Théophraste Renaudot est né en décembre 1586 à Loudun (département actuel de la Vienne) dans une famille protestante, son père Jean Renaudot, est maître d'école, sa mère Cécile Fourneau, est le fille d'une famille bourgeoise de Loudun. Sous la conduite de l'érudit Daniel Boulanger il y fait ses études élémentaires, apprend le latin et le grec.
Vers 1602, il entreprend des études de chirurgie à Paris, puis trois ans plus tard, il choisit de s'inscrire à la Faculté de Médecine de Montpellier qui est réputée avoir un enseignement plus attrayant et être plus accueillante aux protestants. Toute sa vie sera marquée par son passage à Montpellier. Il apprécie autant des grands maîtres comme Richer de Belleval, que l'esprit de tolérance et d'ouverture. A Montpellier l'enseignement préfigurait une médecine moderne dans lequel les médications s'appuyaient sur des produits chimiques, tandis qu'à Paris on enseignait encore une médecine traditionnelle dont les soins étaient fondés sur les trois S (le Séné, le Son et la Saignée).
En 1602, il contracte les écrouelles, une maladie qui lui laissa des cicatrices sur le visage.
A vingt ans, le 12 juillet 1606, il est reçu Docteur en Médecine il est autorisé à coiffer le bonnet rouge. Se jugeant trop jeune pour exercer, Théophraste Renaudot entreprend alors de voyager, en Espagne, en Italie, en Suisse et en Angleterre.
En 1608 il passe par Paris, revient à Loudun pour se marier avec Marthe du Moustier, et y exerce la médecine avec succès pendant quelques mois; il imagine alors un médicament qu'il vend en France et à l'étranger.
Protégé de Richelieu
Richelieu (1585-1642) avait été nommé évêque de Luçon en 1606 (il a 19 ans), il est retiré en son prieuré de Coussay-en-Mirebalais dans l'attente d'une réponse de la régente Marie de Médicis à ses offres de service. Ensuite tout ira vite; il sera député de Poitiers, Luçon et Maillezais pour le clergé aux états généraux de 1614, aumônier de la reine, secrétaire d'état à la guerre en 1616, cardinal en 1622, chef du Conseil du roi en 1624.
C'est à cette époque que le père Joseph se lie d'amitié avec le médecin et le présente à, Armand Jean du Plessis de Richelieu, évêque de Luçon, le futur cardinal de Richelieu, ils fréquentent ensemble à Loudun, le salon d'un érudit et poète, Gaucher de Sainte-Marthe dans lequel protestants et catholiques sont égalitairement accueillis.
Le père Joseph (François-Joseph Le Clerc du Tremblay 1577-1638), était un capucin qui résidait à Lencloître, près de Châtellerault, qui devint à partir de 1624 le confident de Richelieu et son conseiller en politique étrangère. On le surnomma "l'éminence grise."
Dès lors le père Joseph et Richelieu, futur cardinal et ministre de Louis XIII, soutiennent Renaudot et favoriseront ses projets et l'aident à faire confirmer ses multiples brevets.
En 1610, le roi Henri IV est assassiné.
Bureau et Registre d'adresses
Le "Traité des Pauvres" que Renaudot publie en 1612, lui vaut un premier brevet royal pour un projet de "bureau d'adresses" (les petites annonces actuelles).
Plein d'imagination son tempérament généreux le pousse à se préoccuper du triste sort des miséreux et des malades, Renaudot établit un plan pour lutter contre la pauvreté. Il imagine de créer un bureau de placement pour permettre l’emploi de vagabonds à des tâches d'utilité publique. Mais rapidement, ce bureau devient une agence de renseignements apte à enregistrer les demandes d'emplois, les propositions de vente ou d'achat, et autres déclarations de toute nature.
Grâce cette fois à la protection de Richelieu, Renaudot reçoit en 1612, le brevet de "conseiller et médecin ordinaire du roi". Deux ans plus tard, son excellente réputation lui vaut d'être nommé "Commissaire Général des Pauvres du Royaume" pour les valides et invalides du royaume. En 1618, il œuvre toujours à l'accomplissement de cette tâche.
