Le Nouveau Monde : les grands personnages

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Marie Joseph Paul Yves Roch Gilbert Motier
marquis de Lafayette*

1757-1834

Militaire et homme politique français

Depuis sa défaite en 1763 ("Guerre de sept ans"), la France cherchait une occasion de prendre sa revanche. L'opinion française était plutôt favorable à la cause américaine. Le marquis de Lafayette s'engage en 1777 dans la guerre d'Indépendance contre les britaniques - " héros des deux mondes" - il sera l'un des artisans de l'Alliance Franco-Américaine.
* Le marquis signait ses lettres "Lafayette" en un mot dès 1776, et non à partir de 1789 comme on le croit souvent.

Jeune orphelin et héritier

Marie Joseph Paul Yves Roch Gilbert Motier, marquis de Lafayette est né le 6 septembre 1757 au château de Chavaniac (Haute-Loire) en Auvergne. Il est issu d'une famille noble et choisit de suivre, - comme son père Gilbert Michel Louis Christophe Roch Motier, colonel de grenadiers, tué le 1er août 1759, par un boulet anglais à Minden en Allemagne - une carrière militaire. Il fait ses études au collège du Plessis (actuel lycée Louis-le-Grand), et habite un appartement au Palais du Luxembourg à Paris. A la mort de sa mère en 1770, puis de son grand-père le marquis de La Rivière, la même année, il hérite d'une fortune assez considérable (dont 120.000 livres de rente).

Carrière militaire, mariage

En avril 1771, il débute une carrière militaire au service des mousquetaires Noirs du Roi. En février 1773, il entre à Versailles au service du duc de Noailles, il côtoie les enfants de la famille royale, le comte d'Artois et le futur Louis XVI. Trois mois plus tard il est nommé lieutenant aux Dragons de Noailles. Il est promu au grade de capitaine, alors qu'il n'a pas 17 ans. Le 11 avril 1774, dans la chapelle de l'hôtel de Noailles à Paris, il épouse Adrienne de Noailles, fille du duc d'Ayen et Pair de France, et se retrouve allié à l'une des plus puissantes famille de France.. Ils auront quatre enfants : Henriette (1775 - 1777), Anastasie Pauline (1777 - 1863) épouse du général Marie Charles César Florimond de Fay de La Tour Maubourg, George Washington Louis Gilbert (1779 - 1849) dont le parrain est George Washington, futur président des Etats-Unis et Marie Virginie (1782 - 1849) épouse de Louis de Lasteyrie.

Au cours de l'été 1774, il part en manœuvre à Metz; il est de retour à Paris en septembre. Le jeune couple fréquente les bals de la Cour et mène une vie mondaine. Mais Lafayette se sent mal à l'aise dans ce milieu frivole et médisant. Loin des salons, il fréquente l'auberge de "L'épée de bois" en compagnie de membres de l'aristocratie éclairée avec lesquels il agite des idées audacieuses et anticonformistes; ces idées seront celles qui présideront, dix ans plus tard aux prémices de la Révolution Française.

Au cours de l'été 1775, il rejoint son unité à Metz en compagnie de son beau-frère, le vicomte de Noailles. Le commandant de la place était alors le comte de Broglie qui avait vu mourir le père du jeune marquis.

Le dîner de Metz

Le 8 août 1775, lors d’un repas organisé par Charles-François comte de Broglie (membre du cabinet "Secret du Roi") avec le duc de Gloucester, frère du roi d’Angleterre George III, Lafayette et quelques autres francs-maçons, découvrent la révolte des Insurgents, pour lesquels la guerre d'Indépendance a été déclenchée 4 mois plus tôt. Or, il se trouve que le duc de Gloucester était également franc-maçon, mais qu'il était farouchement opposé à la politique américaine de son frère. Les révélations de Gloucester énumérant le détail des premiers affrontements de Lexington et Concord, de la mise en place d'un Congrès Continental, déclenchent chez de Broglie le désir irrépressible d’aller outre-Atlantique se venger de l’Angleterre et chez Lafayette celui de s’accomplir, en tant qu’officier, au service d’un lointain mais noble idéal. Que l’adversaire soit la Grande-Bretagne n’est pas pour déplaire au jeune marquis: il dira plus tard à Vergennes que "nuire à l’Angleterre, c’est servir (oserai-je dire c’est venger) ma patrie."

Premier voyage de Lafayette en Amérique

Les motivations, les circonstances du départ, le financement et le devenir de la cargaison du premier voyage du jeune marquis de Lafayette, âgé de 19 ans, suscitent encore des interrogations. Ses Mémoires et sa correspondance en partie codée demandent parfois à être interprétées ou remises dans leur contexte. Mais il est quasiment certain que les préparatifs de son équipée transatlantique n’auraient pas été possibles sans l’assistance du comte de Broglie, sans ses réseaux et sans sa longue expérience des opérations secrètes.

Engagement auprès des Insurgents

Silas Deane avait été envoyé en France en avril 1776, par le Congrès américain, comme diplomate, pour recruter des officiers et acheter des armes et des équipements. A Paris il engage des négociations avec le Ministre Vergennes et avec Beaumarchais. La Fayette affirme lui avoir proposé sa candidature. Mais il fallait trouver de l'argent et armer un navire. L’affaire n'a pas été simple et aujourd’hui encore, il reste de nombreuses contradictions et invraisemblances.

A partir de juin 1776, Gilbert Motier est sans emploi à la suite d’une réorganisation de son régiment, il ne parvient pas à s’intéresser à la vie de cour; mais il n’a aucune réelle expérience militaire. Depuis juillet 1776, Louis XVI, par l’intermédiaire de Beaumarchais, soutient en secret les Insurgents. Le duc d’Ayen, beau-père de Gilbert Motier, et le vicomte de Noailles, son beau-frère, envisagent également de s'engager mais les défaites des Insurgents entre août et novembre 1776 (bataille de Brooklyn, perte de New York, bataille de Morningside Heights, bataille du lac Champlain, bataille de White Plains, prise de Washington Heights) dé́couragent de nombreuses volontés. Le duc d’Ayen renonce ainsi que Noailles; quant à Lafayette, fidèle aux idéaux de Liberté, l’annonce de la Déclaration d’Indépendance des colonies anglaises d’Amérique (4 juillet 1776) et la nouvelle des désastres essuyés par les Insurgents le confirment dans sa résolution de se battre aux côtés de cette jeune nation. Louis XVI désavoue officiellement les engagements de la noblesse française.

