurgie)
-
Larrey fut sollicité par le Tsar, les Etats-Unis et le Brésil.
- Membre du Conseil de santé des armées, en 1830, il doit alors abandonner son poste à la garde royale
- Chirurgien en chef de l'Hôpital des Invalides en décembre 1831,
Le nom de Larrey est inscrit sur la 30e colonne du pilier sud (Avenue des Champs-Élysées / Avenue Kléber) de l'Arc de Triomphe de l'Etoile à Paris, comme ceux de Percy et Desgenettes (ce dernier repéché in extremis). Si un seul nom avait dû être gravé, le contexte politique du moment aurait sans doute désigné Larrey, l'Histoire vraisemblablement Percy.
Dominique-Jean Larrey fût le créateur du concept et l'image exemplaire du "chirurgien combattant de l'avant" dont la bravoure et l'attitude décisionnelle d'urgence n'excluent pas la réflexion et le sens éthique. Il personnifie la chirurgie militaire pendant la grande épopée napoléonienne dont il fut le plus noble représentant.
Il fut l'honneur de sa profession.
"Quel homme, quel brave et digne homme que Larrey ! Que de soins donnés par lui à l'armée en Egypte, dans la traversée du désert, soit après Saint-Jean d'Acre, soit en Europe. J'ai conçu pour lui une estime qui ne s'est jamais démentie. Si l'armée élève une colonne à la reconnaissance, elle doit l'ériger à Larrey."
Napoléon Bonaparte, 1816, dans Mémoires de Marchand (1836), paru chez Tallandier, 2003, p.41, Louis-Joseph Marchand.