Wilhem Conrad RÖNTGEN Prix Nobel

1845 - 1923

Physicien allemand, prix Nobel de Physique

Le nom de Röntgen, est principalement associé à sa découverte de rayons, d'une importance et d'une portée capitale pour la médecine, qu'il appela Rayons "X". Il fut également le premier lauréat du prix Nobel de physique.

Sa vie

Röntgen est né le 27 mars 1845 à Lennep, petite localité allemande, devenue maintenant un faubourg de la ville de Remscheid, près de Düsseldorf en Rhénanie. Il est le fils unique de sa mère, Charlotte Constanze, née Frowein, d'origine hollandaise, et de son père, Friedrich-Conrad, fabricant aisé de tissus et de vêtements.

Il vécut la plus grande partie de son enfance aux Pays-Bas, pays natal de sa mère. En effet peu de temps après sa naissance, ses parents émigrent à Apeldoorn, près d'Utrecht, peut-être pour des raisons politiquesl. C'est donc en Hollande qu'il grandira et à Utrecht qu'il entrera au "gymnase" (école secondaire). En cours d'études, un incident apparemment banal, mais lourd de conséquences, va influencer son avenir. Il est suspecté d'avoir dessiné au tableau noir la caricature d'un de ses professeurs. Etait-ce lui ou un de ses camarades, qu'il n'a pas voulu dénoncer, on ne l'a jamais su. On ne badinait pas à l'époque avec le respect de ses supérieurs. Conrad est chassé de l'école, juste avant l'examen de maturité (baccalauréat).

Heureusement, un ami suisse des Röntgen, habitant Utrecht, leur apprend que vient d'être fondée en Suisse l'Ecole Polytechnicum de Zurich, où l'on peut être admis sans maturité. Il faut toutefois se soumettre à un examen d'entrée assez difficile. Le jeune homme suit des cours privés, se présente à l'examen et le réussit. Dès novembre 1865, Röntgen est donc étudiant à Zurich et loge dans une maison qu'on peut voir encore aujourd'hui "Im Seilergraben 48" (près de l'universté de Zurich). Il s'arrête régulièrement dans une brasserie, "Zum Grünen Glas", proche de l'Ecole Polytechnique, où se rencontrent maîtres et étudiants. Il y fait la connaissance de la fille du patron, Anna-Bertha Ludwig, de 6 ans son aînée, qu'il épousera plus tard, en 1872, et qui restera sa femme pendant 50 ans. Mais Röntgen suit aussi les cours avec sérieux et obtient en 1868 son diplôme d'ingénieur mécanicien. Puis, il est promu, une année plus tard, docteur es sciences de l'Université grâce à une thèse intitulée "Studien über Gase" (Etude des Gaz).

Deux professeurs, Rudolf Clausius et August Kundt, poussèrent Röntgen afin qu'il poursuive ses travaux en physique.

En 1870, le professeur Kundt est appelé à la chaire de physique expérimentale de l'Université de Würzburg (Bavière). Portrait de RontgenIl demande à son élève de l'accompagner avec l'espoir partagé de lui assurer une carrière universitaire et lui offre une place d'assistant. Une profonde déception attend toutefois Röntgen. Un handicap pèse sur son destin. Il n'a pas obtenu le diplôme de maturité. Le corps professoral de Würzburg lui refuse à l'unanimité le titre de privat-docent, conformément à la loi bavaroise qui n'accorde pas cette promotion à un ingénieur qui n'a pas acquis une formation gymnasiale.

En 1874 Röntgen quitte alors Würzburg pour Strasbourg (ville allemande depuis la guerre franco-prusse), université plus tolérante et où il obtient un poste de chargé d'enseignement de physique. Puis en 1879, ses travaux et sa renommée grandissante lui valent ensuite une nomination à l'Université de Giessen. Enfin, un étonnant repentir pousse l'Université de Würzburg (Bavière) à l'appeler, pour succéder à F. Kohlrauschet et lui confier en 1888 la chaire de physique et la direction de l'Institut de physique . Il y terminera sa carrière.

C'est là que le 28 novembre 1895 il découvre les rayons X.