La Fayette, soutenu par le comte de Broglie, signe en secret le 7 décembre 1776 un engagement comme "major général" dans l’armée américaine mais sans prétendre à aucune solde. Le même mois, Louis XVI interdit officiellement le départ pour l’Amérique des navires de Beaumarchais, "la Saine" et "l’Amphitrite", pourtant armés par les services secrets français. Néanmoins, l’aide aux Insurgents se poursuit, désireux de favoriser tout ce qui pourrait affaiblir l'ennemie héréditaire de la France, elle doit échapper aux espions anglais.

Il en résulte fausses lettres, vraies et fausses déclarations, désinformations qui déroutent encore aujourd’hui l’historien.

Des ambitions contradictoires

Pour résumer, Lafayette, gauche et timide, est tiraillé entre les influences du duc d’Ayen et du comte de Broglie dont les ambitions sont contradictoires. Plus ou moins méprisé par le premier, un beau-père brillant courtisan et qui s’était illustré pendant la guerre de Sept ans, il ne sait pas comment en obtenir l’appui pour son projet américain. En revanche, le comte de Broglie, grand ami de son père et de son oncle, tous deux morts au combat, le soutient; l’engagement de Lafayette chez les Insurgents pouvant servir ses propres ambitions. Le comte de Broglie, déjà chef des services secrets sous Louis XV, est un farouche opposant de l’Angleterre. En demi-disgrâce sous Louis XVI, il imagine de devenir le généralissime des Insurgents qui ne disposent d’aucun général professionnel. Pour cela, il a recruté un état-major qui doit préparer sa venue. Kalb est à la tête des officiers. D’origine allemande, Kalb doit toute sa carrière à de Broglie sous les ordres duquel il s’est illustré dans les services secrets et comme combattant. Son rêve, comme celui de Broglie et de Lafayette, est de devenir en France maréchal de camp. Servir en Amérique est le moyen d’obtenir cette promotion. A la demande de Broglie, Silas Deane a donné ce grade dans l’armée "Insurgente" à La Fayette et à Kalb mais le blocage des navires de Beaumarchais a fait échouer un premier départ de Kalb pour l’Amérique. Il faut trouver un autre navire, celui que propose Lafayette serait parfait.

Un prix démesuré

"Parmi mes discrets confidents, je dois beaucoup à M. Guy Dubois-Martin secré́taire du comte de Broglie, et au comte de Broglie lui-même, dont le cœur, après de vains efforts pour m'arrêter, me suivit avec une tendresse paternelle" affirme Gilbert Motier, sans mentionner cependant un autre Dubois-Martin, François-Augustin, frère du secrétaire de Broglie et qui va embarquer à ses côtés.

François–Augustin Dubois-Martin,frère cadet de Guy, lieutenant dans le régiment de Port-au-Prince, est chargé secrètement par Broglie de préparer sa venue aux Etats-Unis. Il est le seul des officiers de Broglie à avoir une expérience maritime et commerciale, il annonce le 11 février 1777 avoir trouvé à Bordeaux un vaisseau de 268 tonneaux "La Clary", Lafayette affirme que c’est à sa demande que le bateau est rebaptisé "La Victoire". Dubois-Martin a également engagé un capitaine, Le Boursier, pour une traversée prétendument commerciale à destination de Saint-Domingue; et selon l’habitude de l’époque, c’est ce dernier qui embauche l’équipage. Quelque temps après l’achat de "La Victoire", le comte de Broglie s’était rendu sur place afin de donner des instructions précises au capitaine Le Boursier : «il abat sa carte maîtresse [et] sort de sa poche un ordre en bonne et due forme d’interdiction d’aller au Cap [c’est-à-dire au Cap français à Saint-Domingue], mais de se rendre à Charlestown : ordre secret du roi ».

François-Augustin Dubois-Martin, cadet de famille, n’a en aucun cas les moyens d’acheter un navire, d’autant que s’y ajoute une cargaison, ce qui porte l’investissement total à 112 000 livres, une somme exorbitante. Ce n’est pas La Fayette mais le comte de Broglie qui régla le premier versement de 26 000 livres, le beau-frère de Dubois-Martin, Pierre de Larquier, prêtant les 3 000 livres tournois manquantes.

Embarquement rocambolesque : Londres, Bordeaux, Ruffec, Pasajes

Une chose est certaine, pour tromper le duc d’Ayen et les espions anglais, Lafayette part le 16 février pour Londres, où le frère du duc d’Ayen est ambassadeur. Après avoir été reçu par la cour anglaise, y compris par George III, Gilbert Motier s’échappe pour la France. Le 16 mars, il est à Paris, et avec Kalb part pour Bordeaux.

Kalb et Lafayette arrivent à Bordeaux le 19 mars et signent l’acte d’embarquement le 22 mars avec leurs domestiques et les autres officiers. C’est seulement à ce moment que Gilbert Motier rencontre les armateurs Basmarein et Raimbaux.

Le 26 mars, "La Victoire" appareille avec Kalb et Dubois-Martin à son bord, mais mouille deux jours plus tard à Los Pasajes le port de Saint-Sébastien. Cette escale n’a aucun sens pour qui veut aller aux Etats-Unis. Il est exact que Gilbert Motier, à peine débarqué à Saint-Sébastien, saute sur un cheval pour se rendre à Bordeaux. Selon ses Mémoires, la colère du duc d’Ayen à qui il a exposé ses intentions aurait failli le faire renoncer à son voyage. Les proches de Lafayette sont furieux ou en larmes, il est convaincu que la police est à ses trousses. Une lettre de cachet aurait même été envoyée par le roi pour lui interdire son départ – personne cependant n’en a vu la trace. Un instant découragé et prêt à rentrer dans le rang, finalement, Gilbert Motier, bravant le duc et « au nom d’une liberté que j’idolâtre », repart de Bordeaux, il va vers le 10 avril, saluer le comte de Broglie à Ruffec, lequel l’exhorte à ne rien changer au plan prévu : « Louis XVI ne bouge pas », lui confie-t-il, et toute « cette histoire est l’œuvre du clan Noailles. »

Lafayette de son côté fait mine de se rendre à Marseille pour y rejoindre son beau-père chargé par la Cour d’une mission en Italie. Mais au premier relais il bifurque vers Bayonne et l'Espagne et rejoint, "La Victoire".

La cargaison de "La Victoire"

L’escale à Saint-Sébastien n’aurait-elle pas servi principalement pour compléter un chargement d’armes ? Le navire et la cargaison cessent alors d’intéresser les biographes.

