Jeunesse et début de carrière
Félix Vicq d'Azyr est né le 23 avril 1748 à Valognes dans la Manche. Il est le fils de Félix Vicq médecin normand et de Catherine Le Chevalier. Il fait ses premières études à Valognes puis suit un cours de philosophie à Caen. Voulant tout d'abord se consacrer aux lettres il fut sur le point d'embrasser une carrière ecclésiastique, mais les conseils de son père l’orientèrent vers un cursus médical. Il vient à Paris en 1765, et s'apperçut bien vite que cette ville était favorable aux savants et aux artistes et combien tous les talents y sont facilement cultivés et s'y perfectionnent.
En 1772 il entra en licence, et s'intéressa particulièrement à l'anatomie physiologique qu'il voulut enseigner en 1773 et dans ce but ouvrit un cours d'anatomie de l'homme et des animaux, à l'amphithéâtre des Ecoles de médecine. Son suvccès fut aussi brillant que mérité. Mais il dut interrompre ses cours pour un motif futile.
Élève, ami puis assistant du professeur Antoine Petit au Jardin du roi, ce dernier le choisit pour le remplacer dans le cours d'anatomie du Jardin royal. Mais le choix de Petit n'ayant pas été confirmé, ni par Buffon, ni par la cour, la chaire d'anatomie fut confiée en 1776, à Antoine Portal, déjà membre de l'Académie des Sciences. Vicq-d'Azyr évincé ouvrit des cours particuliers d'anatomie, et fut ensuite chargé d'enseigner cette matière aux Ecoles de médecine.
Victime d'une hémopisie ( crachement de sang) assez alarmant, Vicq-d'Azyr suspendit ses cours et se réfugia en Normandie sa terre natale. Cette retraite lui donna l'occasion de s'intéresser à des recherches sur les poissons. Il offrit son travail à l'Académie des Sciences qui ne tarda pas à l'admettre parmi ses membres comme Adjoint anatomiste le 13 mars 1774.
Vicq-d'Azyr a alors vingt-cinq ans, il est déjà professeur, membre de l'Académie des Sciences, et docteur régent de la Faculté de médecine de Paris.
L'anatomiste
Dans le domaine de l'anatomie, les travaux de Vicq-d'Azyr sont immenses. Dans l'anatomie de l'homme et des animaux il a d'abord rempli de grandes lacunes; puis en rassemblant ses découvertes et les connaissances d'autres ouvrages, il les a réuni ensemble et jeté les fondements d'un édifice que sa mort a prématurément interrompu.
Il a tout de suite observé que l'anatomie et la physiologie des animaux étaient négligées par ses contemporains. Les poissons furent les premiers objets de ses recherches; il compare les poissons cartilagineux, les poissons anguiliformes et les poissons épineux. Puis il fait de nouveaux mémoires sur la partie descriptive et physiologique des os et des muscles des oiseaux. Il fit le rapprochement entre ces organes et ceux de l'homme.
En 1774, Vicq-d'Azyr entreprit un nouveau sujet. Après Aristote qui avait indiqué le parallèle des extrémités supérieures et inférieures de l'homme; il avait observé que les premières, bien différentes des membres antérieurs des quadrupèdes, sont conformées pour saisir, embrasser, ou repousser et exécuter des mouvements variés et nombreux. Les extrémités inférieures ne servant qu'à soutenir ou transporter le corps. Les principale conséquences qu'il en déduit sont, que les différences entre les extrémités supérieures et inférieures se réduisent plus particulièrement à une position opposée et à un raccourcissement ou à un prolongement de parties semblables.
Cette manière nouvelle d'appréhender l'anatomie, ces rapprochements philosophiques, prouvent que Vicq-d'Azyr aurait pu interpréter la nature, s'il n'avait mieux aimé l'observer, l'interroger et se borner à recueillir ses réponses. Après certains savants célèbres; il décrivit les nerfs de la deuxième et troisième paires cervicales dans un mémoire, en 1776, à l'Académie. Dans un mémoire sur les organes de la voix, de nombreuses découvertes sont également présentées. Vicq-d'Azyr nous révèle la cause des cris effrayants de l'alouette, des cris sourds et étouffés de plusieurs singes, des voix particulièrtes de divers quadrupèdes; il nous apprend instruit sur l'appareil compliqué qui produit les voix bruyantes des cygnes et des hérons; les dispositions qui expliquent les sons mélodieux des oiseaux chanteurs et la voix éteinte des quadrupèdes ovipares (1781-1783).