Durant la première semaine après sa découverte, Röntgen reçoit plus de 1000 lettres. Plusieurs personnes ne manquent pas de lui suggérer qu'il pourrait devenir très riche en exploitant commercialement son invention. Quelque temps plus tard, Max Levy, un ingénieur de la firme électrique A.E.G., prend contact avec Röntgen pour lui faire part de l'intérêt manifesté par sa compagnie à développer cette nouvelle technologie. Röntgen lui répond sans hésitation: "Dans la bonne tradition des professeurs d'université allemands, je suis d'avis que les découvertes et inventions appartiennent à l'humanité. Leur diffusion ne doit en aucun cas être entravée par des brevets, des licences ou des contrats et aucun groupe de personnes ne doit en avoir le monopole."

La radiographie médicale naîtra immédiatement après la découverte de Röntgen.

Parmi les nombreuses distinctions honorifiques obtenues pour sa grande découverte, qui révolutionna la physique et la médecine, il reçut la médaille Rumford de la Société royale de Londres, en 1896

En 1900, Röntgen accepte de devenir professeur de physique à l'Université de Munich et directeur du nouvel institut de physique.

Cette énorme avancée scientifique lui permit de devenir le premier lauréat du prix Nobel de physique le 10 décembre 1901.

Pour se reposer, loin des honneurs, il passe régulièrement ses congés en Suisse, à Pontresina. Il y retrouve de nombreux amis. Les époux Röntgen apprécient particulièrement les tours en calèche et se lient d'amitié avec le cocher Emanuel Schmid, de Somvix dans les Grisons, qui à plusieurs reprises, est leur compagnon de randonnée. Mais après ces succès et ces joies arrivent les jours sombres. En 1918, l'Allemagne perd la première guerre mondiale. Patriote, il est profondément touché par cette défaite. Il est très affecté par la perte de l'Alsace, à laquelle il était attaché depuis son séjour à Strasbourg. Une année plus tard, en 1919, il ressent cruellement le décès de son épouse, qui s'éteint après une longue maladie causée par des calculs rénaux. En outre, il est ruiné par l'inflation catastrophique qui frappe l'Allemagne de l'après-guerre. Atteint dans sa santé par un cancer du côlon, il meurt à Munich le 10 février 1923, à l'âge de 78 ans, sans jamais avoir déposé le moindre brevet de sa découverte..

Ses travaux: "Une Merveilleuse Découverte"

En octobre 1895, il commence à s'intéresser aux effets produits par le passage d'un courant électrique dans des gaz rares, à l'intérieur d'un tube de Crookes.

Le 8 novembre 1895, Röntgen travaille seul, selon son habitude, dans son laboratoire de l'institut de physique de l'Université de Würzburg (Bavière), dont il est le directeur depuis le 31 août 1888. Laboratoire de RontgenComme la plupart des physiciens de son époque, il s'intéresse aux rayons cathodiques et au phénomène de la luminescence. Il veut répéter l'expérience de son collègue de Bonn, Philipp Lenard, qui en 1894, avait fabriqué des petites fenêtres métalliques à l'aide d'une feuille d'aluminium très fine et réussit à faire passer les rayons cathodiques à l'extérieur du tube. Il veut donc étudier sur un écran de carton enduit de platino-cyanure de baryum l'effet fluorescent des rayons cathodiques produits dans un tube de Crookes. Pour ne pas être gêné par la lumière engendrée à l'intérieur du tube, il prend tout d'abord soin d'envelopper ce dernier dans du carton opaque. Puis il connecte le tube de Crookes à une bobine de Ruhmkoff afin de le mettre sous forte tension électrique. Enfin, il fait l'obscurité dans son laboratoire. A sa grande satisfaction, aucune lumière ne passe au travers de l'enveloppe opaque. Cependant, alors qu'il se prépare à déconnecter le tube de Crookes de la bobine de Ruhmkoff afin de fixer l'écran fluorescent en face du tube pour procéder à l'expérience décisive, il distingue un scintillement discret dans un coin de son laboratoire encore plongé dans le noir. Il constate qu'il provient de l'écran fluorescent abandonné provisoirement sur un banc avant de prendre sa place dans l'expérience en cours. Intrigué, Röntgen éteint son tube de Crookes, le scintillement disparaît de l'écran. Il rallume son tube, l'écran s'éclaire aussitôt. Röntgen augmente la distance entre l'écran et le tube de Crookes, il retourne même l'écran de sorte que l'émulsion fluorescente se trouve du mauvais côté par rapport au tube. Chaque fois que le tube de Crookes est sous tension, l'écran s'illumine. C'est alors que Röntgen a le trait de génie de penser que la fluorescence provoquée n'est pas la conséquence directe des rayons cathodiques, qui en principe ne se propagent pas en dehors du tube de verre, mais le fait d'un autre rayonnement, généré secondairement par ces rayons cathodiques. Si ce rayonnement traverse le carton opaque, peut-être traverse-t-il d'autres substances. Röntgen interposa divers objets entre le tube cathodique et l'écran luminescent: une feuille de papier, du carton, un livre, une feuille d'aluminium, mais disparaissait complètement avec une feuille de plomb. Il interpose sa main entre la plaque et l'écran. Ce sont ses os qui apparaissent!