Or des archives privées provenant des descendants du comte de Broglie confirment que l’expédition a bien coûté au moins 112 000 livres, financée par Broglie, par Kalb, et par La Fayette, mais qu’une partie de ces fonds seraient venus de Louis XVI. Deux choses sont sûres. Lafayette ne sera majeur qu’en 1782. Il ne peut signer les traites sans l’accord de son avocat Gérard, et du duc ou de la duchesse d’Ayen. Pour aller en Amérique, il n’a pas besoin d’une cargaison, or celle-ci existe. Lafayette y a investi au moins 40 000 livres tournois, Dubois-Martin, au nom de Broglie, la même somme, et Kalb, le solde. Le comte de Ségur nous apprend que la cargaison était essentiellement composée d’armes et de munitions. Selon certains calculs, il y avait au moins 5 000 fusils à bord. D’où viennent-ils ? Les fusils et autres armes étaient en vente libre car les négriers les achetaient par centaines pour les vendre en Afrique. Beaumarchais a été fourni en fusils par les arsenaux royaux dont celui de Bordeaux. Or le maréchal de Mouchy, gouverneur de Bordeaux, est le frère du duc d’Ayen et Lafayette a été reçu chez lui. Enfin, Broglie, qui habite Ruffec (aux environs de Bordeaux), possède une forge de canons et de boulets en Saintonge. C’est du château de Broglie à Ruffec que La Fayette repart pour l’Espagne afin d’appareiller. Enfin, le Pays basque espagnol était renommé pour ses fabriques d’armes et le roi d’Espagne venait de donner deux millions de livres à Beaumarchais pour acheter des armes pour les Insurgents.

Un voyage difficile

Le vrai départ a lieu le 26 avril 1777 à la marée montante, en semi-clandestiné avec quelques compagnons, enthousiastes comme lui, douze officiers dont : le commandant Pierre-Charles L'Enfant*, l'Allemand Johannes Kalb*, Chevalier du Buysson*, Jean-Joseph Soubadère de Gimat* , le comte de Mauroy*, Louis Saint-Ange de La Colombe*, Jean Capitaine*, Pierre du Rousseau de Fayols (ou Fayolle)*.

Le voyage dura près de sept semaines, Lafayette eut le mal de mer pendant trois semaines : "Ici, les jours se suivent et qui pire est, se ressemblent. Toujours le ciel, toujours l’eau et puis le lendemain c’est la même chose."

Il arrive le 13 juin 1777 à South Inlet près de Georgetown en Caroline du Sud.

Ayant échappé au blocus anglais, le 18 juin, "La Victoire" entra dans le port de Charleston, alors modeste ville de 12 000 habitants. La cargaison fut vendue par l’intermédiaire de Cribbs et May, correspondants de Basmarein, l'armateur bordelais. Le navire fut immédiatement rechargé. Dans ses Mémoires, Lafayette indique qu'en ressortant du port, le 24 juin, "La Victoire" fait naufrage dans la rivière de Charleston; mais ne fait aucune allusion à la vente de la cargaison.

Là, Lafayette se repose une semaine avant de prendre la route pour Philadelphie. Il a 900 miles (1448 km) à parcourir d'abord en cabriolet, puis Lafayette et sa suite termineront à cheval après avoir brisé les voitures et n'arriveront que le 27 juillet après un voyage interminable et éprouvant, de plus d'un mois à cheval, il arrive à Philadelphie, où le Congrès est en session. La froideur de l'accueil est peu conforme à ce qu'il avait imaginé.

Deux jours plus tard Lafayette adresse au président du Congrès (John Hancock) un bref "billet":

"D’après mes sacrifices, j’ai le droit d’exiger deux grâces : l’une est de servir à mes dépens, l’autre est de commencer à servir comme volontaire."

Le 31 juillet, le Congrès décide de nommer Lafayette major général "en considération de son zèle, de l’illustration de sa famille et de ses alliances."

Lafayette se retrouve général alors qu’il n’a pas vingt ans et n’a de sa vie ni tiré ni essuyé le moindre coup de feu !

Lafayette armateur ?

Quelle était la composition et la valeur de cette cargaison du retour ? Le professeur Patrick Villiers met en avant un dossier conservé dans les archives La Grange-Bléneau (AD de Seine-et-Marne) pour donner une réponse. Dans une première lettre, Mme d’Ayen ordonne à l’avocat Gérard de faire assurer la cargaison retour de "La Victoire", pour une valeur de 100 000 livres tournois. Et, en bas de cette lettre, un post-scriptum, signé par Adrienne, l’épouse de Lafayette, mentionne : "Je n'ai rien à ajouter Monsieur à la lettre de maman. Vous sentirez aussi bien que nous tous l’importance qu’il est de ne pas manquer le courrier de demain et de ne pas exposer par là M. de Lafayette à perdre un capital de 150 à 200 000 livres tournois. dont nous serons alors assurées de tout événement."

La première lettre est primordiale. Elle confirme que Lafayette avait bien l’intention de vendre à Charleston la cargaison chargée en Europe. Une autre lettre du même dossier nous apprend que la cargaison retour était du riz, destinée probablement à être revendue à Saint-Domingue. Les autres lettres voient Mme d’Ayen chercher à récupérer le montant de l’assurance auprès de Basmarein. Sachant que Beaumarchais estime qu’une cargaison de France se vendait au moins trois à quatre fois son prix à Charleston, Le professeur Patrick Villiers affirme donc que la cargaison de la Victoire a été vendue au moins 350 à 400 000 livres. Si La Fayette possédait 40 000 livres de la cargaison allé de la Victoire, cette part de la cargaison se serait vendue au moins 120 000 à 150 000 livres. Nous savons par le naufrage qu’une partie, les 100 000 livres assurés au nom de Lafayette, a été convertie en riz, troc habituel à l’époque, le reste de la vente en lettres de change sur les négociants américains. Kalb et Dubois-Martin ont également vendu leurs parts. Il serait resté au moins 50 000 livres tournois à Lafayette. On comprend mieux le don de 27 000 livres tournois du marquis aux Insurgents de Charleston et surtout pourquoi Lafayette n’a demandé aucune solde pour être au service du Congrès : « Je viens servir à mes dépens », affirme-t-il à ce Congrès qui finit par l’accepter comme major général. Lafayette n’est donc pas aussi ignorant des réalités économiques qu’il a cherché à le faire croire dans ses Mémoires. L’affaire de "La Victoire" fut longue à régler car, de son côté, Gilbert Motier avait également fait assurer la cargaison auprès de Cribbs. Pour éviter un double règlement, les négociants français et américains finirent par s’entendre.

Les lettres de Lafayette sont dispersées entre les fondations, les universités et les collectionneurs. Les lettres économiques n’ont pas beaucoup intéressé les biographes, cependant elles éclairent mieux le financement de la campagne 1777-1778 de Lafayette aux côtés des Insurgents. Non seulement il finança une partie du déplacement des autres officiers mais il équipa les soldats américains qui lui furent confiés auprès de la bataille de Brandywine. Selon un document de l’avocat Gérard, Lafayette aurait engagé près de 300 000 livres  de dépenses en 1777 (armement de la Victoire inclus), les profits sur la revente de la cargaison n’ont donc pas couvert ces dépenses.

