William Thomas Green Morton est né le 9 août 1819 à Charlton City, Worcester County, dans le Massachusetts. Son père est Edward J. Morton, sa mère Alice T. Holtorf.
Il va à l'école élémentaire à Northfield et au collège de Leicester. Jeune homme, il se fait la main dans différents travaux non qualifiés en tant que commis, imprimeur et vendeur à Boston. Mais il ne trouve pas ce qui lui convient.
En 1840, il s'inscrit à la première école dentaire au monde : l'Université de Chirurgie Dentaire de Baltimore. Il abandonne sans passer le diplôme et se retrouve élève-assistant puis associé d'un dentiste, Horace Wells à Hartford dans le Connecticut, qu'il quitte au bout de six mois.
En 1844, changeant à nouveau d'orientation, il va étudier à l'Ecole de Médecine à Harvard. Il s'engage en partie pour approfodir ses connaissances médicales mais également dans le but pour d'impressionner la femme dont il était amoureux et avec laquelle il se maria plus tard, Rebecca Needham. A nouveau Morton ne termine pas les études engagées. Pour se perfectionner en chimie, il suit les cours du Professeur Charles Jackson duquel il apprit, pour la première fois, les propriétés de l'éther. Au cours de l'année 1844, Jackson démontra devant ses élèves que l'inhalation d'éther sulfurique entraîne une baisse de vigilance.
A la lumière de la revendication ultérieure de Jackson comme étant l'inventeur de l'étherisation, on se demande pourquoi il n'a pas demandé à un de ses collègues chirurgiens à Harvard de mettre en pratique cette connaissance et de l'appliquer à la chirurgie. Il semble que l'histoire de l'anesthésie est un long chapitre d'occasions manquées.
Morton ouvre finalement un cabinet dentaire à Boston comme moyens de financer ses études de médecine. Plus d'une décade avant, qu'il présente une nouvvele sorte de ciment pour coller les dents artificielles sur de l'or. En même temps il était hautement souhaitable de trouver une bonne méthode pour extraire les racines dentaires avec le moins de douleur possible. Morton expérimenta d'abord l'opium, les stimulants et le Mesmerisme. L'opium soulage la douleur; les stimulants dopaminergiques peuvent en effet également agir en tant qu'analgésiques; et le Mesmerisme peut parfois fonctionner avec des patients extrêmement suggestibles et un médecin charismatique. Pourtant aucune de ces options n'a fait la preuve de son efficacité indiscutable.
Conférence publique de Wells
Suite aux travaux en anesthésiologie de son ancien associé Horace Wells avec le protoxyde d'azote, Morton s'intéresse à ce nouveau domaine de la médecine. Il est présent à la présentation manquée de Wells du 20 janvier 1845 devant le docteur John Collins Warren et des étudiants en médecine au "Massachusetts General Hospital" à Boston. Wells est hué par les étudiants qui ne sont pas convaincus que le protoxyde d'azote puisse être une solution à la suppression de la douleur et crient à la farce ("humbug" en anglais). Cette expérience marque pendant plusieurs années un coup d'arrêt dans l'utilisation du protoxide d'azote en anesthésie et discrédite Wells.
Morton de son côté utilise aussi le protoxyde d'azote, mais d'autre part, il avait également remarqué l'effet anesthésiant local de l'éther, appliqué sur une dent douloureuse. Morton consulte son ancien professeur le chimiste Charles Thomas Jackson sur la possibilité d'utiliser un produit plus efficace. Personne ne peut dire précisément la question posée par Morton, ni ce que Jackson lui a répondu; mais la plupart des universitaires pensent que Jackson a conseillé à Morton d'employer l'éther. Après avoir entrepris diverses expériences sur lui-même ainsi que sur des animaux, Morton exécuta avec succès une extraction dentaire dans son bureau sur un marchand de Boston nommé Eben Frost. Un compte-rendu journalistique favorable de cet exploit dans la presse locale de Boston attira l'attention d'un jeune chirurgien Henry Bigelow. Bigelow prit contact avec le chirurgien-chef du Massachussets General Hospital, John Collins Warren pour une démonstration publique de ce procédé révolutionnaire.
