Cette maladie connue depuis au moins trois mille ans a sévi par épidémies en Chine dès 224 av. JC; puis au Moyen Age en 1346 à Calfa (actuellement en Ukraine) puis à Constantinople, en Italie et à Marseille et le pourtour méditerranéen. Une épidémie de grande ampleur réapparaît à Marseille en 1720 et 1722 se propageant à Aix, Arles et Toulon.
Alexandre Yersin est né le 22 septembre 1863 à Lavaux (Canton de Vaud, Suisse), dans une famille protestante. Son père, intendant des poudres de la Suisse française, meurt avant sa naissance. Sa mère s'installe alors à Morges où elle ouvre une institution pour les jeunes filles et élève seule ses trois enfants (Emilie, Franck et Alexandre). Il s'intéresse très jeune à la flore et à la faune, avant de se déterminer à étudier la médecine, d'abord à Marbourg, puis à Paris.
De 1883 à 1884, il fait ses études secondaires à Lausannepuis ses études de médecine à Lausanne, puis à Marburg en Allemagne.
De 1885 à 1886, il poursuit ses études de médecine à Paris, à l'Hôtel-Dieu, dans le service du Docteur Cornil. Il rencontre E. Roux qui le fait entrer dans le laboratoire de L. Pasteur, à l'Ecole normale supérieure, où il participe aux séances de vaccination contre la rage.
En 1887, il est reçu à l'externat des Hôpitaux et entre dans le service du professeur J.-J. Grancher, à l'Hôpital des Enfants-malades.
Il soutient sa thèse de doctorat en médecine en 1888: "Etude sur le développement du tubercule expérimental", qui lui vaut la médaille de bronze de la Faculté de médecine de Paris (1889). Entre mai et juin, il suit le cours de bactériologie de R. Koch à l'Institut d'hygiène de Berlin.
En 1889, il est engagé comme préparateur du premier cours de microbiologie de l'Institut Pasteur; Il prend part aux travaux de E. Roux sur la diphtérie, et à la rédaction des mémoires sur le bacille diphtérique et sa toxine, qui paraissent dans les Annales de l'Institut Pasteur. Cette même année il obtient sa naturalisation française.
Départ pour le Vietnam
En 1890, Alexandre Yersin embarque pour le Vietnam. Il quitte l'Institut Pasteur pour devenir médecin des Messageries maritimes sur la ligne Saigon-Manille. En 1891, il est affecté sur la ligne Saigon-Haiphong. En décembre, il obtient un congé des Messageries maritimes et profite de son séjour en Indochine pour explorer les hauts plateaux de Cochinchine et d'Annampour. Il rencontre A. Calmette à Saigon.
De 1892 à 1894 il effectue trois missions d'exploration en pays MoÏs (Indochine) et découvre le plateau du Lang-Bian où s'élèvera plus tard la ville de Dalat.
Le 20 juin 1894, découverte du bacille de la peste
A la demande du Gouvernement français et de l'Institut Pasteur, Yersin, jeune médecin militaire, se rend à Hong-Kong, pour y étudier la nature de l'épidémie de peste qui y fait rage depuis 1894. Pourvu de moyens dérisoires, il réussit à isoler, le 20 juin, en trois semaines, le bacille de la peste (Yersinia pestis). Il démontre l'identité entre la maladie humaine et celle du rat dont il souligne le rôle comme vecteur de l'épidémie. Au mois de juillet, E. Duclaux communique à l'Académie des sciences la note de Yersin sur la peste bubonique de Hong-Kong.
Création de quatre Instituts Pasteur
En 1895, Yersin est envoyé sur la petite île de Nossi-bé, proche de Madagascar, où il autopsie des malades atteints de fièvre bilieuse hématurique. De retour en France, il poursuit au laboratoire d'E. Roux (Institut Pasteur), avec A. Borrel et A. Calmette, ses travaux sur le bacille de la peste et prépare un sérum antipesteux. Il démontre l'efficacité de ces remèdes sur un séminariste promis à la mort. Puis il obtient une nouvelle mission à Nha Trang, où il installe un petit laboratoire (devenu Institut Pasteur de Nha Trang en 1905) pour y étudier les maladies du cheptel indochinois. Il crée également les Instituts Pasteur de HanoÏ, SaÏgon et Dalat.