Un rôle mérite d'être souligné : celui de la duchesse d’Ayen. Si Lafayette n’avait pas voulu prévenir Adrienne enceinte de sept mois de son départ, le professeur Villiers est persuadé que Lafayette avait en revanche averti cette redoutable femme d’affaire de son projet d’armement pour l’Amérique. Le dossier d’assurance de "La Victoire", même s’il est incomplet, semble abonder dans ce sens.

Lafayette membre de l'état-major Insurgent

Gagné à la cause de la jeune nation américaine par son ami Benjamin Franklin, Lafayette s'était pris d'une affection quasi filiale pour le général Washington dont il devient membre de son état-major. La confiance absolue des deux hommes l'un envers l'autre, sera déterminante dans le choix de Lafayette pour cette mission capitale sur les plans militaire, diplomatique et commercial.

"C'est à l'heure du danger que je souhaite partager votre fortune", lancera-t-il alors aux insurgés.

Nommé major général de l'Armée Américaine par résolution spéciale du Congrès du 31 juillet 1777, le lendemain il est présenté à George Washington à l'occasion d'un dîner, ce qui sera le début d'une longue amitié entre les deux hommes : d’instinct, Washington aima "en lui le fils qu’il n’avait pas eu" tout comme Lafayette aima en Washington, comme auparavant en Broglie, l’image d’un père trop tôt perdu.


Grades:
Major-général
Lieutenant général
Général de division
Conflits:
• Guerre d'Indépendance Des États-Unis d'Amérique
• Guerres de la Révolution
Faits d'armes :
- Bataille de Brandywine, le 11 /09/1777
- Bataille de Gloucester, le 25/11/1777
- Bataille de Barren Hill, le 20/05/1778
- Bataille de Monmouth, le 28/06/1778
- Bataille de Rhode Island, le 29/08/1778
- Bataille de Yorktown, le 17/10/1781

Lafayette participe à la guerre d'Indépendance, et reçoît le baptême du feu le 11 septembre 1777 à la bataille de Brandywine (perdue par les Insurgents) au cours de laquelle il est blessé à la jambe.

Bataille de Saratoga

Le 17 octobre 1777, les Insurgents des Treize Colonies anglaises d'Amérique remportent leur première victoire à Saratoga, non loin de New York. Les premiers combats des Insurgents contre l'armée anglaise s'étaient soldés par des échecs. Mais le talent stratégique de leur général en chef, Georges Washington, et le soutien de jeunes nobles venus d'Europe allaient changer le cours des événements. L'armée du Général Burgoyne venue du Canada, est menacée de mourir de faim. C'est ainsi que le général doit faire sa reddition à Saratoga. L'effet psychologique de cette médiocre victoire est immense en Amérique comme en Europe.

Le 25 novembre 1777 Lafayette est vainqueur de 400 Hessois à Gloucester.

En décembre 1777 le général George Washington a décidé d'établir ses quartiers d'hiver à Valley Forge en Pennsylvanie. Accompagné du général français La Fayette et plus tard par le baron prussien von Steuben qui le rejoindra le 23 février, Washington conduit ses 11 000 hommes à ce qui devait être leur « abri » d'hiver. C’est là, que les liens entre Washington et Lafayette vont se renforcer, au point que bientôt aucun n’aura pas de mots assez forts pour exprimer l’admiration pour l'autre. Il semble que leur commune appartenance à la franc-maçonnerie ait joué à cet égard un rôle déterminant.

Entre décembre 1777 et mars 1778, une "expédition manquée" au Canada est organisée; mais trop médiocrement préparée, elle est abandonnée.

Le roi de France, Louis XVI, saisit l'occasion pour prendre une revanche sur l'ennemie héréditaire, la perfide Albion. Son gouvernement signe le 6 février 1778 un traité de commerce avec le vieux Benjamin Franklin, qui représente les Insurgents. Un deuxième traité, signé le même jour, leur assure l'aide militaire de la France. Grâce à la flotte française, aux volontaires de Lafayette et au corps expéditionnaire de Rochambeau, les Insurgents se trouveront enfin en situation de vaincre l'Angleterre.

Battu à Barren Hill le 18 mai 1778, Lafayette fait une habile retraite . Après l’évacuation de Philadelphie par les Anglais, il est chargé de harceler ces derniers et bat Clinton à Monmouth le 28 juin 1778.

Sans arrêt en mouvement, Lafayette est bientôt, malgré son jeune âge et une robuste constitution, au bord de l’épuisement. En novembre 1778, il tombe malade et doit rester alité un mois. Désenchanté après les revers terrestres et navals subis par les forces américaines. Il écrit qu'il ne voudrait pas manquer "une descente vengeresse en Angleterre". Enfin, après une absence longue et mouvementée, il manifeste le désir de retrouver son épouse qui a dû quelque six mois plus tôt faire face à la mort de leur fille aînée, Henriette, âgée d'à peine trois ans.

Le Congrès lui a d’ailleurs accordé un congé et s’est engagé à lui faire remettre, à Versailles, par Benjamin Franklin, une épée d’honneur. Le président du Congrès, Henry Laurens, envoie une chaleureuse lettre de recommandation à Louis XVI lui-même.

Le rôle militaire de Jafayette est interrompu pendant une période de 6 mois par George Washington qui le missionne en France, pour convaincre le roi de France d'envoyer un véritable corps expéditionnaire.

Lafayette embarque donc à Boston, le 11 janvier 1779, sur une frégate américaine de 36 canons au nom prédestiné "L’Alliance". En route, se produit une mutinerie, qui avait prévu de livrer Lafayette dans un port britannique, que La Fayette contribuera à mater. Au terme d’une traversée rapide, il débarque à Brest le 6 février 1779. Dès le 12 février, il est reçu à Versailles par Vergennes et Maurepas, le premier jouant  désormais les premiers rôles auprès de Louis XVI en matière de politique étrangère, pour que soit apporté toutes les aides possibles aux troupes de l'Union bien démunies face aux bataillons Anglais.

En juin 1779 il se trouve en garnison à Saint-Jean-d'Angely, près Rochefort.