Sous l'effet du choc les rayons X sont émis dans toutes les directions mais avec une intensité plus grande dans la direction perpendiculaire à leur trajectoire moyenne.

De la série d'expériences, Röntgen tira quatre conclusions positives:
1° Les rayons X impressionnent la plaque photographique.
2° Les rayons X sont absorbés par la matière (il nota que l'absorption dépend du poids atomique de l'élément traversé).
3° Les rayons X sont diffusés par la matière, c'est le rayonnement secondaire ou rayonnement de fluorescence.
4° Les rayons X déchargent les corps chargés électriquement.

…et trois conclusions négatives:
1° Les rayons X ne sont pas réfléchis sur un miroir.
2° Les rayons X ne sont pas réfractés par un prisme.
3° La diffraction des rayons X n'est pas détectée par l'utilisation des réseaux optiques.

Röntgen comprend alors qu'il a découvert un rayonnement non lumineux, invisible, capable de traverser la matière plus ou moins bien selon la densité de celle-ci. C'est un rayonnement encore inconnu. Il l'appelle donc "rayons X". A la fin de l'année 1895, la nature exacte des rayons "X" reste inconnue, tout comme la nature exacte des rayons cathodiques.

Un mois plus tard Bergonié reproduit à Bordeaux l'expérience de Röntgen, avant que ce dernier communique officiellement ses observations à la Société de Physique médicale de Würzburg le 28 décembre.

Röntgen est d'emblée conscient de l'importance de sa découverte. Après sept semaines d'un travail intensif, il remet un manuscrit, intitulé "Über eine neue Art von Strahlen" (A propos d'un nouveau genre de rayons), le 28 décembre 1895, au secrétaire de la "Physikalisch-medicinische Gesellschaft" de Würzburg. Il obtient très rapidement les épreuves qu'il envoie à quelques-uns de ses amis en guise de vœux de Nouvel An! Sa découverte soulève à la fois le scepticisme et l'enthousiasme dans le monde entier.

L'un de ceux-ci, professeur de physique à Vienne, montre le manuscrit et les radiographies Première radiographie (Rontgen)qui l'accompagnent à un collègue, dont le père est l'éditeur du journal viennois "Die Presse". Ce dernier, réalisant la valeur de cette découverte et son intérêt pour les biologistes et les médecins, principalement les chirurgiens, écrivit immédiatement un article, qui paraît le 5 janvier 1896.

La nouvelle de la découverte se propage très rapidement. En Suisse, elle est annoncée en premier par "Die Neue Zürcher Zeitung" le 10 janvier. En Suisse Romande, c'est le journal illustré "La Patrie Suisse" dans son supplément du 22 janvier qui publie les observations de Röntgen et reproduit l'image d'une main vivante avec comme titre"une merveilleuse découverte". Le cliché, daté du 13 janvier, a été pris par Aimé Forster, professeur de physique à l'Université de Berne.

Le 20 janvier 1896, Henri Poincaré présente à l'Académie des Sciences une photographie des os de la main obtenue à l'aide des X-Stralen de M. le professeur Röntgen.

Les professeurs Henri Dufour à Lausanne et Charles Soret à Genève saisissent l'intérêt du procédé et l'appliquent d'emblée (premier cliché le 27 janvier à Lausanne et avant le 4 février à Genève).

