James Bertram Collip est né le 20 novembre 1892 à Belleville dans l'Ontario, d'un père fleuriste, Collip fait des études brillantes de physiologie et de biochimie à l'Université de Toronto, couronnées avec succès en 1916 par un doctorat en biochimie, et s'engage dans une longue carrière de chercheur en médecine. En 1921, âgé de 29 ans, il est déjà professeur depuis un an, spécialisé dans la chimie du sang et intéressé depuis longtemps par les extraits tissulaires. À l'automne 1921, Collip est en congé sabbatique de l'Université de l'Alberta et travaille avec J.J.R. MacLeod à Toronto.
Sa grande joie est de veiller tard la nuit à doser, filtrer, isoler, et purifier diverses substances mystérieuses.
Découverte de l'insuline
Connaissances de l'époque
La présence de sucre dans l’urine de certaines personnes a été remarquée dès la plus haute antiquité. Le Papyrus égyptien d’Ebers, daté de 3000 ans à 1500 ans avant notre ère, donne la première description écrite des symptômes du diabète sucré, notamment le besoin irrépressible de boire et des urines abondantes. À la même époque, en Chine, ces symptômes sont également décrits dans les traités de médecine et, en Inde, deux médecins, Suçruta et Charaka, au Ve siècle après J.C., utilisent une méthode originale pour diagnostiquer la maladie : ils découvrent que l’urine des malades attire les fourmis, comme le miel.
Hippocrate n'en fait pas mention, Aristote s'y est intéressé. Le médecin grec Arétée de Cappadoce lui donne le nom de diabêtês (en grec signifie: "je passe à travers"), et pense que la maladie a son origine dans l'estomac. Galien s'y intéresse également et pense que c'est une maladie des reins. Avicenne fait le lien avec certaines gangrènes. Paracelse fait mention des mêmes symptômes et montre que l’évaporation de l’urine des malades laisse un dépôt cristallin.
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En 1674, Thomas Willis trouve que l’urine des patients diabétiques a un goût sucré et qu'elles laissent un résidu d’évaporation. C'esà lui que l’on doit le nom latin du diabète sucré, "diabetes mellitus" (qui a un goût de miel).
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En 1776, Dolson isole le sucre des urines ; la réaction des sels de cuivre (liqueur de Fehling) permet de mesurer la glycosurie. Il montre que ce n’est pas seulement l’urine des diabétiques qui contient du sucre mais aussi le sérum sanguin dont il isole un dépôt ayant le goût du sucre.
- C'est à la fin du XVIIIe siècle que le médecin écossais John Rollo propose un régime alimentaire. Ce dernier ayant remarqué que la quantité de sucre présente dans l’urine de son patient dépendait de son alimentation, et demande à son patient de tenir un carnet de surveillance de son alimentation et de suivi de sa maladie, ce qui se fait encore aujourd’hui.
- Apollinaire Bouchardat (1809-1886), pharmacien et chimiste français qui présida l’Académie de médecine et la Société de pharmacie, publie en 1875 "De la glycosurie ou diabète sucré, son traitement hygiénique" et préconise lui aussi ce type de régime alimentaire qui restera le seul traitement proposé aux diabétiques jusqu’au début du vingtième siècle.
- En 1855, Claude Bernard, montre que la glycémie reste pratiquement constante, quelle que soit l’alimentation ; il décrit le rôle du foie qui met le glucose en réserve sous forme de glycogène ("amidon animal"), et peut le retransformer en glucose ; il pressent que la glycosurie n’est qu’un symptôme et pas la maladie elle-même ; il fait du diabète "un trouble général de la nutrition".
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Plus près de nous, en 1869, le médecin allemand Paul Langerhans (1847-1888) remarque que le pancréas contient, à côté des cellules sécrétant le suc pancréatique, d’autres cellules, regroupées en îlots auxquels son nom reste attaché. Il faudra cependant attendre 1901 pour que le médecin américain Eugène Lindsay Opie (1873-1971) remarque, à l’autopsie de malades diabétiques, que leurs îlots de Langerhans sont détruits. - Mais le lien entre pancréas et diabète sucré n’est établi expérimentalement qu’en 1889, lorsque les médecins allemands, Oskar Minkowski (1858-1931) et Josef Von Mering (1849-1908), montrent que l’ablation du pancréas chez un chien provoque le diabète sucré.