Deuxième voyage (départ) en Amérique

L'Hermione
L'Hermione

L' "Hermione"

Lafayette, ce jeune homme de 23 ans, arrive à Rochefort le 9 mars 1780, il se présente le vendredi 10 mars 1780 à 10 heures, en "mission particulière", pour embarquer pour son deuxième voyage aux États-Unis, à bord de "L'Hermione", frégate neuve de la Royale de "26 de 12", à l'abri au Port des Barques. La frégate est à peine vieille d'un an et vient d'achever une première campagne contre l'Angleterre, en guerre avec la France depuis 1778. Ensemble ils vont incarner la lutte pour l'indépendance de l'Amérique et le vent de liberté, attisé par la rivalité franco-anglaise, qui souffle sur la cour de Louis XVI.

Avec la "Frégate des Lumières", le marquis de Lafayette, apportait aux Insurgents du nouveau continent un vent de liberté... commandée par Louis de La Touche, lieutenant de vaisseau, mouillée à l'abri au Port-des-Barques, avec un stock de six mois de vivres, l'artillerie principale a été complétée, 313 hommes d'équipage, il est prévu en outre le chargement d'un ballot de 4.000 habits d'uniformes destiné aux États-Unis.

Le vaisseau appareille dans la nuit du 14 au 15 mars 1780, mais ce sera un faux départ :

"Dans la nuit du 14 au 15 mars L'Hermione met cap sur l'Amérique Le matin du 15, à 40 lieues dans l'ouest, la grande vergue a cassé brutalement Le commandant de bord décide donc de relâcher à l'Ile d'Aix Une chaloupe est dépéchée sur Rochefort pour ramener une vergue qui sera au plus vite mise en place et garnie de sa toile et ce n'est que le 20 mars à 8 heures du soir que l'on met à la voile par légère brise de Sud-Est"

Le 21 mars 1780, l’Hermione filait toutes voiles dehors vers le nouveau monde. N'ayant pu obtenir le commandement du Corps Expéditionnaire que l'on confie à Rochambeau, La Fayette vient en annoncer la prochaine arrivée à Washington et préparer l'accueil.

"Le 27 avril la côte américaine se dévoile. L'Hermione se met à l'abri de la tempête dans le petit port de Marbleheat à 16 miles de Boston. La Fayette expédie sans tarder une lettre au Général Washington. : "Je suis ici, mon cher Général, et au milieu de la joie que j'éprouve à me retrouver un de vos fidèles soldats, je ne prends que le temps de vous dire que je suis venu de France à bord d'une frégate que le Roy m'a donné pour mon voyage... J'ai des affaires de la dernière importance que je dois communiquer à vous seul... Adieu, vous reconnaîtrez aisément la main de votre jeune soldat..."

L'Hermione entre en rade de Boston le 28 avril 1780 après 38 jours de traversée. Elle salue de 13 coups de canon les couleurs américaines portées par le fort de l'Ile du Château qui lui rend la politesse par autant de décharges d'artillerie. Sur les quais, la foule manifeste bruyamment par des cris d'allégresse et des tirs de mousquetterie. Lafayette débarque à 13 heures suscitant une liesse encore plus vive. L'équipage le salue de trois "Vive le Roy" enthousiastes. L'Hermione l'honore de trois coups de canon. Il quittera définitivement le bord le 2 mai 1780 pour se rendre à Morristown dans le Jersey afin de rejoindre le Général George Washington.

Le 4 mai 1780, La Touche reçoit à bord de l'Hermione les personnalités les plus distinguées de la ville et les membres du Conseil de l'Etat du Massachusetts : Mrs Hancook, Adams, Cooper, Beaudwine et le Général Heath. Le soir, au cours du repas, 12 "santés" sont portées, ponctuées par des décharges d'artillerie dont le nombre est codifié par un protocole rigoureux : le Roy de France, les Treize Etats de l'Union, la Reine de France, le Congrès Américain, le Roy d'Espagne, sont salués successivement de 21 coups de canon. Le Général Washington est honoré de 17 coups de canon. L'Armée Américaine, l'Alliance, le succès de la campagne, la mémoire des tués au combat, la Marine Américaine en recevront 13. Enfin Lafayette est également gratifié de 13 décharges, nombre qui a été laissé à l'appréciation de La Touche.

Le lendemain 5 mai, ce sont les dames de la Ville à qui l'on fait les honneurs de la frégate
Lafayette est porteur d'un message du roi Louis XVI à George Washington:

"le roy voulant donner aux Etats-Unis un nouveau témoignage de son affection et de son intérêt pour leur sûreté, s'est résolu à faire partir au commencement du printemps, un secours de six vaisseaux de ligne et d'environ cinq milles hommes de troupes réglées d'infanterie"

L'opération militaire qui aboutira à l'Indépendance Américaine se prépare. Le débarquement des régiments de France a lieu à Newport le 11 juillet 1780. Le 7 août 1780, il prend le commandement d’une unité d’élite de l’infanterie légère, les riflemen, "espèces de chasseurs à demi sauvages, moitié infanterie, moitié cavalerie", composée de 2.000 hommes.

Le 5 janvier 1781, la ville de Richmond en Virginie est incendiée par les forces navales britanniques, commandées par Benedict Arnold

En mai 1781, l'Hermione reçoit à son bord le Congrès américain, pour fêter la bataille du cap Henry, du 16 mars 1781, (dites aussi première bataille de Chesapeake).

Après une guerre d’escarmouches au printemps 1781 en Virginie, Lafayette occupe Richmond et Williamsburg que l’Anglais Cornwallis évacue le 4 juillet 1781.

À l'été 1781,le général Lafayette avait été informé par Washington de garder ses forces vives et l'informait de l'équipement de Cornwallis, le personnel militaire, et les stratégies futures. Lafayette envoya plusieurs espions pour infiltrer le camp de Cornwallis, mais aucun ne s'est avéré capable de produire des informations utiles pour lui jusqu'à ce qu'il reçoive des rapports d'Armistead en date du 31 Juillet, 1781. Les informations contenues dans ces rapports ont permis à Lafayette de piéger les Britanniques à Hampton. Plus tard les rapports d'Armistead ont aidé les Américains à gagner la bataille de Yorktown, et inciter les Britanniques à se rendre.

Le 5 septembre 1781, se déroule la bataille de Chesapeake entre la flotte du contre-amiral britannique Thomas Graves et celle du contre-amiral français François Joseph Paul de Grasse. La précision des tirs français endommagent suffisamment six vaisseaux britanniques pour forcer Graves à rompre le combat et à s’esquiver. La victoire de la flotte française empêche la Royal Navy de secourir les forces du général Charles Cornwallis à Yorktown. Vingt ans après le désastre de la guerre de Sept Ans et la perte de l'empire français d'Amérique du Nord, la France tient sa revanche.

Washington et Rochambeau, soutenus par l’escadre de de Grasse, viennent aider La Fayette à assiéger Cornwallis dans Yorktown, à partir du 28 septembre 1781. La ville capitule le 19 octobre 1781, ce qui entraîne l’indépendance des Etats-Unis, reconnue par l’Angleterre le 30 novembre 1782. A l'issue du combat il déclara :

"Humanity has won its battle. Liberty now has a country."

