Faculté de médecine de Montpellier

La Faculté de médecine de Montpellier, est la plus ancienne en activité du monde, l'école de médecine de Salerne ayant disparu au début du XIXe siècle (décret du 29 novembre 1811), mais elle n'existait plus que de nom lorsque la Faculté de médecine de Paris, en 1748, consultait le Collège des médecins de Salerne au sujet du différend élevé en France entre les médecins et les chirurgiens.

Fondée au Xe siècle, la cité de Montpellier qui relevait de l’évêque de Maguelonne, tomba sous la suzeraineté des Papes à partir de 1085. Elle passa sous celle des rois d’Aragon et de Majorque de 1204 à 1349 et ne devint définitivement française qu’en 1382 sous Charles VI.

L'origine

L'origine de la Faculté se confond avec l'essor de la ville commerçante : c'est le "mons pistillarius" ou montagne des épiciers. La position géographique de la ville de Montpellier, au bord du golfe du Lion, lui permet d'être le trait d'union entre la France et les populations riveraines de la Méditerranée.

En 1181, Guilhelm VIII, seigneur de Montpellier décide que la faculté sera ouverte à tous, sans restriction et sans distinction de confession ou d’origine. L’Eglise n’en conservait pas moins la haute main sur la nouvelle Université, mais sa tutelle était plus large et plus compréhensive qu’ailleurs. Sa devise s'inspire de la tradition hippocratique dont elle se réclame : "Olim Cous nunc Monspeliensis Hippocrates" ("Jadis Hippocrate était de Cos, maintenant il est de Montpellier")

Au Moyen Âge

Le 17 avril 1220, le Cardinal Conrad d'Urach Légat du pape Honorius III, concède à l'« Universitas medicorum » ses premiers statuts. En fondant officiellement la Faculté de Montpellier, il ne fit que consacrer un centre de pratique et d’enseignement réputé depuis près d’un siècle. Adalbert de Magonza étudiait déjà la médecine à Montpellier en 1153. Vers cette époque, Frère Gui y fondait l’hôpital du Saint-Esprit, un modèle du genre en Europe, dont le Pape Innocent III tint à s’inspirer en Italie.

Puis, le 26 octobre 1289, le pape Nicolas IV adresse, depuis Rome, la constitution apostolique "Quia Sapientia" à tous les docteurs et étudiants de la ville de Montpellier, créant ainsi officiellement l'université de Montpellier regroupant le Droit, la Médecine, les Arts et la Théologie; le Pape Nicolas IV ne reconnaît le droit de conférer les grades qu’à une seule école, qui prend le titre de Faculté de médecine, les autres pouvant seulement dispenser l’enseignement.

L’Eglise n’en conservait pas moins la haute main sur la nouvelle Université, mais sa tutelle était plus large et plus compréhensive qu’ailleurs. Ainsi, dès 1309, Clément V autorisera les maîtres et les étudiants à contracter mariage, alors que les professeurs de Paris n’obtiendront cette même latitude qu’en 1452, et les clercs tonsurés en 1600 seulement.

Ayant consacré son bref pontificat (sept ans) à faire revenir la Papauté à Rome et quitter Avignon, avant de gagner l'Italie, le pape Urbain V fait un séjour de trois mois à Montpellier  (du 9 janvier 1367 au 8 mars 1367 ), il y ordonne la construction au frais du Saint-Siège du monastère des Saints-Benoît-et-Germain, qui deviendra la Faculté de médecine, la chapelle deviendra la cathédrale Saint-Pierre. Ce monastère devait servir à héberger seize religieux, étudiant le droit canonique à Montpellier. Non loin du monastère, il fonde un collège, dit des Douze-médecins, où les étudiants pauvres étaient logés et nourris. Ce pape était étonnament moderne quantà l'idée qu'il se fait des études : " Je conviens que tous ceux que je fais élever et à qui j'accorde des bourses ne seront pas des gens d'Église. Quel que soit l'état qu'ils embrasseront, et même s'ils exercent des métiers mécaniques, il leur sera toujours utile d'avoir étudié".

