Harvey Williams CUSHING

1869-1939

Neurochirurgien américain

Les premières réalisations neuro-chirurgicales postulaient plusieurs conditions préalables : une parfaite connaissance de l'anatomie et de la physiologie nerveuses, une grande rigueur dans la localisation clinique des lésions, des progrès adéquats dans la technique opératoire, dans les modalités anesthésiques et les soins post-opératoires. C'est ce que sut faire Harvey Williams Cushing.

Harvey Williams Cushing est né le 8 avril 1869, à Cleveland, dans l'État de l'Ohio (États-Unis), il est le sixième fils des dix enfants (dont sept vivants) de Henry Kirke Cushing et de Betsey Maria Williams Cushing.

Fils, petit-fils et arrière-petit-fils de médecin du côté paternel, il est donc le représentant de la quatrième génération de cette discipline dans la famille. Il est originaire d'ancêtres puritains que l'on retrouve en Nouvelle Angleterre depuis 1638.

Années d' études

Etudiant il préfèrait le sport, les activités pratiques et l'art plutôt que les livres. Il s'intéressa tardivement à la médecine Après des études au "Collège de Yale", le jeune homme intègre en 1891, en même temps que son frère Edward, la "Harvard Medical School" dont il ressort diplômé, avec mention Assez Bien, en 1895. En 1894, il s'est rendu en visite à Londres pour la première fois, il y rencontre Jonathan Hutchinson et Thomas Barlow.

Pour son premier poste il est Chirurgien Officier au Massachusetts General Hospital, de Boston. Là, en collaboration avec Ernest Amory Codman, il développe dès 1894, alors qu'il était encore étudiant, sa première contribution à l'histoire de la chirurgie, "The ether chart", inflencé par la mort d'un patient au cours d'une intervention. Ceci donnait de brefs détails du patient et de l'opération et permettait à l'anesthésiste et au chirurugien de suivre l'état du patient pendant toute l'intervention et d'enregistrer en continu le pouls, la respiration et la température. Cette innovation a entrainé une réduction considérable du taux de mortalité provoquée par l'anesthésie. Puis Cushing et Codman collaborèrent sur l'utilisation clinique des rayons X, récemment découverts par Röntgen (décembre 1895) .

John Hopkins Hospital 1896-1912

En 1896, à 27 ans, Cushing poursuit sa carrière en devenant assistant résident du nouveau Harvey Cushing 1900 "Johns Hopkins Hospital" fondé en 1889 à Baltimore, où il passe quatre années comme assistant auprès de William Stewart Halstead, un des plus éminents chirurgiens américains, afin de compléter sa formation. Cushing fut peu impressionné à la fois par la ville de Baltimore et par l'hôpital - "the hospital is a very sloppy place and the work of everyone most unsystematic, i.e. on the surgical side. Dr. Hallsted has only operated once this month and rarely appears. Hope things clear out or I can't stand it" - écrit-il dans une lettre à sa famille. Il habitait près de chez William Osler et une sincère amitié s'installa entre les deux hommes.

Là, il reçoit l'influence des premiers professeurs de la nouvelle école de médecine à travers entre autres William Osler, William Henry Welch à la chaire de pathologie et Howard Atwood Kelly responsable de l'obstétrique. Stimulé par ces hommes, l'esprit agité et curieux de Cushing et son énorme capacité de travail trouvent sa pleine capacité d'expression. Il s'y familiarise avec nombre de techniques chirurgicales de précision et commence à collectionner les anciens livres médicaux, à l'image de son maître à penser William Osler.

En 1898, Cushing fait sa première expérience de médecine militaire et de chirurgie en faisant face aux soldats souffrant la plupart du temps de la fièvre typhoïde, qui ont été évacués à Baltimore pendant la guerre hispano-américaine à Cuba. C'est à cette occasion qu'il écrivit deux articles sur la perforation de l'intestin dans la typhoïde.

Voyage en Europe

Après avoir fini son stage à John Hopkins, le jeune Cushing s'envole bientôt pour quatorze mois en Europe. A Berne où il a expérimenté sous la direction de Theodor Kocher sur le rapport entre la tension artérielle systolique et la pression crânienne. À Berne toujours il a également travaillé avec Hugo Kronecker sur les effets de l'augmentation de la pression intra-crânienne et son rapport avec l'élévation de la tension artérielle qui l'accompagne. De Berne il se rend en Angleterre, pour travailler avec Victor Horsley à Londres, et pendant un mois à Liverpool il a participé aux expériences de Sir Charles Scott Sherrington sur le cortex moteur du singe. L'aspect le plus important de sa visite fut, peut-être, que William Osler passait également l'été 1900 en Angleterre, et c'est pendant cette période que commença l'amitié entre Cushing et Osler qui devait se poursuivre jusqu'à la mort d'Osler. A l'occasion de ce voyage Cushing se rend également en France, en Allemagne et en Italie.