En 1626, Renaudot, installé à Paris depuis un an se convertit au catholicisme. Il conseille d'abord, en hygiéniste, d'occuper utilement les miséreux à enlever les ordures et boues qui s'amoncellent dans les rues. Il ouvre alors, en 1630, dans l'île de la Cité, à l'enseigne du Grand Coq, son Bureau d'Adresses et de Rencontres qui faisait office de bureau de placement et de dispensaire.
Très rapidement, ce bureau diversifie ses activités et devient une agence de renseignements divers qui enregistrait les demandes d'emplois, les propositions de vente, d'achat, les déclarations de toute nature
A Paris, il édite à partir du 1er juin 1632 sa "Feuille du bureau d'adresses" qui permettait de mettre en relation les employeurs offrant du travail et les travailleurs qui cherchaient un emploi, les acquéreurs et les vendeurs de biens, les fabricants et les clients éventuels d'artisanat.
Il crée également, dans les locaux de son Bureau d'adresses, rue de la Calandre, les Conférences du Bureau d'Adresses, où l'on débattait d'idées politiques, religieuses, philosophiques et scientifiques. Il faut bientôt s'inscrire à l'avance pour y assister.
La Gazette
Le 30 mai 1631, Renaudot propose les "nouvelles de Paris", sous le titre La Gazette. C'est sans doute en Italie qu'il découvre "la gazzetta", une monnaie vénitienne équivalente au prix du numéro d'une feuille qui paraissait à Venise au XVIe siècle. La Gazette est le premier grand hebdomadaire français qui donnait des nouvelles parisiennes et diffusait officieusement les vues du gouvernement, car Renaudot y défendait volontiers la politique de Richelieu.
Un peu plus tard la Gazette s'enrichit d'un supplément mensuel.
En 1638, à la mort du Père Joseph, (l'"Éminence grise" de Richelieu), Théophraste Renaudot prend en outre la direction du "Mercure français", une publication sous forme de répertoire des principaux événements de l'année, en France.
La Gazette reçoit un privilège d'exploitation qui lui permet d'absorber son concurrent. Son succès va grandissant. Bénéficiant de la modernisation du service des postes, le tirage atteint bientôt... 800 exemplaires. Elle compte quatre à douze pages selon les semaines. Il s'agit essentiellement de communiqués officiels et de nouvelles de l'étranger.
Renaudot disait avec fierté à propos de sa Gazette "l'introduction de la Gazette de France est une des inventions de laquelle j'aurai le plus sujet de me gratifier si j'étais capable de quelques vanités."
La Gazette est cédée par les descendants du fondateur, en 1762, devient journal officiel en 1762, au ministre Choiseul qui lui donne un caractère ouvertement gouvernemental, sous le titre de "Gazette de France". Le titre disparaît en 1915.
Un autre journal, intitulé "Nouvelles ordinaires de divers endroits", circule depuis quelques mois déjà à Paris, à l'imitation des périodiques qui se répandent avec succès dans les pays germaniques. Ce premier périodique français est l'œuvre de deux libraires parisiens, Jean Martin et Louis Vendosme.
Bureau d'assistance publique ou "Mont de Piété"
Une ordonnance royale du 27 mars 1637 autorise Renaudot a créer le premier bureau d'assistance publique, qui lui semble être la solution la meilleure pour répondre aux difficultés des pauvres comme des nobles ruinés par leurs dépenses de cour et les guerres de religion. Moyennant un intérêt modique pour les frais, on y prête sur gages et on y fait de la vente aux enchères. Ainsi naît le premier "Mont-de-piété", suivant l'exemple du "monte-di-pieta" italien.
Les Consulations Charitables
Théophraste Renaudot rêve de fonder à Paris une école
libre de médecine, qui se montrerait plus innovante que la Faculté officielle. Grâce au soutien de Richelieu, il obtient l'autorisation de Louis XIII par lettres patentes du 2 septembre 1640. Renaudot est même autorisé à préparer des médicaments dans son laboratoire, il organise à cet effet un laboratoire public à l'usage des apothicaires alors en lutte avec la Faculté de Paris. Mais la Faculté s'indigne et n'aura de cesse de persécuter celui qui ose s'attaquer à son monopole et utiliser des remèdes interdits.