L'École de médecine jouit d'un grand prestige ayant la réputation d'avoir hérité du savoir des Arabes et des Juifs, elle accueille des étudiants de toute l'Europe.

Comme Salerne, Montpellier s’est placée dès l’origine sous le signe du libéralisme hippocratique. Elle a précocement été animée par le courant médical méditerranéen; elle a bénéficié dès ses débuts d’un double apport : juif et hispano-mauresque d’une part et italo-salernitain d’autre part. Son indépendance scientifique a été une conséquence des remous politiques qui ont agité les premiers siècles de son histoire.

Cet esprit d’indépendance s’est manifesté au cours des siècles par plusieurs conflits armés. Il s’est reflété dans l’accueil fait aux divers émigrants venus d’Espagne, dans l’essor du mouvement des Cathares albigeois, qui fut finalement noyé au XIIIe siècle dans le sang de la croisade et le feu des bûchers collectifs. Il se retrouvera plus tard, au lendemain de la Réforme calviniste. Il rend également compte de cette relative tolérance et de ce souci d’objectivité qui caractériseront longtemps l’école de Montpellier. Celle-ci s’opposera par là à la Faculté de Paris, plus intransigeante, plus étroitement portée aux attitudes conservatrices et plus rigoureusement attachée aux dogmes théologico-philosophiques.

Il n’est pas douteux que l’enseignement médical est beaucoup plus ancien à Montpellier qu’à Paris, au XIIème siècle Paris n’était guère connu que pour sa Faculté de Théologie.

L’enseignement médical montpelliérain

Le corps enseignant avait à sa tête un chancellier, nommé par l’évêque, ses fonctions étaient comparables à celles de nos doyens actuels. A partir de 1369, Urbain V dota la Faculté d’un local, celui du Collège du Pape ou des Douze Médecins. A la fin du XVe siècle, elle comprenait en outre le Collège Royal. Elle occupe de nos jours d’anciens locaux conventuels, au pied de la cathédrale Saint-Pierre dont ses professeurs sont traditionnellement chanoines.

Jusqu'au début du XIVe siècle, les cours sont dispensés au domicile des Régents, qui étaient rétribué directement par ses élèves; seuls les actes sont réalisés dans l'église Saint-Firmin (détruite en 1562 par les Réformés, elle ne fut jamais reconstruite).

Une subvention royale (Charles VIII et Louis XII) permit à l’Université d’établir un budget régulier. Les méthodes et le matériel d’enseignement étaient analogues à ceux dont Salerne avait propagé l’usage. Après avoir accompli une scolarité de trois ans, le philiatre pouvait postuler le baccalauréat en médecine. Venait ensuite la licence; celle-ci comportait plusieurs épreuves soutenues en présence de l’ensemble des professeurs à l’église Saint-Firmin ou à Notre-Dame-des-Tables : des “disputationes per intentionem” suivies du développement des deux “points rigoureux” extraits de l’Ars Parva de Galien et des Aphorismes d’Hippocrate.

Au début du XIIème siècle le Pape Honorius III, voulant concurrencer l’École de Salerne en Italie, eut l’idée de mettre la main sur l’École de Montpellier et décide que le diplôme de Maître régent permet d’exercer la Médecine dans le monde entier, "hic et ubique terrarum". Elle comprend deux sortes de maîtres: les uns enseignant la médecine salernitaine, les autres celle de langue arabe, mais en 1148 de nombreux médecins juifs, chassés d’Espagne, étant venu s’y réfugier, l’influence arabe s’y fait de plus en plus sentir et la médecine est de plus en plus entre les mains de médecins espagnols (issus de l’arabisation: voir mon sujet sur les médecins arabes).

