Maude Elizabeth Seymour Babin est née à Saint-André-Est, Québec, le 18 mars 1869, mais abandonnée par son père et orpheline depuis la mort de sa mère de tuberculose, Maude est élevée par sa grand-mère maternelle à St. Andrews East (aujourd'hui Saint-André-d'Argenteuil) , au Québec. À l'âge de 62 ans, Mme William Abbott adopte légalement Maude et Alice, sa sœur aînée, et leur donne son nom de famille. Elle est l'arrière-petite-fille de John Abbott, troisième Premier Ministre du Canada.
Etudiante brillante
Après des études à domicile, Maude, pleine d'enthousiasme, termine sa dernière année du secondaire dans un séminaire privé à Montréal. En juin 1885, elle obtient une bourse d'études à l'Université McGill. Elle réussit l'exploit ,« juste par précaution », de poursuivre et d'obtenir un diplôme d'enseignement à la McGill Normal School et un baccalauréat ès arts en 1890.
Maude veut à tout prix poursuivre des études de médecine à l'Université McGill. Malheureusement, à cette époque, la faculté de médecine n'acceptait pas les femmes. Elle lance une pétition publique pour que McGill offre des cours de médecine aux femmes et a aidé à réunir les fonds pour les payer. En dépit de l'appui des médias et du fait que Maude provient d'une famille qui avait aidé à fonder l'université, la faculté de médecine reste sur ses positions..
Elle s'inscrit alors en 1890 à la faculté de médecine Bishop’s College in Lennoxville, Quebec où elle est la seule femme et obtient son diplôme avec mention en 1894. Elle se rend ensuite en Europe pendant trois ans pour se perfectionner.
Réputation internationale
Cardiopathies congénitales
A son retour au Canada en novembre 1897, Maude Abbott ouvre son propre cabinet à Montréal, où elle soigne des femmes et des enfants. Travaillant également au Royal Victoria Hospital, elle se plonge dans des recherches en pathologie et rédige un article important à partir d'une étude statistique sur les bruits fonctionnels du cœur. Lors de la réunion générale de la Montreal Medico-Chirurgical Society, c'est un docteur qui lit son article parce que les femmes ne sont pas admises au sein de la société. Néanmoins, l'article est bien reçu et Maude est nommée et élue le premier membre féminin de la société.
Lors d'un congrès à Baltimore, elle rencontre William Osler et grâce à ses encouragements et à sa bienveillance, elle se consacre à l'étude des maladies cardiovasculaires congénitales.
Medical Museum of McGill University
Nommée en 1898 curatrice adjointe du Medical Museum of McGill University, elle y noue de nombreuses relations qui ont par la suite conduit à la création de l'Association internationale des musées médicaux, connue aujourd'hui sous le nom de l'Académie internationale de pathologie. Elle fait preuves de qualité d'organisation et de classement qui lui vaut les félicitations d'Ossler en 1904 qui déclare « le meilleur travail que McGill avait réalisé à ce jour, qu'elle avait des dons d'organisation exceptionnels et qu'il n'y avait aucune collection en Amérique du Nord et en Grande-Bretagne qui s'en approchait ».
Collaboration avec William Osler
Sachant qu'elle était intriguée par un rare spécimen de cœur à trois cavités, William Osler l'invite en 1905 à rédiger la section traitant de la cardiopathie congénitale de son ouvrage intitulé Systems of modern medicine. Selon Osler, il s'agit là du meilleur texte qu'il ait lu sur le sujet. À l'exception de deux années à l'extérieur, elle passe l'ensemble de sa carrière à McGill.
Cette collaboration la rend mondialement connue dans ce domaine et, en 1936, elle publie Atlas of Congenital Cardiac Disease, où elle étudie plus de 1000 cas et élabore un nouveau système de classification.
Reconnaissant ses travaux exceptionnels et sa réputation internationale, l'Université McGill lui confère en 1910 le titre honorifique de docteur en médecine et la nomme maître de conférences en pathologie, puis professeure adjointe en 1925.
Femme médecin pionnière
Durant son illustre carrière, Maude Abbott a publié plus de 140 articles et ouvrages savants et a donné d'innombrables conférences. De 1914 à 1918, pendant la Première Guerre mondiale, elle s'est proposée comme rédactrice du Journal de l'Association médicale canadienne alors que les titulaires du poste se trouvaient au front. Elle a également publié des études sur l'histoire de la médecine au Québec et de la faculté de médecine de McGill. Après la mort de sir William Osler en 1919, elle lui a consacré une édition spéciale du Bulletin of pathology. Il en a résulté une publication de 600 pages, qui a nécessité 120 collaborateurs et six ans de travail.
En 1936, Maude Abbott atteint l'âge de 65 ans, mais n'a aucune envie de prendre sa retraite. L'Université McGill insiste, cependant, mais compense en lui décernant un doctorat honorifique. Malgré ce deuxième titre honorifique, Maude Abbott est persuadée que l'Université devrait reconnaître son statut d'enseignante à McGill au-delà de professeure adjointe.
Surnommée la « tornade bienfaisante », Maude Abbott était aussi connue pour l'énergie qu'elle déployait en faveur des projets universitaires et de la vie communautaire. Elle était membre (ou membre invité des cercles réservés aux hommes) d'au moins 18 organisations. Elle a aussi publié 11 ouvrages historiques majeurs non liés à la médecine.
Atteinte d'une hémorragie cérébrale à l'été 1940, elle décède le 2 septembre à l'âge de 71 ans.
Reconnaisances
• Après sa mort, Diego Rivera, grand peintre mexicain, lui rend hommage en 1943 en insérant son portrait dans une fresque représentant les cinquante cardiologues les plus en vue dans le monde qu'il réalise pour le compte de l'Institut national de cardiologie de Mexico. Maude Abbott est la seule femme et la seule Canadienne à y figurer.
• « Maudie de McGill » fait encore partie de cette université. Ses articles sont conservés à la bibliothèque Osler et son portrait se trouve au pavillon Strathcona d'anatomie et de chirurgie dentaire. Le 10 mars 2000, on dévoilait une plaque de bronze commémorant Maude Abbott et son « importance historique nationale ». Cette plaque sera posée en permanence dans l'espace vert à l'entrée du pavillon McIntyre des sciences médicales.
• En 1938, la Fédération des femmes médecins du Canada a créé le Maude Abbott Memorial Scholarship Loan Fund.
• Le 17 janvier 2000, la poste canadienne a fait paraître dans le cadre de sa collection Millénaire un timbre de 46 cents intitulé « Les premiers pas en chirurgie cardiaque » avec la représentation de Maude Abbott.
• Maude Abbott a été intronisée au Temple de la renommée médicale canadienne en 1994 à titre posthume.
• Pionnière médicale mondialement reconnue, Maude Abbott a fait connaître la ville de Montréal et le Canada dans les domaines de la pathologie et de la cardiologie. Que ce soit par ses publications, son dévouement à l'enseignement ou son style personnel caractérisé par la patience et la ténacité, elle a énormément contribué à la médecine et au progrès des femmes. Elle s'impose comme l'une des grandes figures du Canada et l'un des grands modèles à imiter.