Lors de nouvelles recherches, il s'intéressa au cerveau et fit paraître ses mémoires sur cet organe, en décrivant plusieurs structures de l'encéphale humain; en distinguant la dure-mère, la disposition des veines du cerveau, et les différentes parties qui semblent établir des communications entre elles.
En 1781, Vicq d'Azyr publia un traité d'anatomie dans lequel il s'appliqua à représenter les circonvolutions cérébrales. En dépit de ses bonnes intentions, cette représentation donne encore l'impression d'anses intestinales. Il commença cependant de singulariser les gyrus en les groupant sous les termes antérieur, postérieur et inférieur. C'est un progrès manifeste qui stimula directement les recherches des anatomistes français préfigurant une nouvelle ère pré-scientifique.
Associé anatomiste le 12 décembre 1784, associé de la classe d'anatomie lors de la réorganisation du 23 avril 1785, il est considéré comme l’un des grands précurseurs de l’anatomie comparée. Il fut parmi les premiers à utiliser les sections coronales du cerveau et à employer l’alcool afin de faciliter la dissection. Il a donné, en 1786, une description du locus coeruleus et de la bande de Vicq-d'Azyr, un système de fibres situé entre la couche granulaire externe et la couche pyramidale externe du cortex cérébral, ainsi que du faisceau mamillo-thalamique qui porte son nom. Toutes ses études des circonvolutions cérébrales sont devenues des classiques et il fut parmi les premiers neuroanatomistes à dénommer les gyri. Il a également étudié les noyaux gris profonds du cerveau et le système limbique à la base du cerveau.
Il commença à rédiger un Traité complet d'anatomie et de physiologie, dont il ne put terminer que la première partie, dans lequel il oppose et compare les deux sujets de l'anatomiste : le cadavre, le corps jadis animé, devenu froid, muet sans réaction; et l'animal vivant, soumis à des tortures scientifiques et horriblement tourmenté. Il s'occupe des caractères propres aux corps organisés dont il rapporte les fonctions à deux ordres, les fonctions intérieures (la nutrition et la reproduction) et les fonctions qui n'appartiennent qu'aux animaux (sensibilité, mouvements volontaires); enfin il place l'homme au sommet de l'échelle des êtres organisés.
Il avait de plus formé le projet de redéfinir le langage de l'anatomie. Il aurait voulu une nomenclature comme celle des chimistes, des dénominations communes pour tous les organes analogues de l'homme et de différents animaux, et des expressions relatives aux rapports des parties, à leur situation et à leurs attaches, surtout pour les muscles.
Vicq-d'Azyr a également developpé l'anatomie post mortem à la recherche des causes, des suites et des traces des maladies; faisant suite à Théophile Bonnet, Morgani, Lieutaud, Portal et quelques autres.
Il était également professeur d'anatomie comparée à l'École Royale vétérinaire d’Alfort créée par Bourgelat en 1766, ainsi que surintendant des épidémies.
Vicq-d'Azyr médecin
Bien que les différentes branches de l'art de guérir soient toutes liées entre elles par une dépendance réciproque, mais comme dit Fontenelle à propos des mathématiques : "il faut ordinairement un homme entier pour embrasser une seule partie des mathématiques dans toute son étendue". Cette réflexion s'applique à la médecine, du moins pour ce qui concerne les progrès de cette science. En effet, quelques hommes supérieurs ont pu seuls en embrasser toutes les spécialités, et contribuer également à leurs progrès. Vicq-d'Azyr fut de ceux-là. La chirurgie qui est ordinairement exercée d'une manière spéciale et exclusive, ne lui fut pas étrangère.
Epizootie
En 1775, Vicq d'Azyr fut envoyé par Turgot dans le sud de la France pour y étudier une terrible épizootie, avec la double mission d'étudier et d'enrayer le phénomène. Il publia ses observations sous le titre "Exposé des moyens curatifs et préservatifs qui peuvent être employés contre les maladies pestilentielles des bêtes à corne". Il expose d'abord la cause des épizooties; il trace un parallèle entre la peste humaine et les maladies pestilentielles des animaux domestiques. Il en détermine la nature et fait appliquer plusieurs moyens curatifs et préventifs, en faisant des rapprochements entre la médecine humaine et la médecine vétérinaire; et cherche surtout à isoler les villages allant jusqu'à l'abattage(quil appelle assommement). Il ne rentre à Paris qu'après avoir rempli sa mission.