L’ “inceptio” était alors conférée au candidat par l’évêque ou par son mandataire, le prieur de Saint-Firmin, ce qui lui donnait le droit d’exercer ‘hic et ubique terrarum” (permettant d’exercer la Médecine dans le monde entier); le diplôme revêtait de ce fait un caractère d’universalité. Les chirurgiens étaient toutefois dispensés de cet examen. La troisième et dernière étape était celle du doctorat “de la grande manière”, mérité par les épreuves des “triduanes” et consacré par la cérémonie pompeuse du “triomphe”. Dans l’église Saint-Firmin, l’impétrant recevait le bonnet noir et la ceinture dorée, attributs d’un grade qui lui conférait désormais le droit d’enseigner; le tout s’achevait dans un banquet, parmi les cadeaux qu’il était d’usage d’offrir aux maîtres.

Illustres enseignants

La renommée de la médecine à Montpellier est alors considérable. Parmi les enseignants, d'illustres savants occupent les chaires

Durant les trois premiers siècles de son existence, l’école de Montpellier fut quelque peu cosmopolite. Aux Languedociens du terroir, aux Juifs exilés d’Espagne et de France déjà installés à Lunel, aux Espagnols et aux Salernitains de la première vague, il s’en joignit d’autres à titre d’enseigneurs ou d’élèves.

Le plus célèbre de ces médecins étrangers fut le catalan Arnaldo de Villanova (Arnaud de Villeneuve). Esprit entreprenant et avisé, il fut mêlé à toutes les affaires politiques de son époque, y compris celle des Templiers. Son acitivité médicale mêle malheureusement de façon intime les problèmes métaphysiques et de philosophie à ceux des sciences de la nature animée et inanimée. Ses très nombreux ouvrages médicaux visent à concilier les opinions d’Hippocrate, de Galien, des Arabes et des Salernitains. Mais dans la défense de la vérité, il accorde une voix prépondérante à son expérience personnelle, quitte à rentrer en polémique avec Galien et Avicenne. Villeneuve fut à la fois en harmonie avec son époque et en avance sur elle.

Montpellier a également connu quelques grands noms français; Gilles de Corbeil est venu de Salerne. Henri de Mondeville enseigna à Montpellier avant de devenir le chirurgien attitré de Philippe le Bel et de Louis le Hutin; Enfin, Guy de Chauliac fut en chirurgie ce qu’Arnaud de Villeneuve fut en médecine. Il devint le médecin préféré du pape Clément VI et de ses successeurs, alors en Avignon. Lors de la terrible pandémie pesteuse de 1348 qui ravagea le midi de la France, il en fait une description clinique et épidémiologique saisissante. Il ne parvint malheureusement pas à sauver Dame Laure de Noves, l’épouse d’Hugues de Sade. Cet échec lui valu l’inimitié haineuse et mesquine de Pétrarque, l’illustre poète de la Fontaine de Vaucluse. Il publie à la fin de sa vie la “Chirurgia Magna” qui fit longtemps autorité , reprend et complète toutes les données médico-chirurgicales de l’époque. Chauliac y proclame avec insistance que “tout opérateur doit avoir une connaissance approfondie de l’anatomie en s’instruisant par la dissection de cadavres humains”. Les qualités de son esprit, la noblesse de son caractère, s’expriment dans sa conception du médecin parfait.

Jean d'Alais et Petrus Hispanus qui devint pape sous le nom de Jean XXI.

Illustres élèves

Le Montpellier du Moyen Age a instruit ou accueilli de nombreux médecins parmi les plus grands. Parfois contrebattue à Paris, son influence heureuse s’est fait sentir sur toute la France et au-delà même de nos frontières.L’Ecole de Montpellier s’honore de compter parmi ses élèves Gabriel et François Miron, médecins de Charles VIII, le fameux Nostradamus (1530), Laurent Joubert (1558) et trois anatomistes réputés : Sylvius (1530), Platter (1555), Bauhin (1580). Plus tard Théophraste Renaudot, Pecquet, Vieussens, Sydenham, Boissier de Sauvages et de nombreux autres : Guillaume Rondelet se lia d'amitié avec François Rabelais qui obtint à Montpellier son titre de docteur en médecine en 1537.