Il part pour la Chine en 1896, où il expérimente à Canton, puis à Amoy le sérum antipesteux reçu de l'Institut Pasteur de Paris. Il édifie de nouveaux bâtiments pour son laboratoire de Nha Trang et obtient une concession, à Suoi Giao, pour y créer une station agricole dans laquelle il élève des chevaux pour la fabrication du sérum et implante des races de vaches laitières.
En 1897, il se rend à Bombay (Inde), où la peste vient d'éclater, avec d'importantes provisions de sérum antipesteux. Les résultats des injections sont décevants. Le vaccin, utilisé par W. Haffkine, n'est pas plus efficace. P.-L. Simond, envoyé par l'Institut Pasteur, vient le relayer.
En 1899, il introduit l'arbre à caoutchouc (Hevea brasiliensis) en Indochine. La première récolte de latex est achetée par l'entreprise Michelin en 1904.
De 1902 à 1904, à la demande de P. Doumer, gouverneur général de l'Indochine, Yersin crée et dirige l'Ecole de médecine de Hanoi dont il devient le doyen. Mais il renonce bientôt aux honneurs pour défendre les intérêts du peuple annamite fort méprisé et exploité, épousant une indigène et vivant au sein de la population dans le village de Soui Dau, près du port de Nha Trang (Annam).
Il est nommé mandataire en Indochine de l'Institut Pasteur de Paris et directeur des Instituts Pasteur de Saigon et de Nha Trang en 1904.
Le 16 février 1905 voit le décès de sa mère avec laquelle il a entretenu une correspondance régulière. C'est désormais à sa soeur qu'il adresse ses nombreuses lettres.
En 1908, il fait construire, sur le toit de sa maison de Nha Trang, une coupole abritant une grande lunette astronomique et un astrolabe à prisme.
C'est en 1915 qu'il ouvre une nouvelle station agricole au Hon Ba, et réalise les premiers essais d'acclimatation de l'arbre à quinine (Chinchona ledgeriana) pour produire la quinine nécessaire à l'Indochine.
Il est élu correspondant pour la section de médecine et de chirurgie de l'Académie des sciences en 1916. Il reçoit le Prix Lecomte de cette même Académie (1927).
Yersin devient inspecteur général des établissements de l'Institut Pasteur en Indochine (titre honorifique), N. Bernard devenant directeur des Instituts Pasteur d'Indochine.
En 1934, à la suite du décès de A. Calmette et E. Roux, le conseil d'administration de l'Institut Pasteur crée le Conseil scientifique de l'Institut Pasteur dont A. Yersin devient membre aux côtés de G. Bertrand, J. Bordet, A. Borrel, F. Mesnil, Ch. Nicolle. Il est nommé dans le même temps directeur honoraire de l'Institut Pasteur de Paris dont il vient chaque année présider l'assemblée générale.
Yersin décède le 28 février 1943, dans sa maison de Nha Trang, pendant l'occupation japonaise.
La stèle du tombeau d'Alexandre Yersin est toujours visible à Suoi Dau, à une vingtaine de km de Nha Trang. Malgré tous les bouleversements que le pays a connus, les rues portant le nom d'Alexandre Yersin n'ont pas changé de nom au Vietnam, tout comme les rues Pasteur, Calmette et... Alexandre de Rhodes.
Yersin est à peu près la seule figure de l'époque coloniale qui n'a cessé d'être vénérée au Viet-Nam, où toutes les villes ont des instituts de recherche, des rues, des écoles ou des lycées qui portent son nom. Certains habitants de Nha Trang ont un autel consacré à Yersin, à côté de celui de leurs ancêtres.
Publications en collaboration avec : A. Borrel, L. Bréaudat, A. Calmette, C. Carré, Fraimbault, A. Lambert, Lalung-Bonnaire, E. Roux, P.-L. Simond, A. Vassal.