Société Royale de médecine
A son retour, à la suite du succès de la mission dont il fut chargé par l'Académie des Sciences, en 1776, il fonde avec François de Lassonne (1717-1788), premier médecin du roi Louis XVI, la Société Royale de médecine qui se donne pour but l'étude des maladies épidémiques et des eaux minérales, mais dont rapidement les travaux s'intéressèrent aux sciences physiologiques et médicales. Il en est élu secrétaire perpétuel, et sous son impulsion, elle va constituer une véritable académie de médecine qui servira de contrepoids à l'Académie de Chirurgie. La Faculté de Médecine de Paris essaiera bien d'entraver son essor, mais sans pouvoir y parvenir. Dès lors, la médecine que l'on croyait bornée au soulagement des particuliers, se trouva étendue à certaines parties du service public, principalement aux mesures nécessaires en cas d'épizootie et d'épidémie, aux exhumations, à la vente des médicaments, aux choix de la nourriture de l'homme et des animaux; et plusieurs autres sujets d'hygiène publique. Dès 1776 la Société Royale de médecine publia plusieurs volumes, avec la contribution de Vicq-d'Azyr, contenant enfin de nombreux sujets médicaux.
Il est chargé par arrêt du Conseil d'Etat de concevoir un questionnaire sur les problèmes d'épidémies et d'épizootie destiné à tous les médecins de province. Ces documents conservés à l'Académie de médecine sont une source primordiale pour étudier, entre autres, les maladies régnantes et l'hygiène publique à cette époque. Il compilera sur 16 années un grand nombre d’informations variées sur les maladies, les médecins, les ressources économiques et alimentaires, etc.
Etude des cimetières, inhumations, exhumations
Dans un autre ouvrage un "Traité sur les lieux et les dangers des sépultures", il a contribué au perfectionnement de l'administration et de l'hygiène publique. Il propose d'éloigner les lieux d'inhumations du centre des villes (souvent autour des églises) pour éviter les causes d'insalubrité. Il propose également de réglementer les exhumations.
Réorganisation de l'enseignement médical
L'œuvre principale de la Société Royale de médecine sera la réorganisation de l'enseignement médical que Vicq-d'Azyr proposera en 1790, à l'assemblée nationale sous le titre : Réflexions, dans le nouveau plan de constitution pour l'enseignement de l'art de guérir en France, c'était un enseignement complet comprenant la Médecine, la Chirurgie et la Pharmacie, associant même la médecine vétérinaire et la médecine humaine qui doivent, dit-il, se compléter l'une, l'autre. Les professeurs seront nommés au concours, les examens rendus plus difficiles et le français sera substitué au latin. Quatre ans plus tard, après la mort de Vicq-d'Azyr, ce programme se réalisera en partie; la Faculté de Médecine et la Société royale de Médecine, le Collège et l'Académie de Chirurgie se fusionneront en un harmonieux ensemble d'où naîtront les Ecoles de Santé et l'Académie de Médecine.
Des Eloges historiques de Vicq-d'Azyr
"Le médecin Vicq-d'Azyr a été un des écrivains les plus distingués du règne de Louis XVI" (Sainte-Beuve). Il fut excellent professeur et orateur académique.
La Société royale de médecine décida dans son règlement que l'éloge de chacun de ses membres serait prononcé après sa mort. Vicq-d'Azyr en sa qualité de secrétaire perpétuel de la Société, fut chargé de ces éloges. Il dut appliquer à leur rédaction des connaissance aussi étendues que variées. Il eut autant de succès dans cet exercice que ce qu'il en eut comme médecin et comme anatomiste. Ses contemporains lui attribuèrent à la fois le prix du savoir et la palme de l'éloquence. Panégyriste philosophe, il ne se borne pas à une louange stérile; à l'histoire du savant il unit celle de la science, et n'en présente pas moins avec détail tous les évènements particuliers qui méritent d'être conservés dans l'histoire des académiciens à qui ses éloges sont adressés.
En accord avec le temps auquel Vicq-d'Azyr a écrit ces éloges, il a exposé les recherches scientifiques avec détail, montré ce qui est propre aux savants qu'il loue; l'influence des circonstances sur leurs ouvrages et leurs succès; la cause de leurs découvertes, leurs rapports avec les contemporains et même avec la postérité, dont ils ont plus ou moins préparé les progrès; enfin l'idée qui parait avoir été le principe de leur conduite et le mobile de leurs travaux.