Expérience publique de Morton
Le 30 septembre 1846, à l'heure convenue, Morton n'était pas arrivé. Mais le docteur Warren était prêt pour commencer à opérer son patient terrifié de la façon convenue. C'est alors que Morton arriva en courant dans l'amphithéâtre. Il était en retard parce qu'il était en discussion au sujet de son inhalateur de "Letheon", l'appareillage nouvellement conçu pour délivrer de l'éther qu'il cherchait à faire breveter. Son retard augmenta le scepticisme de l'assistance des étudiants en médecine et des chirurgiens. Mais cependant, à leur étonnement, l'anesthésie et l'opération se déroulèrent paisiblement, le patient n'a rien ressenti. C'est un succès sans précédent qui fera dire au chirurgien : "Nous venons d’assister à un événement capital dans les annales de la chirurgie ; notre métier est délivré pour toujours de son horreur".
Jusqu'à l'ère de l'anesthésie, la chirurgie était en effet une affaire excessivement bruyante, ponctuée par des cris perçants et le gémissement pitoyable d'un patient tordu de douleurs. Mais cette opération s'est déroulée dans un profond silence. L'imprimeur Edouard Gilbert Abbott (1825-55) âgé de 52 ans a inhalé le "Letheon", perdit connaissance, resta insensible pendant toute l'excision de sa tumeur vasculaire par le docteur Warren; puis s'est réveillé indemne. Bigelow écrivit le triomphe de Morton dans son article sous le titre : "Insensibilité pendant les opérations chirurgicales produite par inhalation". La nouvelle fit bientôt le tour du globe, autant que les moyens de communications du XIXe siècle le permettaient.
Durant la démonstration, Morton tenta de cacher le nom de la substance utilisée, parlant de "Letheon". Il avait en fait l'intention de breveter cette substance. Il fut rapidement montré que le "Letheon" n'était que de l'éther et son usage se répandit bientôt aux États-Unis et en Europe. Morton ne réussira jamais à breveter l'éther.
Démonstration publique de l'étherisation par William Thomas Morton d'après une peinture de Arthur Ignatius Keller. Boston, n.d.
Avare et sans scrupules, Morton n'était pas tout à fait le monstre de dépravation qui a été peint par les historiens révisionnistes. Il a offert des droits libres de son innovation à tous les établissements charitables dans tout le pays, et il était ardemment en faveur de l'abolition de la douleur chirurgicale, à condition qu'il en tire un profit pour lui-même… Morton administra l'anesthésie à l'éther à des milliers de soldats en détresse pendant la guerre civile américaine.
Pourtant, pendant les années qui suivirent Morton était rarement heureux. Il fit une pétition au Congrès des USA par trois fois pour obtenir la reconnaissance de son antériorité, et obtenir les droits aux bénéfices en découlant. Il est même parvenu à fixer une entrevue avec le quatorzième président des Etats-Unis, Franklin Pierce, pour appuyer sa demande. Morton ne réussit pas.
Son adversaire, le Professeur Charles Thomas Jackson avait encore quelques amis influents et affirma alors être le véritable découvreur de cette propriété. Il s'ensuit alors une controverse qui dura plusieurs décennies et aura des suites judiciaires. Le litige consumma les énergies de Morton et le ruina. Loin de la polémique, il passa la fin de sa vie en travaux agricoles dans le Massachusetts, où il se consacra à l'élevage et l'importation de bétail. Mais le manque de reconnaissance du monde et l'absence de récompense en proportion de sa contribution au bien-être humain l'affecta profondément.
Morton décéda brutalement à l'âge de 48 ans d'une "congestion cérébrale" probablement d'origine hémorragique, le 15 juillet 1868 à New York. Profondément endetté, il s'était rendu à New York City au milieu d'une vague de chaleur estivale. Morton avait été indigné à la lecture d'un article dans la revue "Atlantic Monthly" qui créditait l'invention de l'étherisation le Professeur Jackson. Jackson survécut à son étudiant mais est mort dans un asile, aliéné.
Beaucoup considèrent Morton comme "l'inventeur et découvreur" de l'anesthésie. Pourtant il ne fut pas le premier à utiliser l'éther pour l'anesthésie chirurgicale, utilisation que l'on pourrait attribuer à l'américain Crawford Williamson Long en 1841, qui ne publia jamais ses observations.
La découverte des propriétés anesthésiantes du protoxyde d'azote revient au chimiste Humphry Davy (1778-1829) et à son élève Michael Faraday (1791-1867). Mais ces derniers n'ont jamais eu l'idée d'utiliser le gaz en médecine.