Les applications médicales des rayons "X" se développèrent dans les mois suivants. Friedrich et Knipping réaliseront le premier cliché de diffraction aux rayons X en 1912.

Cette découverte qui, avec d'autres, bouleverse l'exercice médical en cette fin de XIXe siècle, vaudra à son auteur le premier prix Nobel de physique décerné en 1901. 

Les recherches sur l'Electricité et le Magnétisme

La découverte des rayons "X" fut l'aboutissement de siècles d'observations et d'expériences sur l'électricité et le magnétisme. Il y a lieu de mentionner ici que pour son expérience, Röntgen utilisa un tube de Crookes et une bobine de Ruhmkorff.

Tube de Crookes

Sir William Crookes (1832-1919) était un brillant physicien anglais, qui adorait faire des démonstrations en public. Il était fasciné par l'hypothèse que Michael Faraday (1791-1867) avait formulée quelques années auparavant, à savoir que la luminosité d'un gaz fortement raréfié et excité par une décharge électrique représentait un quatrième état de la matière, la matière radiante (à côté des trois autres états solide, liquide et gazeux). Pour étudier les rayons cathodiques et les phénomènes produits par le passage de l'électricité dans les gaz, il avait perfectionné un appareil inventé en 1869 à Münster, en Allemagne, par Johann Wilhelm Hittorf (1824-1914): il s'agit d'un tube en verre muni à ses deux extrémités d'électrodes. Lorsqu'on applique une forte tension électrique à ces dernières et qu'on évacue l'air dans le tube, une couleur violacée apparaît. Ce phénomène est dû à un arc électrique. Crookes avait émis l'hypothèse que les rayons cathodiques étaient constitués de particules, hypothèse confirmée en 1897 par Sir Joseph Thomson (1856-1940), de Cambridge, qui démontra que les rayons cathodiques étaient formés de particules négatives, à savoir d'électrons. Le passage de l'électricité dans les gaz raréfiés n'a généralement lieu qu'avec des différences de potentiel de plusieurs centaines de volts au moins, et très souvent il faut atteindre 40 000 à 50 000 volts. Pour obtenir une telle tension, on utilisait le principe de l'induction électromagnétique découvert par Michael Faraday.

Bobine de Ruhmkorff

Les premières bobines basées sur ce principe furent construites à partir de 1851 par un mécanicien et électricien allemand fixé à Paris, Heinrich Daniel Ruhmkorff (1803-1877). A l'époque de Röntgen, de nombreux physiciens étudiaient les propriétés des tubes de Crookes, qui étaient disponibles dans la plupart des laboratoires de physique depuis une vingtaine d'années. On peut s'étonner qu'aucun des nombreux chercheurs qui expérimentaient avec ces tubes n'aient découvert plus tôt le rayonnement qu'ils généraient. Déjà Crookes avait constaté que des plaques photographiques emballées entreposées dans son laboratoire avaient été voilées de manière étrange. Il se plaignit au manufacturier Ilford, qui lui avait fourni ces plaques et qui les lui remplaça. Lorsque ce même phénomène se répéta, Ilford conclut que le problème devait provenir du laboratoire du physicien. Crookes n'élucida pas la cause, mais il apparaît probable aujourd'hui que ces plaques ont été impressionnées par des rayons X. La découverte des rayons X était donc dans l'air depuis plusieurs années. Une controverse affligeante résulta d'ailleurs à propos de la paternité de la découverte, qui fut revendiquée par Philipp Lenard (1862-1947), même après qu'il eut également reçu le prix Nobel de physique en 1905. Il ne fait plus aucun doute aujourd'hui que la découverte de Röntgen n'était pas due à la chance, mais à sa profonde connaissance des données de la littérature en physique de son temps, à son génie d'expérimentateur et d'observateur ainsi qu'à sa remarquable faculté de raisonnement.

Si la découverte de Röntgen est l'une des plus grandes conquêtes scientifiques du XIXe siècle, c'est dans ses applications médicales qu'elle aura le plus d'impact.

 

Sources

- From Nobel Lectures. Physics 1901-1921, Elsevier Publishing Company, Amsterdam, 1967

- Les Prix Nobel/Nobel Lectures.