Le grand talent avec lequel il s’acquittait de cette tâche lui valut d’être élu le 12 juin 1788 à l’Académie française où il fut reçu par le marquis de Saint-Lambert le 11 décembre 1788 à la place laissée vacante par la mort de M. de Buffon. Il fut le premier médecin appelé au sein de de cette Académie par le suffrage de l'Académie elle-même.
Malesherbes et Turgot furent de ses amis et Desgenettes fut son étudiant.
Vie privée de Vicq d'Azyr
Vicq d'Azyr avait un tempérament doux, des goûts simples, une grande sensibilité et une imagination tempérée par le sérieux des sciences médicales. Pendant les premières années de son séjour à Paris il ne se laissa pas distraire. Une dame, comme lui, originaire de Normandie, lui témoigna de l'amitié, et le consola de l'éloignement de sa famille.
Il se maria très jeune avec Mademoiselle Le Noir, la nièce du naturaliste Daubenton qui collabora à l'Histoire Naturelle de Buffon, qui l'encouragea et devint son protecteur. Dix huit mois après leur mariage, elle disparut de maladie. Inconsolable il plaça le buste de son épouse dans sa bibliothèque et se refusa à un second mariage. Défendant des idées libérales, il eut également de nombreux amis; ainsi il parlait avec enthousiasme d'Antoine Petit, dede Lassonne, de Turgot et de Daubenton qui lui donna les premières leçons d'anatomie comparée et d'histoire naturelle. Il recherche le côté moral des sujets qu'il traite; les applications pratiques des découvertes scientifiques; les conséquences que peut en tirer la philosophie.
Vicq d'Azyr fut heureux de réunir gloire et fortune; cette dernière n'étant utile qu'aux progrès des sciences (achat de livres, d'instruments, de matériel de recherche ou d 'observation, délégation d'expériences, etc…). Vicq d'Azyr sut réunir deux genres de mérite : une vaste érudition, et une liberté d'esprit sans laquelle on ne bâtit pas de grandes conceptions. Vicq d'Azyr sut partager sa vie entre ses travaux de sa profession et la fréquentation des hommes notamment dans les séances académiques à la cour, des cercles les plus brillants à l'entretien plus calme de ses amis, au chevet d'un malade. L'excès des occupation altéra gravement sa santé.
Sa qualité de premier médecin de la reine Marie-Antoinette en 1789 et de médecin consultant de Louis XVI lui fera craindre pour sa vie durant la Terreur. Pendant cette période, il vécut dans des transes continuelles craignant toujours que son titre d'ancien médecin de la Reine ne le fit envoyer à l'échafaud révolutionnaire. Dernier chancelier de l'ancienne Académie, il assista pourtant à ses dernières séances. "Vicq d'Azyr, au sortir d'une de ces parodies sinistres décorées du nom de fête nationale, était saisi d'un mal qui l'enlevait en quelques instants dans le délire de la peur. " (A. Maury).
Il éprouva les plus grandes craintes et inquiétudes au moment de la révolution. D'autant que nombreux de ses amis ou bienfaiteurs eurent à en souffrir. La tyrannie révolutionnaire menaçait toutes les personnalités. Vicq d'Azyr se sentit menacé. Il continuait cependant ses travaux, à visiter de nombreux malades surtout dans les classes alors proscrites auxquelles il était dangereux de témoigner le plus léger intérêt.
Il bénéficia de la protection de Robespierre et fut membre de la Commission des salpêtres.
Usé par son activité incessante, ayant contracté une grave affection pulmonaire durant la célébration de la Fête de l’Etre suprême le 20 prairial an II, Félix Vicq d’Azyr mourut, le 20 juin 1794 à Paris, à l’âge de quarante-six ans.
Vicq-d'Azyr est considéré comme l’un des grands précurseurs de l’anatomie comparée, il fut à l'origine de la réorganisation de la médecine après la Révolution.
Ouvrages
- Ses œuvres complètes ont été publiées en 1805 par Moreau de la Sarthe en 7 volumes dont un in 4° de planches.
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Éloges
-Mémoires sur l'Anatomie Humaine et Comparée
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Traité d'Anatomie et de Physiologie
- Système Anatomique des Quadrupèdes