Portraits d'ardéchois

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Louis-Georges GOUŸ


1854 - 1926


Physicien, enseignant, chercheur

Louis-Georges Gouÿ est un physicien français né à Vals-les-Bains le 19 Février 1854. Après des études au lycée de Tournon et de Lyon et à la faculté des Sciences de Paris, il est élève au laboratoire en 1874-75, y prépare ensuite sa thèse pour le doctorat ès sciences physiques intitulée "Recherches photométriques sur les flammes colorées", soutenue en 1879, il est alors nommé préparateur-adjoint (23 février-14 avril 1880) puis répétiteur (15 avril 1880 - 11 octobre 1883), au laboratoire de Paul Desains, en remplacement de Paul Garbe envoyé à Alger.

Louis-Georges Gouy
Louis-Georges Gouy

Il devient professeur à la faculté des Sciences de Lyon à partir de 1893. Il est incontestable que sa puissance de tavail était considérable et qu'il n'a jamais ménagé sa peine. C'était un chercheur solitaire ayant peu d'élèves. D'un esprit vif, pénétrant, d'une réelle originalité, Gouy s'est montré capable de développer une analyse mathématique rigoureuse des phénomènes qu'il avait découverts. Ces qualités sont celles qui caractérisent les grands savants.

Correspondant de l'Académie des sciences en 1901, il en devient membre non résidant le 28 avril 1913.

L'Institut lui décerna en 1905 le prix La Caze et la médaille Berthelot.

Nommé chevalier de la Légion d'honneur en 1906, il fut promu officier en 1923, et admis à la retraite en août 1925.

Georges Gouy célibataire, très attaché à sa famille, honnête, bon, très cultivé appréciait beaucoup la musique. Sa vie fut centrée sur son activité professionnelle et sur ses recherches. Peu liant, il n'avait qu'un petit nombre d'amis : le géologue Depéret à Lyon et Pierre et Marie Curie à Paris. Après le décès de Pierre Curie, Georges Gouy comme en témoigne une abondante correspondance, conservera avec Marie Curie des relations d'amitié qui malgré l'éloignement subsistèrent pendant de nombreuses années.

On doit à Georges Gouy des découvertes remarquables dans des domaines de la physique traditionnelle en thermodynamique, dans les sciences de la matière et en électricité où il a apporté une connaissance beaucoup plus approfondie de phénomènes déjà connus. Chercheur prolifique, il a publié des dizaines d'articles dans les principales revues scientifiques françaises de son époque.

Optique

Les travaux les plus importants de Georges Gouy se rapportent à l'optique. Ils concernent la vitesse de la propagation des ondes lumineuses dans les milieux dispersifs, la propagation des ondes sphériques de faible rayon et la diffraction éloignée (angles de dispersion atteignant 150°).

Mouvement brownien, thermodynamique de Gouy

Les progrès de l’optique instrumentale ont fourni aux scientifiques des microscopes dont la  qualité est suffisante pour permettre l’étude de nombreux micro-organismes. C’est sous l’un de ces microscopes que le botaniste écossais Robert Brown (1773-1858) installe une lamelle de verre, porteuse d’une petite goutte d’eau, dans laquelle il a dispersé des grains de pollen, objet principal de ses travaux. Il constate que ces grains sont animés d’un mouvement désordonné, incessant, qui semble de plus insensible aux conditions mécaniques externes. Robert Brown, ne trouvant aucune autre explication à ce phénomène, fut conduit à supposer que les grains de pollen avaient une motricité propre. L’histoire lui donnera tort, mais retiendra tout de même son nom : le phénomène sera baptisé “mouvement brownien”.

Le physicien français Jean Perrin décrit ce mouvement erratique : “Ils vont et viennent en tournoyant, montent, descendent, remontent encore, sans tendre aucunement vers le repos.”

Georges Gouy publia en 1888, dans le Journal de Physique un court article sur le mouvement brownien (mouvement incessant des particules microscopiques induit par l'agitation moléculaire) qui eut un retentissement indiscutable puisque dix-huit ans plus tard Albert Einstein s'y référa dans l'important mémoire qu'il consacra à ce phénomène. La première investigation précise sur ce mouvement est due à Gouy écrivait Einstein. En 1937, Emile Picard écrivait également : "le mémoire de Gouy ne doit pas être oublié dans l'histoire des théories moléculaires".

Gouy a également fait une étude détaillée sur le caractère aléatoire du mouvement brownien dans lequel il a démontré que malgré l'irrégularité du mouvement, il y a quand même une certaine cohérence indépendante de toutes les circonstances accidentelles :

1) Le mouvement est extrêmement irrégulier et la trajectoire ne semble pas avoir de tangente.

2) Deux particules browniennes, même proches, ont des mouvements indépendants l'un de l'autre.

3) Plus les particules sont petites, plus leur mouvement est vif.

4) La nature et la densité des particules n'ont aucune influence.

5) Le mouvement est plus actif dans les fluides les moins visqueux.

6) Le mouvement est plus actif à plus haute température.

7) Le mouvement ne s'arrête jamais.

Il fallut en effet attendre 1905 pour que soit publiée la subtile approche théorique d’Albert Einstein, qui consacra une série d’articles au mouvement brownien. Sa démarche faisait intervenir des arguments de thermodynamique mêlés à des considérations de théorie cinétique basées sur la notion de marche au hazard (la marche erratique qu’aurait un homme ivre choisissant à chaque instant de faire un pas dans une direction et un sens totalement aléatoire).

Il énonça le théorème fondamental de la thermodynamique portant sur l'énergie utilisable. (Académie des sciences, 1913.)