Le retour de Lafayette s'effectue de Boston le 23 décembre 1781, sur l'Alliance la même frégate qu'au précédent retour, mais cette fois le capitaine est John Barry. Il arrive à Lorient le 18 janvier 1782, le retour est triomphal. Cornwallis a capitulé, des négociations de paix vont s'amorcer. De retour en France La Fayette fût promu maréchal de camp dans l’armée française, après une épopée de un an, onze mois et quinze jours, mais ses opinions politiques l’éloignent de toutes responsabilités nationales.

Le 24 novembre 1782, il partit pour Brest, d'où il fit voile vers Cadix. Au sud de l'Espagne, l'amiral d'Estaing rassemblait une extraordinaire flotte franco-espagnole de 66 vaisseaux, destinée à attaquer les Anglais aux Antilles, puis en Amérique. La Fayette fut nommé chef des états-majors combinés des deux pays. Mais l'armada ne prit jamais la mer, les Anglais ayant engagé, avec les Américains et les Français, des négociations qui aboutirent à des préliminaires de paix. Notre marquis regagna la France, en passant par Madrid, où il joua un rôle qui lui était familier, celui d'ambassadeur des États-Unis.

Il écrivit à Washington cette curieuse lettre :

“ A présent, mon cher général, que vous allez goûter quelque repos, permettez-moi de vous proposer un plan qui pourrait devenir grandement utile à la portion noire du genre humain . Unissons-nous pour acheter une petite propriété où nous puissions essayer d'affranchir les nègres et les employer seulement comme ouvriers de ferme. Un tel exemple, donné par vous, pourrait être généralement suivi, et, si nous réussissions en Amérique, je consacrerais avec joie mon temps à mettre cette idée à la mode dans les Antilles. Si c'est un projet bizarre, j'aime mieux être fou de cette manière que d'être jugé sage pour une conduite opposée.”

Étonnante prémonition! L'esclavage ne sera aboli aux États-Unis que 82 ans plus tard, en 1865, à la fin de la guerre de Sécession .

Au mois de mai 1783, Louis XVI le fait chevalier de Saint-Louis, ce qui est une marque de faveur exceptionnelle pour un gentilhomme de son âge (il a 26 ans).

Troisième voyage aux États-Unis

C'est en 1784 (il n'a que 27 ans ! ) qu’il accepte l’invitation de George Washington à lui rendre visite. Il fait le voyage à bord du "Courrier de New York" , qui assure le premier service régulier de paquebot entre les deux nations. il embarque de Lorient le 30 juin 1784 et arrive à New Yorl le 4 août 1784. La nouvelle capitale de la jeune nation l'acclame. Il se rend pour la seconde fois à "Mount Vernon" (la résidence personnelle de Washington); seule occasion où il s'y soit retrouvé avec celui qui fut pour lui un père adoptif. C’est un voyage triomphal dont les échos renforcent sa popularité en France. Partout il était reçu au son des cloches et du canon.  Entre deux hommages, ses déplacements étaient accompagnés par la musique des fifres et des tambours.

Heureux, mais un peu las, et la tête bourdonnante, il arriva enfin, le 17 août, à Mount Vernon, où Washington l'attendait. Il allait passer là, dans le domaine de son ami, deux semaines qui compteraient parmi les plus belles de sa vie.

Lafayette demanda la liberté pour Armistead auprès de la Virginia General Assembly en 1784, il ne l'obtint qu'en 1787. En hommage à son bienfaiteur James Armistead prit le nom de Lafayette.

Ce troisième voyage dure quatre mois. Il revient en France à bord de "La Nymphe", frégate française de 32 canons, qui part de New York le 21 décembre 1784 et arrive à Brest Brest le 20 janvier 1785.

En 1785 Lafayette avait acheté une terre "La Belle Gabrielle" dans la colonie française de Cayenne (aujourd'hui la Guyane). Près de 70 esclaves y travaillaient. Lafayette qui les avait achetés avec la propriété les émancipera, les paiera pour leur travail et interdira qu'on les vende. Lorsqu'il fut emprisonné en 1792, sa propriété fut confisquée et les noirs revendus comme esclaves.

Révolution Française

Député de la noblesse de Riom (Auvergne) aux États généraux en mars 1789, Lafayette est élu, le 13 juillet 1789, vice-président de l’Assemblée.

Il propose une déclaration européenne des Droits de l'homme et au lendemain de la prise de la Bastille, le 15 juillet 1789, il est élu commandant de la Garde Nationale de Paris composée de 48.000 citoyens.

Dès le lendemain, 16 juillet, l'Assemblée des Electeurs de Paris ordonne que ce château fort soit démoli par tous les districts de Paris, sous l'inspection du district de Saint-Louis-de-la-Culture. Cet ordre est aussitôt proclamé par les trompettes de la ville dans tous les carrefours de Paris, au nom de M. de Lafayette, commandant-géneral de la Garde Nationale. Les travaux furent poursuivis sans interruption jusqu'au 15 mai 1791. Ils étaient dirigés par un personnage singulier, le « patriote » Palloy.

Le vendredi 17 juillet 1789, trois jours après la prise de la Bastille, Louis XVI, accompagné de quelques courtisans, quelques gardes du corps et de 32 députés tirés au sort, se rend à l’Hôtel de ville de Paris où il reçoit la cocarde tricolore aux couleurs de la ville de Paris, des mains de Lafayette.

Marquis de Lafayette, 1791
peint par Joseph Court, château de Versailles
Marquis de Lafayette 1791

Les journées des 5 et 6 octobre 1789 voient un cortège de parisiennes arriver à Versailles. La Fayette arrive au château à 22h30 avec ses gardes nationaux trempés par la pluie et épuisés par la marche. Le général présente au roi la demande de retour à Paris de la famille royale. La Fayette retourne alors à l'Assemblée et lui assurant qu'il avait la situation en main, obtint de celle-ci qu'elle lève séance. Le 6 octobre le roi se rend à Paris, aux Tuileries, escorté par les gardes nationaux, des gardes du corps et des gardes suisses désarmés, ainsi que Lafayette escortant le carrosse royal.

Selon l'historien Etienne Taillemite : "Les journées d'octobre constituent un des épisodes les plus discutés de la vie de La Fayette et furent l'occasion pour ses ennemis de répandre sur lui les calomnies les plus dépourvues de fondement. Certains n'ont pas hésité à lui faire porter la responsabilité de ces scènes d'émeute et des graves menaces qui pesèrent sur la vie royale".

