Armoirie de Pons de Balazuc |
À partir du XIe siècle des textes permettent de suivre l'histoire et les péripéties de la famille des Balazuc. Dès 1077, la lignée est qualifiée de hauts et puissants seigneurs suzerains, dont l'influence s'étend sur de nombreux seigneurs en Bas-Vivarais, ce qui témoigne de son haut rang jusqu'au XVIIe siècle.
La famille de Balazuc tire son nom de l'ancien village du Vivarais habité par les seigneurs de Balazuc qui devaient occuper le Chastel-Vieilh perché au-dessus de l'Ardèche, une maison militaire puissamment fortifiée.
Courageux chevalier
Pons de Balazuc est le fils de Géraud de Balazuc, seigneur de Saint-Montant et de Larnas, premier seigneur dont on connaisse l'existence. Pons de Balazuc gérait ses vastes domaines qui s'étendaient jusqu'aux ports du Rhône. Casqué, épée au poing, son courage ne demandait qu'à se manifester. L'idée d'une expédition punitive en Orient au nom de la foi pour délivrer le tombeau du Christ s'impose.
La première partie de sa vie est inconnue ; mais nous sommes mieux renseignés sur la dernière partie de son existence, qui fut sans doute plus courte, grâce à une histoire à laquelle il a contribué personnellement.
Ière Croisade
Quand Urbain II eut prêché la croisade au concile de Clermont en novembre et décembre 1095, Adhémar de Monteil, évêque du Puy et légat du pape, se prépare au départ.
Première Croisade (1095-1099) |
Vers la fin d'octobre 1096, l'évêque du Puy se dirigea vers les Alpes, à la tête d'une armée de cent mille hommes, commandée par Raymond IV, comte de Saint-Gilles et de Toulouse, souverain du pays de langue d'Oc (de la Garonne au Rhône), ami et familier de Pons de Balazuc. Amitié qui se justifiait, puisqu' à partir du Xe siècle, les comtes de Toulouse et les évêques de Viviers exploitaient ensemble les mines de Largentière.
Chroniqueur de guerre
De très nombreux grands hommes formaient cette armée. Parmi ces braves fournis par la Provence était Raymond des Agiles, ou plutôt d'Eygaliers, chanoine de l'église du Puy, peut-être originaire de Buis-les-Baronnies, qui fit partie de l'expédition en tant que chapelain du comte de Toulouse. Au nombre de ceux que fournit le Languedoc était le chevalier Pons de Balazuc, du diocèse de Viviers, entraînant avec lui tous ses vassaux. Pendant les premiers jours de marche, ces deux personnages se lièrent d'amitié. Pons qui était un ami particulier du comte de Saint-Gilles, conçut le projet de relater l'histoire de l'expédition qui commençait. Il fit part de ce projet à Raymond des Agiles, et lui conseilla d'écrire cette histoire, ce qu'il fit sans tarder.
Un des motifs qui détermina les deux amis, fut d'apprendre que certains déserteurs de la croisade, par les calomnies qu'ils débitaient, détournaient les autres chrétiens d'aller au secours de leurs frères.
Le récit commence par l'arrivée des croisés dans l'Esclavonie, aujourd'hui la Dalmatie. Le pays est décrit. Les assauts livrés contre l'armée sainte y sont relatés avec détail, ainsi que les sièges de Nicée, d'Antioche, de Marra et de Jérusalem. On y parle des souffrances que l'armée endure, des victoires qu'elle remporte et des échecs qu'elle subit. Le récit se termine avec les évènements de l'année 1099.
L'ouvrage relate la part que Raymond des Agiles et Pons de Balazuc prirent à la recherche, à la découverte et au portage du fer de la sainte Lance qui avait percé le côté de Jésus-Christ (14 juin 1098). À la suite de cette découverte, le courage des croisés se raviva et la ville d'Antioche fut délivrée fin juin 1098.
Pons de Balazuc prit part, avec les troupes du comte de Saint-Gilles, à l'attaque et à la prise de Marra (janvier 1099), ville située à trois journées d'Antioche.
Fin de l'aventure en 1099
Puis l'armée du comte alla attaquer Arqa (14 mars 1099), petite ville fortifiée, située sur une colline à deux lieues de Tripoli et à une lieue de la mer, au Liban actuel. Le comte de Saint-Gilles croyait prendre la place sans peine, mais ses hommes furent repoussés par l'émir de Tripoli, et contraint de mettre le siège que le comte tint inutilement pendant trois mois (de février 1099 au 13 mai 1099), avec perte de vaillants hommes au nombre desquels Pons de Balazuc. Raymond des Agiles précise dans son récit que
"Balazuc est tué d'un coup de pierre, pour l'âme duquel je demande des prières de tous les orthodoxes, surtout les transalpins et de toi, révérend évêque de Viviers, pour qui j'ai pris soin d'écrire cet ouvrage".
Très touché par la disparition de son ami, Raymond des Agiles poursuit l'écriture de l'ouvrage mais la narration devient languissante ; et il ajoute ces mots :
"Maintenant pour ce qui reste, avec l'inspiration de Dieu qui a tout fait, je vais m'efforcer de terminer avec la même joie avec laquelle j'ai commencé. Je prie donc et je supplie tous ceux qui entendront la suite de mon récit, de croire qu'il est la pure vérité".
Cette épopée militaire et religieuse est relatée sous le titre de "Historia Francorum qui ceperunt Hyerusalem" (Histoire des Francs qui prirent Jérsualem), devenant ainsi en quelque sorte le tout premier correspondant de guerre et historien de ces expéditions lointaines. Pons de Balazuc tenait tour à tour la plume et l'épée. C'est un des meilleurs témoignages que l'on ait de cette expédition et une des productions littéraires les plus dignes d'intérêt du XIe siècle.
Vitrail de Pons de Balazuc |
Pour Pons de Balazuc, homme de foi et de courage, c'est plus qu'une simple chronique, c'est un parcours qui tient presque de la légende qui a marqué son temps.
Le souvenir de Pons de Balazuc sera perpétué par les verrières d'une nouvelle église du XIXe siècle et par l'ancienne église Sainte-Madeleine du XIe siècle, elle-même auprès de laquelle, au cri de "Dieu le veut !" il quitta sa famille et son château et alla mourir là-bas, en combattant pour la cause de Dieu.
À la Révolution française, le comte de Vogüé, dont la famille avait hérité du château, prend la fuite à l'étranger. Saisi comme bien national, le château est vendu à la chandelle en 1793 pour la somme de 625 livres (environ 3125 euros actuels). Soit à peine plus que le four du village, et quarante fois moins que son moulin. L’acquéreur se nomme Louis Mollier, et le château fera désormais office de corps de ferme.
Sources
- "La Syrie du Nord à l'époque des croisades et la principauté franque d'Antioche", par Claude Cahen Librairie orientaliste Paul Geuthner Paris 1940
- "Un chevalier du Vivarais à la première croisade, Pons de Balazuc" par l'abbé Fillet curé d'Allex, Privas Imprimerie Centrale de l'Ardèche, 1891.
- La Tribune / Le Journal Tournon-Tain, numéro 33, 15 août 2013.
- Non Nobis Domine Non Nobis Sed nomini Tuo Da Gloriam ; "Ordre des Templiers, Chevalerie et Valeurs de France" , études des Croisades par des Moines relevant de l’Ordre des Templiers. par Josy Marty-Dufaut, Autre Temps Éditions éditeur, 31 mai 2013.