En 1902, Cushing est de retour au John Hopkins Hospital dans le rôle du professeur cette fois, d'anatomie chirurgicale, il organise également un laboratoire de chirurgie expérimentale dans lequel les jeunes étudiants s'entrainent sur des chiens. C'est à ce moment qu'il commence à se tourner vers la chirurgie neurologique, son attention étant particulièrement tournée pendant les trois années suivantes sur les tumeurs pituitaires. Il fut le premier américain à se consacrer à plein temps à la chirurgie neurologique.

Vie familiale

En 1902 Cushing se marie avec Katharine Stone Crowell, une amie d'enfance. Ils eurent cinq enfants. Comme son père il passait de nombreuses heurs à l'hôpital et réservait ses soirées à l'écriture. Beaucoup se souviennent de la hospitalité chaleureuse et de l'amitié familiale du copuple Cushing. Leur fils aîné, William, étudiant à Yale, fut tué dans un accident automobile en 1926 et Cushing en ressenti une très profond douleur.

le Shygmomanomètre

Il présente aux Etats-Unis le sphygmomanomètre, appareil servant à mesurer la pression artérielle, inventé en 1896, en Italie par Scipione Riva Rocci.

Neurochirurgie

Il commence sa pratique chirurgicale et son enseignement au John Hopkins Hospital de 1901 à 1911, et s'attire une réputation nationale pour des opérations telles que l'ablation de tumeurs du cerveau. Au début du XXe siècle le cerveau paraissait inconcevable et mystérieux. Avant Cushing la neurochirurgie était encore expérimentale et une intervention de dernier recours en raison du taux élevé d'échec. C'est Cushing qui a fait progressé la connaissance complexe de la relation entre le cerveau et le cordon spinal. Son attachement à une recherche soigneuse, à l'étude du système nerveux et des diverses techniques chirurgicales ont transformé la neurochirurgie en une science exacteavec un taux élevé de succès.

Tumeur de l'hypophyse

La première expérience de Cushing concernant une maladie pituitaire date de 1901, lorsqu'il tenta la décompression d'une jeune fille âgée de 14 ans qui se plaignait de maux de tête et de troubles visuels et qui était sexuellement immature. L'autopsie a retrouvé une augmentation de la glande hypophyse. La même année Alfred Fröhlich rapporta un cas similaire à Vienne, chez un garçon de 15 ans souffrant de maux de tête, de troubles visuels, d'obésité et d'immaturité sexuelle. Le patient opéré par Anton von Eiselsberg présentait une tumeur de l'hypophyse. Ce syndrome qui avaity été décrit par Joseph Babinski en 1900, fut appelé syndrome de Babinski-Fröhlich.

Acromégalie

En mars 1909 Cushing effectue sa première intervention pour acromégalie. Le patient était un fermier de 38 ans de Charles Mayo. L'abord de la glande pituitaire se fit par l'intermédiaire d'un aileron frontal ouvrant sur les sinus frontaux. Le patient se rétablit remarquablement et vécu jusqu'en 1930. C'était seulement le deuxième cas réussi, le premier opéré par Herman Schloffer, professeur de chirurgie à Innsbruck, en 1907. Entre 1909 et 1911, Cushing rassembla 46 patients avec des lésions impliquant la glande pituitaire et la plupart d'entre eux furent soumises à la chirurgie. Les dangers et les difficultés de ces premières opérations sont démontrés par le fait que sur trois de ces patients opérés dans cette série avec acromégalie, deux sont morts.

Harvard Medical School 1912-1932

En 1912, après avoir repoussé de nombreuses et prestigieuses propositions de postes, il accepte celui de professeur de chirurgie à l'université de Harvard et devient chirurgien en chef au Peter Bent Brigham Hospital à Boston. Il entre dans sa nouvelle affectation à l'ouverture de la nouvelle école en 1913, et y resta jusqu'à sa retraite en 19323

Pendant la première guerre mondiale, il intervient brièvement pour les forces U.S. en France en 1915 (hôpital militaire de Neuilly, dans le lycée Pasteur); puis de 1917 à 1919 comme cheh de l'hôpital de la Base n°5. après cette expérience il écrivit un des plus important article sur les blessures du cerveau en temps de guerre, en 1918.

Les années 20

Les années 20 furent une période particulièrement fructueuse pour Cushing. Harvey Cushing laboratorySon rendement clinique était prodigieux, et il a formé une série d'hommes remarquables, des Etats-Unis et d'Europe, qui à travers eux-mêmes et, par leurs stagiaires transmirent la technique de Cushing dans le monde entier. Le plus éminent parmi ceux des Etats-Unis fut Walter Edouard Dandy, qui a inventé la ventriculographie et l'excision radicale des tumeurs acoustiques.