- Il n’est pas sans intérêt de rappeler qu’un physiologiste français, M. Ed. Gley, avait dès 1891 indiqué la voie où devaient s’engager plus tard avec succès ses confrères canadiens, et avait préparé le premier des extraits de pancréas dont la glande externe avait subi un processus de sclérose. Seules des difficultés matérielles (insuffisance d’installations et de personnel) l’obligèrent à abandonner ces recherches, que des successeurs mieux équipés ont eu l’honneur de mener à terme.
- En août 1921 : un professeur roumain, Nicolas Paulesco, montre que, chez un chien rendu diabétique par pancréatectomie, l’injection intra veineuse d’un extrait pancréatique (qu’il appelle Pancréïne) provoque une diminution de l’hyperglycémie et parfois même une hypoglycémie. Il décrit la durée d’action de cet extrait. En raison des effets secondaires (forte irritation locale par voie sous cutanée), Paulesco ne fait pas d’essai chez l’homme.
- En décembre 1921 : Charles Gardin établit qu’un extrait pancréatique de porc, administré par voie veineuse à six sujets humains, dont quatre diabétiques, diminue la glycémie.
L'idée de Banting
En octobre 1920, F. G. Banting eut l'idée que le pancréas pouvait être une glande mixte ayant en plus de la fonction exocrine (de sécrétion d'enzymes agissant sur la digestion), une fonction endocrine (de production d'une hormone par les ïlots de Langerhans capable de réguler la glycémie). Il voulait le démontrer ert surtout extraire et purifier l'hormone pour l'utiliser dans le traitement du diabète.
En mai 1921, sous la direction de Macleod, et dans les locaux que celui-ci a mis à leur disposition, Banting et Best, qui sont deux jeunes chercheurs de 28 et 22 ans, entreprennent des recherches.
L'INSULINE est une hormone hypoglycémiante sécrétée par les cellules bêta des îlots de Langerhans du pancréas. C'est un polypeptide de 51 acides aminés, à deux chaînes reliées par de ponts disulfures, de PM = 5808.
C’est une hormone hypoglycémiante qui induit la mise en réserve. Elle agit sur les 3 métabolismes, avec une prédominance sur celui des glucides.
a. Métabolisme des glucides :
- au niveau du foie, elle favorise la synthèse du glycogène hépatique aux dépens du glucose. Elle inhibe la glycogénolyse et la néoglucogenèse (synthèse du glucose à partir de précurseurs non glucidiques);
- au niveau des muscles, elle favorise la pénétration du glucose sanguin dans la cellule et la formation du glycogène musculaire. Il en est de même pour les autres tissus consommateurs du glucose, le tissu adipeux et le foie;
- au niveau des reins, elle favorise la réabsorption active du glucose.
b. Métabolisme des protides
L’insuline s’oppose au catabolisme protidique et à la néoglucogenèse protidique par
- augmentation du passage dans la cellules des acides aminés,
- stimulation de l’anabolisme protidique.
c. Métabolisme des lipides
L’insuline s’oppose à la lipolyse et à la néoglucogenèse lipidique par inhibition de la libération des acides gras par le tissu adipeux.
Sous la direction de Macleod
Frederick Banting veut se consacrer à l'étude de la maladie et cherche un lieu pour le faire. Son patron, le Professeur Miller, le présente au Professeur Macleod, professeur de physiologie à l'Université de Toronto et ayant acquis peu à peu une réputation internationale d'expert en métabolisme des glucides et en physiologie générale. Macleod hésite, pensant que Banting n'est pas suffisamment expérimenté; puis il met finalement à sa disposition pour huit semaines, un laboratoire, un assistant et dix chiens.
En mai 1921, le professeur Macleod présente à Frederick Banting un de ses étudiants les plus brillants. Il s'agit de Charles Best, qui a alors 22 ans et qui a quitté les États-Unis pour étudier la médecine à Toronto. Dès que Best obtient son diplôme de premier cycle, les deux hommes commencent à travailler ensemble.
Sur la piste de l'insuline
Durant l'été de 1921, afin de faire avancer leurs recherches, ils font de nombreux tests sur des chiens, en profitant de l'expérience et des conseils du professeur Macleod. Ils avaient réussi à isoler une substance prélevée sur des pancréas de chien et à l’injecter à d’autres chiens dont on avait enlevé le pancréas. Les expériences sommaires de Banting et Best ne confirment pas le concept de départ, incorrect physiologiquement.
