Emily Howard Jennings, est née le 1er mai 1831 dans le comté de Norwich, Haut-Canada Ontario), dans une famille de fermiers, elle est l'aînée des six filles, son père Solomon Jennings est méthodiste, sa mère Hannah Lossing Howard est quaker; La mère d'Emily a reçu une bonne éducation dans un séminaire américain quaker et croit en l'importance d'une bonne éducation pour ses filles. Elle est si déçue par les écoles locales qu'elle décide de les instruire elle-même.
À 15 ans, Emily devient institutrice dans une petite école voisine de Summerville où elle enseigne pendant sept ans. Son combat pour l'égalité des chances pour les femmes débute en 1852 lorsqu'elle fait une demande d'admission au Collège Victoria de Cobourg et se voit refusée parce qu'elle est une femme. Elle est cependant acceptée à l'école normale du Haut-Canada, à Toronto, la seule école d'études avancées ouverte aux femmes en Amérique du Nord britannique. Elle obtient son diplôme en 1854.
Lorsqu'on lui offre un poste au Conseil scolaire de Brantford, elle devient rapidement la première directrice d'école publique du Haut-Canada. Elle conserve son poste jusqu'à son mariage à John Stowe, natif du Yorkshire, en Angleterre, le 22 novembre 1856.
John Stowe est né dans le Yorkshire, celui-ci avait immigré au Canada à l’âge de 13 ans. Sa famille s’était installée près de Brantford, à Mount Pleasant, où son père avait ouvert le Stowe Brothers Carriage Shop.
Le couple déménage dans le village de John à Pleasantville, près de Brantford où, au cours des sept années suivantes, Emily donne naissance à trois enfants : une fille, Ann Augusta, et deux fils.
Nouvelle carrière
Peu après la naissance de leur troisième enfant, son mari contracta la tuberculose. C'est sa maladie qui incite Emily à explorer le domaine des herbes médicinales et de l'homéopathie, un domaine étudié par sa mère. Cet épisode, lié au besoin important de femmes médecins, lui fait prendre la décision de devenir médecin.
En 1865, Emily Stowe présente une demande d'admission à l'École de médecine de Toronto, mais est de nouveau refusée.
Ne pouvant pas étudier au Canada, elle déménage aux États-Unis où elle entre au Collège de médecine pour femmes de New York ( New York Medical College for Women), un établissement de médecine homéopathique fondé par Clemence Sophia Lozier. Elle obtient son diplôme en 1867 et revient au Canada pour s'installer.
Obstacles et difficultés multiples
Pensant pratiquer la médecine homéopathique sur la rue Richmond à Toronto, avant même d'avoir obtenu son permis. Elle devient ainsi la première femme médecin à exercer au Canada.
La pratique médicale et les règles d’octroi des autorisations changèrent considérablement au cours des années 1860, car les médecins allopathes imposaient de nouvelles conditions d’enregistrement dans l’espoir de renforcer leur pouvoir et d’éroder la position des homéopathes et des éclectiques. Les lois adoptées par l’Ontario en 1865 et en 1869 modifièrent la structure et la composition des bureaux d’autorisation de telle façon qu’il devint de plus en plus difficile pour les homéopathes et les éclectiques d’obtenir le droit de pratiquer.
Refus de licence
Elle espère trouver dans cette grande ville des malades qui voudront être traités par une femme médecin spécialisée dans les maladies des femmes et des enfants; elle a raison, et les malades s'adressent à elle. Toutefois, même si elle est diplômée en médecine, l'Ordre des médecins et chirurgiens de l'Ontario lui refuse une licence. Les médecins formés aux États-Unis sont tenus de suivre des cours dans une école de médecine de l'Ontario, puis de passer des examens d'admission. Cependant, Emily Stowe est incapable de satisfaire à ces exigences parce qu'aucune école de médecine de l'Ontario n'admet des femmes. Finalement, Emily et une autre femme médecin, Jenny Kidd Trout Gowanlock, sont admises aux cours de la Toronto School of Medicine grâce à une permission spéciale du recteur, le docteur William Thomas Aikins, au début des années 1870,
Démélé avec la Justice
Entre-temps, Emily Stowe continue sa pratique médicale, se spécialisant dans les soins des femmes et des enfants et en donnant des conférences sur la santé des femmes. En 1879, on l'accuse d'avoir effectué un avortement sur une de ses patientes. Elle doit subir un long procès très intimidant au cours duquel on examine ses compétences et on appelle des membres d'établissements médicaux de Toronto à la barre pour témoigner de son tempérament, de ses capacités et de sa conduite professionnelle. Elle est finalement acquittée.
Au cours de l'année suivante, le 16 juillet 1880, Emily Stowe obtient son permis d'exercice de la médecine du Collège des médecins et des chirurgiens de l'Ontario (College of Physicians and Surgeons of Ontario) et devient ainsi la deuxième femme médecin à exercer officiellement au Canada.