Un des problèmes techniques principaux que Cushing eu à surmonter dans le développement de la chirurgie du système nerveux central fut hémorragie. Le cuir chevelu lui-même est particulièrement irrigué. En 1910, il a inventé une petite agrafe argentée (l'agrafe de Cushing). L'aspiration fut introduite pour traiter le saignement dans des cavités placées profondément dans le crâne. Le plus important, cependant, fut son travail sur l'application de la coagulation électrique à la neurochirurgie. Une grande partie de cette technique a été faite en collaboration avec le physicien Dr. William Bovie. En 1926, il avait utilisé le courant à haute fréquence pour enlever un myélome vasculaire envahissant le cuir chevelu. Une tentative précédente par Cushing d'exciser la tumeur avait échoué en raison de l'hémorragie.

A mesure qu'il parvient à résoudre les problèmes de la chirurgie de cerveau, les patients et les jeunes médecins vinrent à sa clinique de partout dans le monde. Les résultats de ses travaux sont enregistrés en 330 livres et articles.

Pendant vingt ans, il se spécialise en neurochirurgie, notamment dans le traitement des tumeurs intracrâniennes, invente de nouvelles techniques. Ces travaux sur le corps pituitaire et un trouble qui lui est associé (la maladie de Cushing) lui valent une reconnaissance internationale. 

Syndrome de Cushing

Harvey Williams Cushing avait décrit cette maladie dès 1932. Les causes de ce syndrome sont variées : tumeur d'une glande surrénale, hypersécrétion d'hormone corticotrope par l'hypophyse faisant suite à une hyperplasie de la corticosurrénale, entre autres. Parmi les symptômes les plus significatifs : ostéoporose, hyperglycémie, faiblesse musculaire (parfois avec amyotrophie), obésité de la face, du cou et du tronc, aménorrhée, impuissance, HTA (hypertension artérielle) entre autres.

Yale 1933-1937

En 1932, à l'âge de retraite de 63 ans, Harvey CushingCushing laissa sa chaire de professeur de Harvard après l'avoir occupée pendant 20 ans. Il est remplacé par d'Elliott Carr Cutler, qui avait été l'un des premiers membres du personnel du service de Cushing à Bingham. En 1933 Cushing se rend à Yale en tant que professeur de neurologie de (1933-1937) et est également nommé Directeur des Etudes de l'Histoire de la Médecine. Là il a édité des choix à partir de ses journaux intimes de guerre, a rempli une monographie étendue sur les méningiomes, et il fait don de sa remarquable collection de livres médicaux d'environ 8.000 articles, beaucoup d'une grande rareté, à l'université de Yale. L'établissement de la bibliothèque médicale de Yale en 1941 était en grande partie dû aux efforts de Cushing et de ses amis, le Dr. Arnold Karl Klebs de Suisse et John Farquhar Fulton, un physiologiste de Yale. Ces trois grandes figures de la médecine du vingtième-siècle, ainsi que d'autres de leurs amis avec de plus petites collections, ont permis de constituer la bibliothèque à Yale pour former le noyau d'une des plus grandes bibliothèques historiques médicales du monde.

Honneurs

Chirurgien américain le plus admiré de son temps, c'était un homme aux talents multiple, ainsi il remporta le prix Pulitzer en 1926 pour sa biographie de l'homme qui a grandement influencé sa carrière, La vie de Sir William Osler (The Life of Sir William Osler), paru en 1925. Comblé d'honneurs, de doctorats honoraires et autres distinctions, Cushing reçut des diplômes honorifiques de neuf universités américaines et de treize européennes, plusieurs décorations : "Distinguished Service Medal", "Companion of the Bath", "Officier de la Légion d’Honneur", et l'ordre "El Sol del Perú"; ainsi que nombreux prix et récompenses. Il était membre de "American Philosophical Society", la "National Academy of Sciences", et l' "American Academy of Arts and Sciences" ; membre étranger de la "Royal Society"; et membre honoraire de plus de 70 sociétés médicales, chirurgicales et scientifiques aux Etats-Unis, Amérique du Sud, Europe, Inde. En 1939 il est nommé "Honorary Fellow of the Royal College of Physicians" de Londres.

Cushing était toujours gentil avec ses patients, amical et compatissant, jamais prssé; par contre avec ses collaborateurs il était exaspérant et un maître dur au travail. Ses sarcasmes et accès de colère se déroulaient la plus part du temps en salle d'opération réduisant les élèves infirmières en larmes ( il faisait parfois des excuses).

Le fondateur de la neurochirurgie meurt le 7 octobre 1939, à New Haven Connecticut, d'une crise cardiaque, alors qu'il était en train de rédiger une monographie sur André Vesale avec plus de 2 000 opérations du cerveau à son actif.    