En 1641, le roi lui accorde le privilège supplémentaire des Consultations charitables. Ces consultations sont créées avec l'aide de médecins, de chirurgiens et d'apothicaires en lutte avec la Faculté. Les étudiants se joignent à lui en grand nombre, à la grande fureur des Docteurs Régents. L'assistance aux malades incombait pour la plus grande part à l'église. Toutefois certains laïcs étaient favorables à une extension de la médecine sociale. Gratuites, ces consultations accueillent les indigents le mardi, puis tous les jours afin de pouvoir traiter tous ceux qui s'y présentent. Le médecin philanthrope imagine également de créer un "hostel des consultations charitables", hôpital où l'enseignement au chevet des malades compléterait admirablement les cours théoriques de son université libre. Au début de 1643, le roi lui concède un terrain pour construire cet établissement, dans le quartier du faubourg Saint-Antoine.
Procès intenté par la Faculté de Médecine de Paris
Richelieu étant mort le 4 décembre 1642, et Louis XIII le 13 mai 1643, Renaudot n'a plus de soutien. La Faculté de Médecine de Paris, en la personne de Guy Patin, en profite pour poursuivre Renaudot et ses collaborateurs sous l'accusation d'exercice illégale de la médecine. Les ennemis de Renaudot usèrent d'accusations mensongères et s'en prirent même à ses enfants en leur refusant le diplôme qu'ils méritaient. A une époque où la vogue était à la chimie, les thérapeutiques d'origine végétale attiraient moins l'attention que celles à base de dérivés métalliques. Inauguré au XVIe siècle, l'emploi du mercure et de l'arsenic continue à se développer. Théophraste Renaudot et son fils Isaac, défendent contre Gui Patin l'usage de potion stibiée (à base d'antimoine). D'autres préconisent l'éther, le fer, le sulfate de cuivre et de zinc.
Le 1er mars 1644, par un arrêt resté célèbre, le Parlement enlève à Renaudot tous ses titres, ses monopoles et privilèges (conférences, consultations charitables, prêt et vente sur gage). Il ne lui reste plus que la Gazette dont Mazarin saisira bien toute l’importance politique - qui restera dans sa descendance jusqu’au milieu du XVIIIe siècle et continuera à paraître jusqu’en 1915 - et son bureau d’adresse.
Renaudot réplique en poursuivant Patin en justice. Avec l'appui de la Faculté de Montpellier Renaudot en appelle alors au Parlement au nom du droit que ses docteurs tiennent du Pape d'exercer "hic et ubique terrarum" - par toute la terre. Mais Gui Patin se défend avec une telle finesse et une telle faconde, il décoche à son adversaire des phrases tellement méchantes et tellement spirituelles qu'il est acquitté par les juges.
Renaudot est à nouveau condamné mais obtient la nomination de ses fils auxquels la Faculté refusait le diplôme qu'ils méritaient. Devant la Faculté ils prennent la défense de l'antimoine et font rapidement des prosélytes parmi les étudiants qui ont suivi autrefois les conférences de Théophraste Renaudot. En 1656, malgré les protestations de Gui Patin, la Faculté de Paris décida de maintenir au Codex le vin émétique à base d'antimoine et de l'adopter à l'unanimité en 1666.
Toutefois, Renaudot sut convaincre Mazarin de l'utilité de sa Gazette et put consacrer la fin de sa vie à son métier de gazetier.
Lors de la première Fronde (1648), Renaudot suit la Cour à Saint-Germain-en-Laye. On supprime sa pension de Commissaire général des pauvres, on ne lui transmet plus les informations officielles de la France et de l'étranger. Mais, lorsque la Cour prévoit un nouvel exode à cause de la deuxième Fronde, Séguier lui propose la charge de Directeur des Imprimeries. Il refuse, reste à Paris tout en continuant à défendre le roi.
Vers la fin de sa vie il est frappé à plusieurs reprises d' hémiplégie. Il meurt le 25 octobre 1653, aux galeries du Louvre, à Paris, là-même où sa fonction d’historiographe du roi, depuis 1646, lui valait un logement. Il est enterré à Saint-Germain l'Auxerrois où une dalle rappelle l’emplacement de sa sépulture.
Théophraste Renaudot a consacré sa vie à essayer d'améliorer la vie des plus défavorisés; grand innovateur, en ne se comportant pas comme un médecin traditionnel son action menace les bases de la société et il mourra dans la misère.
Un prix littéraire prestigieux, décerné chaque année, porte désormais son nom.