Le fit-il parce qu’elle avait démontré sa compétence au cours du procès ou parce que des témoins experts justifiaient son droit de pratiquer la médecine ? On l’ignore. Le docteur Aikins figurait parmi ceux qui avaient témoigné que ses titres professionnels étaient bons et qu’elle avait une clientèle bien établie. Le fait que l’Ontario Medical register (Toronto) ait employé la formule « en exercice avant le 1er janvier 1850 » suggère que le collège des médecins avait accepté le témoignage du docteur Aikins et résolu de prendre en considération l’apprentissage d’Emily Stowe auprès de Lancaster pour légitimer la réputation de cette dernière et la position de la profession. En vertu du Medical Act adopté en Ontario en 1869, ceux qui avaient commencé à pratiquer la médecine avant 1850 étaient admis.
Féministe et suffragette
En raison des obstacles et difficultés multiples qu'elle a rencontrés dans ses efforts pour étudier et pratiquer la médecine, Emily Stowe sait ce que c'est que l'inégalité. Ses expériences personnelles l'ont amenée à devenir une inflexible partisane des droits des femmes et une ardente militante en faveur du droit de vote des femmes. Comme l'indique Beacock Fryer, biographe d'Emily Stowe, celle-ci finira par prendre plus d'importance en tant que suffragette qu'en tant que médecin. Elle renverse d'importants obstacles au bénéfice de la génération suivante de femmes médecins.
Le premier collège de médecine pour les femmes
Emily Stowe continue à franchir des obstacles importants pour la prochaine génération de femmes médecins. Déterminée à rendre l'éducation médicale facilement accessible aux femmes, elle fait pression sans relâche auprès de l'Université de Toronto afin qu'elle change sa politique.
La première femme médecin à obtenir un diplôme d'une école de médecine canadienne (le Toronto Woman's Medical College) en 1883 est nulle autre que la fille d'Emily, Augusta Stowe-Gullen. Un deuxième collège de médecine pour femmes ouvre ses portes à Kingston dans l'Ontoario, et des femmes y obtiennent un diplôme en médecine un an après Stowe-Gullen. Les attitudes à l'égard de la médecine au féminin évoluent lentement, en grande partie grâce à Emily Stowe et à d'autres pionnières de la médecine du XIXe siècle.
Droit de vote
Emily Jennings Stowe a été à l'origine de la lutte pour l'égalité des femmes au Canada à titre de première directrice d'école (1852) et de médecin (1867). Elle a structuré la première organisation du droit de vote des femmes du pays, appelée d'abord le Toronto Women's Literary Club (1877). Cinq ans plus tard, l'appellation était remplacée par le Toronto Women's Suffrage Club. Sa fille, Augusta Stowe Gullen, a continué dans la voie extraordinaire tracée par sa mère, en devenant la première femme à étudier la médecine et à obtenir un diplôme dans ce domaine d'une université canadienne en 1883.
Telle mère, telle fille
Sa fille, Ann Augusta Stowe, fut forcée de subir des épreuves semblables lorsqu'elle s'inscrit à la Faculté de médecine de Toronto en 1879. Toutefois, suite à une réfutation particulièrement acerbe de sa part, les sarcasmes se produisirent moins souvent. Après l'obtention de son diplôme en 1883 comme étant la première femme à suivre un cours complet de médecine au Canada, elle épousa son condisciple, le Dr John B. Gullen, et fut nommée prosectrice du nouveau Collège médical des femmes (Woman’s Medical College de Toronto), puis professeur de pédiatrie.
Simulacre de parlement
Lors qu'Emily Stowe participe à une convention internationale des femmes à Chicago en 1893, elle fait une chute du promontoire et se fracture la hanche. Elle doit, bien à contrecœur, cesser de pratiquer la médecine, mais elle n'abandonne pas sa bataille pour les droits des femmes. Elle participe alors, avec sa fille Augusta, à une parodie d'un parlement simulé, qui est très publicisée, afin de démontrer les inégalités dont les femmes sont victimes. C'est un parlement où toutes les femmes participent en utilisant les mêmes arguments que les hommes, et refusent le droit de vote aux hommes. Une simulation qui ne passe pas inaperçue.
En 1896, la mère et la fille participèrent à un simulacre de parlement , organisé par la Dominion Women's Enfranchisement Association, afin de dénoncer et de parodier les inégalités dont les femmes étaient victimes sous le régime gouvernemental et judiciaire du Canada. Elles se livrèrent à un débat humoristique qui conduisit au rejet d'une motion permettant le vote des hommes.
John Stowe meurt en 1891 et Emily Stowe meurt 12 ans plus tard le 30 avril 1903 à Toronto. Ce n'est que 14 ans plus tard que les femmes obtiennent le droit de vote au Canada.
À la suite du décès de sa mère, Augusta devint présidente de la dernière incarnation du Toronto Women's Literary Club, la Canadian Suffrage Association, puis vice-présidente du National Council of Women.