Jusqu’au XIème siècle, période de la création des écoles de Salerne et Montpellier, la compétence du médecin s’étend à toutes les parties de l’art de guérir, car la médecine, la chirurgie et la pharmacie sont confondues.

La Renaissance

La Renaissance se caractérise par une rénovation de l'enseignement. De la Renaissance à la fin de l'Ancien Régime, à Montpellier l'enseignement est marqué par la perte progressive de la tutelle cléricale au profit de l'État avec une faculté qui acquiert ses propres locaux vers 1450 : le « Collège royal de Médecine », et de nouvelles règles édictées par le décret royal de Louis XII le 29 août 1498. Cet édifice était situé près de l'actuelle église Saint-Mathieu.

En 1556, la faculté est la première de France à se doter d'un amphithéâtre consacré à l'examen des cadavres. Pendant le règne d'Henri IV l'École de médecine de Montpellier est dotée d'un « Jardin des plantes » dès 1593. Volonté d'un roi, il est l'œuvre du professeur Pierre Richer de Belleval. Premier Jardin Royal de France, antérieur à celui de Paris, il constitue aujourd'hui encore, l'une des plus belles richesses de Montpellier.

Alors que la chaire d'anatomie et de botanique fut créée en 1593, celle de chirurgie et de pharmacie vit le jour en 1597. La chaire de chimie et celle destinée à enseigner aux étudiants à "consulter et à pratiquer" sont instituées en 1673 et 1715, respectivement. La première transfusion de sang fut réalisée le 16 juin 1667 par Denys.

Les guerres de religion vont mettre un terme à cette floraison. Montpellier, en rivalité avec Paris, fournit néanmoins la plupart des médecins du roi (dont François de Lapeyronie).

La période révolutionnaire et l'Empire

Pendant la période révolutionnaire, par décret du 15 septembre 1793, la Convention met un terme à six siècles d'enseignement, dissout les universités et ferme les écoles. Malgré leur lustre international, Université de médecine, et Académie de chirurgie (créée en 1741), sont balayées.

Mais, un an seulement après ce funeste décret, le 4 décembre 1794 (14 frimaire an III), la Convention décrète la fondation de trois Écoles de Santé (Montpellier, Paris et Strasbourg) dispensant un enseignement médical et chirurgical.

Puis le 22 avril 1795, la faculté quitte ses locaux anciens et vétustes pour ses locaux actuels, le monastère Saint Benoît, ancien évêché jouxtant la cathédrale Saint-Pierre. Jean-Antoine Chaptal y fait construire un théâtre d'anatomie. Médecine et Chirurgie sont réunies.

Le décret napoléonien du 11 mars 1803 (19 ventôse an XI) soumet l'exercice de la médecine à l'obtention d'un doctorat. À partir de 1804, la faculté de Médecine se dote d'une bibliothèque prestigieuse, grâce à son bibliothécaire Victor-Gabriel Prunelle.

Un grand amphithéâtre fut créé en 1802, le bâtiment Henri IV en 1838, le bâtiment d'anatomie en 1867, et l'Institut de biologie en 1869 et 1900.

 

Faculté de Médecine de Montpellier
Les statues de bronze de François Lapeyronie (1678-1747) et Paul-Joseph Barthez (1734-1806)
ornent depuis 1864 l'entrée de la Faculté de Médecine de Montpellier.

 

Cette Faculté, fidèle à sa tradition, conserve une place éminente dans le mouvement médical contemporain.

La Faculté de Médecine de Montpellier renferme la plus riche bibliothèque de France, avec 300000 volumes, deux musées :
Le musée Atger abritant de remarquables collections de dessins de maîtres, régionaux, italiens, flamands de la Renaissance au XIXe siècle.
Le musée d'anatomie, particulièrement étonnant, abrite des instruments chirurgicaux, mais aussi des aberrations de la nature conservées dans du formol.