Le Dr Banting présente un rapport préliminaire sur la découverte devant le "Physiological Journal Club de Toronto", le 14 novembre 1921.
Le 2 décembre 1921, un jeune diabétique de 14 ans très gravement atteint, Léonard Thomson, est hospitalisé en urgence à l’Hôpital Général de Toronto. Il ne pesait plus que 65 livres (30 kg) et sa vie ne tenait plus qu’à un fil. Son diabète avait été diagnostiqué deux ans auparavant. À l’époque, on savait que tous étaient condamnés à mourir très rapidement. À l’hôpital, Leonard Thomson avait une diète limitée à 450 calories par jour et pourtant ses glycémies atteignaient facilement 28 mmol/l et il était toujours en acidocétose. Les médecins ne lui donnaient que quelques semaines à vivre
Collip rejoint l'équipe de Banting, Best et Macleod
Fredeick Grant Banting insiste auprès de MacLeod pour que J. B. Collip rejoigne l'équipe de recherche qui travaille sur la sécrétion interne du pancréas, car les travaux d'isolement des extraits pancréatiques avancent et il faudra nécessairement isoler les produits en quantité suffisante ce que Banting et Best ne sont pas qualifiés à réaliser.
Collip comprend le premier que les extraits de pancréas préparés par Banting et Best abaissaient la glycémie du lapin normal, et pas seulement celle du chien diabétique. Il se servira de cette propriété pour tester la puissance de ces extraits. Il commence à travailler à raffiner des extraits et à en produire des quantités suffisantes pour les essais cliniques. Il travaille dans un laboratoire à part, assez loin de celui de Banting et Best qui subissent des déboires dans l'isolement de la sécrétion pancréatique.
Collip contribue au projet en fabriquant, en janvier 1922, par des méthodes personnelles, un extrait pancréatique purifié, dont les impuretés sont enlevées mais qui contient toujours l'agent antidiabétique puissant, non toxique permettant à un chien diabétique de former du glycogène dans son foie, tout en faisant baisser considérablement la glycémie.
C'est aussi Collip qui le premier reconnaît, devant des convulsions déclenchées chez le lapin par des injections d'extraits pancréatiques, qu'il s'agit d'hypoglycémie. Il prouve son hypothèse en traitant l'animal par administration d'une solution de glucose. Il est clair que sans les travaux de Collip la purification de l'insuline et sa fabrication industrielle n'auraient probablement pas réussi.
L'expertise de Collip en tant que biochimiste se révèle capitale dans cette recherche, surtout lorsqu'il découvre, en janvier 1922, la façon de produire un extrait pancréatique antidiabétique non toxique. Collip produit la première insuline pouvant être utilisée sur l'homme.
La première injection à l'homme, 11 janvier 1922
Malgré des résultats très sommaires, Banting et Best ne rêvent qu’à une chose, c’est de faire de l’expérimentation humaine. Par exemple, ils ne savaient pas que l’insuline donnée en trop grande quantité peut causer des hypoglycémies sévères. Ils parlent de leur découverte à des médecins de l’hôpital. Le 11 janvier 1922, la première injection est donnée à Leonard Thomson. Selon le médecin qui fait l’injection, le liquide épais est de couleur brune, ce qui indique bien la présence d’autres substances. Des analyses sont faites le lendemain. La glycémie est tombée de 24,5 à 17,8 mmol/l. Dans les urines, il y a bien entendu encore beaucoup de sucre qui passe. La première injection est donc un demi échec.
Macleod et Collip n’ont pas été mis au courant des intentions de Banting et Best. Ils sont donc surpris et furieux d’avoir été gardés dans l’ignorance. Collip considère qu’il peut obtenir une insuline plus pure et leur dit qu’ils auraient dû attendre avant de se lancer dans l’expérimentation humaine. Selon l’historien Michael Bliss, auteur du livre La découverte de l’insuline, Collip aurait même parlé de faire breveter la purification du produit et d’abandonner le groupe. Ce n’est qu’après de difficiles et orageuses discussions que les quatre chercheurs ont décidé de ne pas avoir recours au brevet, mais bien de partager leurs connaissances avec les autres chercheurs.