 

La chirurgie crânienne était figée depuis les trépanations artisanales de l'Antiquité. Le pionnier incontesté de la chirurgie cérébrale ou neuro-chirurgie a été l'Américain Harvey Cushing. A partir de 1910, tous les grands neuro-chirurgiens contemporains se sont formés à son école ou ont été guidés par son exemple.

Principaux ouvrages et articles de Harvey Cushing


- A method of total extirpation of the Gasserian ganglion for trigeminal neuralgia, by a route through the temporal fossa and beneath the middle meningeal artery.
Journal of the American Medical Association, Chicago, 1900, 34: 1035-1041.
- On the avoidance of shock in major amputations by cocainization of large nerve-trunks preliminary to their division. Annals of Surgery, Philadelphia, 1902, 36: 321-345.
- On routine determination of arterial tension in operating room and clinic. Boston Medical and Surgical Journal, 1903, 148: 250-256.
- Pneumatic tourniquets: With special reference to their use in craniotomies. Medical News, 1904, 84: 577-580.
- Concerning surgical intervention for the intracranial hemorrhages of the new-born. The American Journal of the Medical Sciences, Phildelphia,1905, 130: 563-581.
- The establishment of cerebral hernia as a decompressive measure for inaccessible brain tumors.
Surgery, Gynecology and Obstetrics, Chicago, 1905, 1: 297-314.
- Sexual infantilism with optic atrophy in cases of tumor affecting the hypophysis cerebri. Journal of Nervous and Mental Disease, Chicago, 1906, 33: 704-716.
- Surgery of the head. In: Surgery, Its Principles and Practice, edited by William Williams Keen, 3: 17-276. Philadelphia, W. B. Saunders, 1908.
- Some aspects of the pathological physiology of intracranial tumors. Boston Medical and Surgical Journal, 1909.
- The functions of the pituitary body. American Journal of the Medical Sciences, Philadelphia, 1910, 139: 473-484.
- The special field of neurological surgery: Five years later. Bulletin of the Johns Hopkins Hospital, Baltimore, 1910, 21: 325-339.
- The Pituitary Body and its Disorders. Clinical States produced by Disorders of the Hypophysis Cerebri.
Philadelphia, J. B. Lippincott, 1912.
- Tumors of the Nervus Acusticus and the Syndrome of the Cerebello-pontile Angle. Philadelphia, W. B. Saunders, and London, 1917. Reprinted 1963.
- A study of a series of wounds involving the brain and its enveloping structures. British Journal of Surgery, London, 1918, 5: 558-684.
- The special field of neurological surgery after another interval. Archives of Neurology and Psychiatry, Chicago, 1920, 4: 603-637.
- The Life of Sir William Osler. 2 volumes. Oxford, Clarendon Press, 1925.
- Studies in Intracranial Physiology & Surgery. London, 1926.
- A Classification of the Tumors of the Glioma Group on a Histogenic Basis with a Correlated Study of Prognosis. Written with Percival Bailey.
Philadelphia, London and Montreal, J. B. Lippincott Company, 1926. 121 pages. With 108 illustrations.
- The Meningiomas Arising from the Olfactory Grove and their Removal by the Aid of Electro-surgery. Glasgow, 1927.
- Tumors Arising from the Blood-Vessels of the Brain: Angiomatous Malformations and Hemangioblastomas. With Percival Bailey. Springfield, Illinois and Baltimore, C.C.Thomas, 1928.
- Electro-surgery as an aid to the removal of intracranial tumors. With a preliminary note on a new surgical-current generator by W. T. Bovie.
Surgery, Gynecology and Obstetrics, Chicago, 1928, 47: 751-784.
- Consecratio Medici and Other Papers. Essays, Boston, 1928.
- The basophil adenomas of the pituitary body and their clinical manifestations (pituitary basophilism). Bulletin of the Johns Hopkins Hospital, Baltimore, 1932; 50: 137.
- Intracranial Tumors. Springfield, Illinois, C. C. Thomas, 1932.
- Papers Relating to the Pituitary Body, Hypothalamus and Parasympathetic Nervous System. Springield Illinois, C. C. Thomas, 1932.
- Intracranial Tumours; Notes upon a Series of Two Thousand Cases with Surgical-Mortality Percentages Pertaining Thereto. Springfield, Illinois, 1932.
- From a Surgeon’s Journal, 1915-1918. Boston, 1936.
- Meningiomas. Their Classification, Regional Behaviour, Life History and Surgical End Results. With the collaboration of Louise Charlette Eisenhardt (1891-1967). Springfield, Illinois, Charles C. Thomas, 1938.
- Bibliography of Andreas Vesalius. 1943. 2nd edition, Hamden, Connecticut, 1962. A third edition has later appeared.

 

Sources

- Histoire de la Médecine par Maurice Bariéty et Charles Coury Fayard Editeur

- Cushing help and support