Toutefois, ses multiples hésitations et la conjuration de ses ennemis le conduisent à faire voter la loi martiale (21 octobre 1789)

Partisan d’une révolution modérée, soucieux du respect de l’ordre, fidèle au roi, mais promoteur d’une monarchie constitutionnelle, il est violemment attaqué par Danton et Marat. il devient le personnage le plus considéré de France (la fête de la fédération le 14 Juillet 1790 marque le zénith de sa carrière politique).

Le 28 février 1791, il repousse à Vincennes des émeutiers et sauve ainsi de la destruction, le donjon du château. Lieutenant général le 30 juin 1791, nommé commandant des forces armées de la capitale au mois d'octobre. Il est responsable de la mort d'une cinquantaine de personnes lors de la fusillade qui réprimera la manifestation républicaine du Champ-de-Mars le 17 juillet 1791, il perd alors l'estime et la considération du peuple.

Commandant l’armée du Centre le 20 avril 1792, mais voyant que la vie du couple royal est de plus en plus menacée, il s'oppose au parti jacobin, avec l'intention d'utiliser son armée pour établir une monarchie constitutionnelle.

Commandant l’armée du Nord le 11 juillet 1792, il est relevé de son commandement le 19 août 1792, déclaré comme traître à la nation, et pour éviter sa condamnation, il quitte la France mais il est arrêté par les Autrichiens qui, le considérant comme un homme dangereux, le font incarcérer à Magdeburg, Neisse et Olmutz (où le rejoignent sa femme et ses enfants). Libérés en 1797 mais condamnés à l’exil ils ne rejoignent la France que fin novembre 1799 avant d'être rayé de la liste des émigrés (1800).

La Fayette se prononce contre le Consulat à vie et contre l’Empire.

Du 18 Brumaire an VIII (9 novembre 1799) aux Journées de Juillet 1830

Rentré d’exil après le coup d'état, il se retire dans la propriété de sa femme de La Grange-Bléneau. Diminué physiquement, Lafayette reste éloigné du pouvoir et de Napoléon dont il condamne les excès.

Il se rallie aux Bourbons, à la première restauration (4 juin 1814), mais rapidement déçu par Louis XVIII, il reprend le chemin de sa propriété. Toutefois, il s’oppose à Napoléon lors des Cent-Jours, il devient l’un des chefs de l’opposition. A l’annonce du désastre de Waterloo, il participe aux négociations de paix avec les alliés. Député de Seine-et-Marne en mai 1815, il est élu vice-président de la Chambre des représentants le 4 juin 1815. Membre de l’opposition libérale sous la seconde restauration (8 juillet 1815).

 

Député de la Sarthe en octobre 1818 puis de Seine-et-Marne de septembre 1819, Lafayette doit une fois de plus se retirer à La Grange-Bléneau tout en conservant des liens avec la politique comme député de Meaux (1822. Il commet l’erreur politique de rejoindre la conspiration de la Charbonnerie (refus du retour des Bourbons en France), en 1821, mais il est un des rares à ne pas être arrêté à la découverte du complot. Il est battu aux élections de 1823. Politicien actif, il est malgré tout battu aux élections de 1824.

A son retour en France, après son voyage aux États Unis, il est réélu député de Meaux en juin 1827 et en juillet 1830. Il participe activement à l’insurrection de Juillet 1830, mais il refuse la création d’une république dont on lui offre la présidence. Il rejoint le parti des orléanistes et contribue à l’accession au trône de Louis-Philippe.

Il est nommé Commandant de la Garde nationale lors de la révolution de 1830, il reçoit Louis-Philippe à l'Hôtel de Ville de Paris puis milite dans la gauche dynastique. Cependant il s’oppose rapidement au roi, et rompt avec lui.

Quatrième et dernier voyage aux États-Unis : le Farewell Tour

Marquis de Lafayette en 1825, par Harris Matthew.
Marquis de Lafayette en 1825

A 67 ans, Lafayette repart pour les Etats-Unis à l’invitation du président James Monroe. C'est donc son quatrième et dernier voyage, une grande tournée triomphale. Il est accompagné par son fils Georges Washington de Lafayette (1779 - 1849). Reçu en "hôte de la nation", Lafayette visite 182 villes dans les 24 Etats de l'époque en treize mois (du 16 août 1824 au 8 septembre 1825). Il parcourt 6.000 miles (9656 km) en diligence, à cheval, en péniche et bateau à vapeur. Il est le premier étranger à s'adresser aux deux Chambres du Congrès.

Il a quitté la France au Havre, sur un navire marchand américain, "Le Cadmus", le 12 Juillet, 1824; il arrivera à Staten Island, New York, le 15 août 1824.

Il sera reçu comme un véritable chef d'Etat. Les Américains sont d'autant plus enthousiastes qu'ils s'apprétent à célébrer le cinquantenaire de la déclaration d'Indépendance. Lafayette est pour eux un symbole, le témoin et l'acteur encore vivant de l'épopée nationale, le compagnon de Washington, de John Adams, de Thomas Jefferson, de James Madison, les quatre premiers présidents des Etats-Unis.

Partout où il passe, Lafayette est accueilli par des discours patriotiques émouvants, des banquets, des cadeaux en tout genre, des rencontres inattendues. Des milliers de personnes s'empressent pour le saluer. "Welcome to La Fayette", proclament les banderoles. Le maire de New York lui déclare : " Le peuple des Etats-Unis vous chérit comme un père vénéré ; la patrie vous considère comme son fils le plus aimé. " Ailleurs, on lui montre avec quel dynamisme les Etats Unis se sont renforcés depuis son premier séjour. De New York à Boston, à Philadelphie, des bals et des réceptions honorent sa présence. Les loges maçonniques, parmi lesquelles trente-sept portent son nom, se disputent sa présence. Thomas Jefferson et James Madison célèbrent ses mérites.

Lafayette fait un pèlerinage sur les champs de bataille. Il ne manque pas d'aller visiter la résidence de Washington à Mount Vernon. Là, il descend seul dans la crypte où repose le père fondateur de la nation. Il remonte les marches les larmes aux yeux. De Mount Vernon il se rend à Williamsburg et Yortown; là, dans la foule il reconnait et embrasse James Armistead Lafayette, le noir libre qui a adopté son nom de famille pour honorer le marquis, et qui a été le premier espion noir américain ayant travaillé au profit de Lafayette.

Bien entendu, le président Monroe lui ouvre les portes de la Maison Blanche. Son successeur, John Quincy Adams, le fils de John Adams, chante ses louanges. Le Congrès lui fait don de 200 000 dollars et d'un terrain de 10 000 hectares à Tallahassee en Floride. Seule fausse note : Lafayette manifeste une relative bienveillance à l'égard des esclaves noirs, alors que les Etats-Unis sont déjà plongés dans un débat sur l'esclavage qui débouchera sur la guerre civile, dite de Sécession.