Électricité

Si les travaux de Georges Gouy dans le domaine de l'électricité sont moins marquants, on ne saurait les négliger pour autant et les manuels d'électricité en service aujourd'hui font encore mention de certains d'entre eux. C'est ainsi que Gouy réalisa en 1887 une pile dont les qualités justifièrent son emploi comme étalon de force électromotrice.

Il se consacra également à l'étude de la réfraction et de la diffraction des rayons X.

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Georges Gouy n'a fait aucune percée scientifique importante il n'a pas ouvert de nouveaux domaines de recherche, comme les grands scientifiques travaillant aux frontières de la connaissance. Sa fonction fut d'intégrer de nouveaux phénomènes dans les théories déjà connues, d'étendre et de compléter la compréhension plutôt que de l'étendre.

Si son travail n'a pas été aussi important que celui des grands noms de la physique, il fut néanmoins un élément essentiel et nécessaire au développement de la science de son époque.

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Frappé de paralysie, Louis-Georges Gouÿ se retira dans sa maison de Vals-les-Bains où il mourut peu de temps après, le 27 janvier 1926. Son éloge a été prononcé par Émile Picard à l'Académie des Sciences :

« Gouy a été un physicien d'une profonde originalité. On lui doit des découvertes extrêmement remarquables dans les parties de la physique qui avaient fait l'objet d'un nombre immense de travaux, et où il semblait qu'il n'y eût plus qu'à glaner. Un de ses premiers travaux est relatif à la vitesse de la lumière. On admettait alors comme évident que la vitesse de propagation de transport de l'intensité lumineuse se confond avec la vitesse de propagation des ondes individuelles. Il en est bien ainsi dans les milieux privés de dispersion ; mais, comme l'a montré Gouy en 1880, il en est autrement pour les milieux dispersifs où la vitesse des ondes dépend de la période. Dans ces derniers milieux, il faut distinguer entre la vitesse de la lumière, ou du train d'ondes, et la vitesse des ondes. Les conclusions théoriques du jeune physicien furent vivement contestées, mais elles ont été retrouvées un an après par Lord Rayleigh. Ce n'est d'ailleurs qu'à une date relativement récente qu'on a donné, par des expériences faites avec le sulfure de carbone, une vérification expérimentale de la théorie de Gouy. Toutes les mesures directes, méthode de Fizeau et méthode de Foucault, mesurent la vitesse du train d'ondes et non la vitesse des ondes.

Une autre découverte considérable de Gouy est relative à la propagation des ondes sphériques de faible rayon. Par rapport à une onde plane émise en même temps, une onde émanant d'une source ponctuelle prend une avance dont la valeur limite rapidement atteinte est égale au quart de la longueur d'onde. Des considérations analogues s'appliquent aux ondes sphériques convergeant vers un foyer, d'où cette conséquence remarquable que, en franchissant un foyer, la lumière subit une avance égale à la moitié d'une longueur d'onde. Gouy a vérifié expérimentalement ce résultat en répétant l'expérience des miroirs de Fresnel modifiée de manière que l'un des faisceaux passe par un foyer ; la frange centrale est alors noire au lieu d'être blanche.

Non moins importantes sont les études de Gouy sur ce que l'on appelle la diffraction éloignée, c'est-à-dire les cas de diffraction pour lesquels la déviation des rayons est considérable. Dans les expériences ordinaires de diffraction, la lumière n'est plus observable quand la déviation n'est pas très petite. En employant des écrans à bords extrêmement aigus, et en concentrant la lumière au foyer d'une lentille convergente se trouvant sur le bord même de l'écran, on peut avoir des déviations atteignant 150 degrés. Des phénomènes entièrement nouveaux se présentent alors ; en particulier, la lumière diffractée est en rapport intime avec la nature de l'écran, contrairement à ce qu'on observe dans les expériences habituelles.

Toutes ces recherches de Gouy témoignent d'une réelle ingéniosité mathématique en même temps que d'une grande habileté expérimentale. Que de travaux de notre confrère, relatifs à d'autres parties de la Physique, il faudrait encore rappeler, si l'on voulait donner une idée un peu précise de son œuvre. Ce seraient, en électrostatique, des remarques sur le pouvoir inducteur des diélectriques, une étude devenue classique sur certains phénomènes présentés par les tubes de Natterer, qui ont longtemps constitué pour les physiciens des énigmes insolubles, et où Gouy a montré que la pesanteur joue un rôle essentiel. Il faudrait aussi dire un mot de ses travaux relatifs aux effets du champ magnétique sur la décharge dans les gaz raréfiés, de ses études sur l'électrocapillarité, sur le pouvoir émissif et absorbant des flammes colorées.

Le nom de Gouy reste également attaché à l'étude des mouvements browniens. Depuis l'époque où le botaniste Brown avait signalé ce curieux phénomène, on avait émis de divers côtés l'opinion que de tels mouvements étaient peut-être identiques aux mouvements d'agitation prévus par les théories cinétiques. Les observations systématiques de Gouy montrèrent que le phénomène est d'une constance extrême dans son irrégularité, et indépendant de circonstances accidentelles, telles que inégalités de température, trépidations du sol, évaporation du liquide. La conclusion de Gouy universellement adoptée est qu'il y a identité entre le mouvement brownien et celui des molécules dans un gaz. »

Le nom de Georges Gouÿ a été attribué au collège de Vals-les-Bains, le 17 juin 1977, après proposition du conseil d'établissement et accord de la municipalité.

Sources

- "La Nature" n° 2708 du 27 février 1926

- "La Tribune" du 23 décembre 2010

- Conférence de M. Joseph Janin, Professeur honoraire de Physique à l'université Claude Bernard Lyon 1er

- Éloge de Gouy par Émile Picard dans Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des Sciences, 182 (1926), 293-295.