La deuxième injection à l'homme, 23 janvier 1922
Le 23 janvier 1922, après avoir testé à plusieurs reprises son insuline, Collip se sent prêt à reprendre les injections sur Thomson. Cette fois-ci, il s’agit d’un véritable succès.
Douze jours après la première injection, ils administrent une dose de leur "sérum" à Leonard Thomson. La santé du jeune homme s'améliore presque immédiatement après le traitement. Sa glycémie passe de 28,9 à 6,7 mmol/L. À peu près plus de sucre dans les urines. Les deux jours suivants, Leonard ne reçoit pas d’extrait; la glycémie monte. Dans les semaines qui vont suivre, on lui en administra tous les jours. Il reprend du poids et de la force. Les découvreurs savent qu’ils viennent de faire une grande découverte.
Les résultats sont indiscutables : l'extrait de pancréas a un effet antidiabétique important sur les humains. C'est un triomphe magnifique : l'extrait contient les sécrétions internes du pancréas, et il rétablit les fonctions métaboliques normales des personnes atteintes de diabète. Le nouvel extrait est nommé insuline.
Les chercheurs décident donc de faire des tests sur d'autres malades et obtiennent des résultats tout aussi probants. Les injections d'insuline permettent pour la première fois de contrôler le taux de glycémie des diabétiques. Bien que le traitement ne guérisse pas la maladie, il va donner une nouvelle vie à des millions de diabétiques.
Publications
Les expériences concluantes de Banting et Best, au cours de l'été 1921, convainquent Macleod d'appuyer et d'étendre la recherche. Après le rapport préliminaire publié par Banting le 14 novembre 1921 dans le Physiological Journal Club de Toronto. L'article le plus important paraît dans le "Journal of Laboratory and Clinical Medicine" du 7 février 1922 et presque en même temps l'ensemble de l'étude est présenté à l'Académie de Médecine de Toronto sous le titre : La sécrétion interne du pancréas.
L'insuline est décrite et publiée dans le Journal of Laboratory and clinical Medicine de mai 1922 sous le titre Pancreatic extracts. Il est curieux de noter qu'on ignore la raison qui fit adopter le mot "insuline" car Banting et Best avaient proposé le mot identique mais anglais d'"isletin". Le responsable du choix historique est probablement Macleod.
Toutefois, de sérieuses disputes avec Banting, ajoutées aux difficultés de produire l'insuline en laboratoire, obligent Collip à retourner en Alberta à la fin de son année sabbatique. Il est, avec C.H. Best et F. G. Banting, l'un des premiers détenteurs de brevet pour l'insuline
Prix Nobel "partagé" de Physiologie ou Médecine
En 1923, Banting et Macleod reçoivent le prix Nobel de Physiologie ou de Médecine. Best et Collip qui ne sont pas nominés, recevront cependant chacun une partie de la somme attachée au Prix Nobel; Banting partage sa part avec Best, Macleod partageant la sienne avec Collip.
Après la grande découverte, les membres de l'équipe de recherche n'ont plus guère de contacts entre eux
Chercheur en endocrinologie
Collip se lance dans la recherche en endocrinologie et devient l'un des premiers à isoler l'hormone parathyroïde. En 1928, il succède à A.B. Macallum comme professeur de biochimie à l'Université McGill, où, pendant la décennie suivante, lui et ses étudiants mènent la recherche en endocrinologie, s'attaquant à l'isolation et à l'étude des hormones ovariennes et gonadotropes. Figure dominante de la recherche médicale au Canada pendant la guerre, Collip est doyen de la faculté de médecine à l'Université Western Ontario de 1947 à 1961. Homme d'action sans cesse en mouvement, Collip se révèle être le meilleur scientifique de l'équipe travaillant sur l'insuline et celui qui, par la suite, effectue la contribution la plus significative à la recherche médicale. Il ne recherche pas les honneurs et ne parle que rarement de la découverte de l'insuline. Dans les années 30, il se lie d'amitié avec Banting.
Reconnaissances (liste partielle)
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Fellow of the Royal Society of Canada, 1925
- Fellow of the Royal Society, 1933
- D.Sc., Harvard University, 1936
- Commander of the Order of the British Empire, 1943
- D.Sc., Oxford University, 1946
- Medal of Freedom avec Silver Palm (US), 1947
- Banting Medal de l' American Diabetes Association , 1960
- Docteur Honoraire de l' University of Western Ontario, 1964
James Collip est décédé le 19 juin 1965 à London en Ontario.