Lafayette prononce les paroles qu'il faut. Son émotion est sincère. Nulle part ailleurs il n'a rencontré une telle affection. Il ne peut que remercier avec lyrisme. Les Américains ont construit un navire baptisé en son honneur "Brandywine", en souvenir de la bataille qui fut pour le tout jeune général son baptéme du feu. C'est sur ce bâtiment que le vieil homme rentre en France, tandis que chacun des Etats de l'Union le salue une dernière fois.

Il quitte l'Amérique de Chesapeake, le 8 septembre 1825 à bord du "Brandywine", navigue sur le Potomac avant de gagner la mer, pour atteindre Le Havre le 3 octobre 1825. Il s'agit d'une frégate neuve de 60 canons, dont le capitaine est John Minor Morris, mise par le Congrès à la disposition de La Fayette, à l'occasion de son 68ème anniversaire. Il rapporte dans ses bagages une caisse contenant de la terre américaine, qui sera répandue sur sa tombe, au cimetière de Picpus.

Fin de vie

La Fayette, contribue à établir une monarchie constitutionnelle; dans l'opposition sous Charles X et éphémère commandant de la Garde Nationale en 1830 sous Louis-Philippe, celui-ci pour se débarrasser de lui, l’amène à démissionner de son commandement à la fin de décembre 1830 .

Lafayette meurt le 20 mai 1834 à Paris, il y est enterré au cimetière de Picpus (Paris 12e) où il repose aux côtés de son épouse Adrienne de Noailles, décédée en 1807. La terre qu'il avait rapportée d'Amérique fut jetée sur son cercueil. La France lui rendit hommage, mais moins que les États-Unis, qui décidèrent un deuil national de trente jours. Par la suite, chaque année, le Congrès fit renouveler le drapeau étoilé planté à côté de sa tombe. Et devant cette tombe, le 4 mai 1917, le colonel Stanton, évoquant l'entrée en guerre de l'Amérique aux côtés des Alliés, prononça le mot fameux : "Lafayette, we are here". (Lafayette, nous voici).

Cimetière de Picpus :

Erigé dans les jardins de l’ancien couvent des chanoinesses de Saint-Augustin, le cimetière de Picpus est un lieu chargé d’histoire. Plus de 1300 personnes guillotinées durant la Terreur en 1794 place la de la Nation (appelé à l’époque place du Trône renversé) furent ensevelies dans deux fosses communes du cimetière Picpus. Les noms des personnes enterrées se trouvent sur les murs de la chapelle. Racheté par les familles des condamnés, le lieu devient un cimetière privé. C’est ainsi qu’y fut enterré en 1834 le marquis de La Fayette, héros de la guerre d’Indépendance des Etats-Unis, à côté de sa femme, dont les sœurs et la mère reposent dans les fosses communes.

Tous les 4 juillet jour de sa fête nationale, l’ambassade des Etats Unis vient au cimetière rendre hommage à Lafayette.

La reconstruction de l'Hermione

L'Hermione a sombré en 1793, au large du Croisic, à la suite d'une erreur de navigation de son capitaine. Deux siècles plus tard, le 4 juillet 1997 - date anniversaire de l'indépendance américaine, - a débuté, à Rochefort, la reconstruction de l'Hermione qui permit à Lafayette, en 1780, de rejoindre les insurgents américains en lutte pour leur indépendance. Après dix ans de travail la coque est enfin achevée. En 2011, la copie à l'identique (un trois mâts de 65 mètres de long et de 40 mètres de haut), devrait être mise à l'eau par l'association Hermione - Lafayette qui projette de lui faire traverser l'Atlantique en 2012.

Reconnaissances - Éponymes

- Le nom de La Fayette est inscrit en colonne 03 (2e ligne) du pilier nord de l'Arc de Triomphe. Il figure aussi parmi les 39 personnages identifiés, sculptés dans la frise de 137 m autour de l’Arc de Triomphe.

- Paris a nommé du vivant de La Fayette, en 1830, une rue Lafayette dans les 9e et 10e arrondissements. Au début de cette rue se trouvent les Galeries Lafayette, grand magasin aux succursales multiples.

- Lyon a un cours Lafayette (69003) et un pont La Fayette.

- Marseille (13001) a une rue Lafayette,

- Clermont-Ferrand un boulevard La Fayette,

- Nancy une place La Fayette,

- Poitiers une avenue La Fayette,

- Nantes une rue du général de La Fayette,

- Toulon un cours La Fayette.

- Bordeaux, Brest, Grenoble, Lille, Limoges, Mulhouse, Nice, Nîmes, Orléans, Rennes, Strasbourg, Toulouse, Tours, Versailles ont une rue La Fayette.

- Aux États Unis, 27 villes, 11 comtés au moins et un parc national portent le nom de Lafayette : Lafayette en Californie, au Colarado, en Indiana, au Kentucky, en Louisiane, dans le Minnesota, dans le New Jersey, dans l’état de New York, en Ohio, en Oregon, au Tennessee, dans le Wisconsin, Fayetteville en Arkansas, en Caroline du Nord, en Georgie, en Ohio, au Tennessee, au Texas, La Fayette en Alabama, en Georgie, dans l’Illinois, Fayette au Mississippi, West Lafayette en Indiana, en Ohio, le mont Lafayette dans le New Hampshire, en Pennsylvanie, le lac Lafayette dans le Missouri, sans compter les comtés, les municipalités, les collèges et autres lieux publics portant le nom de Lafayette. La ville de Washington lui a dédié un square devant la Maison Blanche. Auguste Bartholdi sculpta une statue de La Fayette à la fin du XIXe siècle pour la ville de New York. Inaugurée en 1876, elle se trouve aujourd'hui dans Union Square Park.

- Le 8 août 2002, il a été élevé à titre posthume citoyen d'honneur des États-Unis d'Amérique, un privilège rare n'ayant été accordé auparavant qu'à quatre reprises dans l'histoire américaine (mère Teresa, William et Hannah Penn, fondateurs de la Pennsylvanie à la fin du XVIIe siècle, Raoul Wallenberg, qui a sauvé de la déportation des milliers de Juifs hongrois, et Winston Churchill).

 

- Le premier voyage de La Fayette en Amérique par Patrick Villiers Professeur des Universités - Université du littoral-Côte d'Opale - Cols Bleus n° 2839 du 8 septembre 2007.

-La Fayette: le héros du Nouveau Monde par André Kaspi, dans Historia

- Journal de bord de l'Hermione