Portraits d'ardéchois

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Charles FOROT

1890 - 1973

Poète, éditeur

Charles Forot ADA
Portrait de Charles Forot
Fonds Charles Forot, Archives Départementales de l'Ardèche

Dans sa maison de Saint-Félicien, le Pigeonnier, Charles Forot cultiva la poésie, l'édition, le théâtre, l'érudition régionaliste et en fit un remarquable foyer culturel où se côtoyèrent écrivains, érudits, folkloristes, hommes de théâtre, peintres, sculpteurs et graveurs. Charles Forot aime son Vivarais natal.

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Charles Forot est né à Saint-Félicien en Ardèche, le 20 mai 1890. L’internat à Valence, puis à Annonay ne lui convient pas ; il écrit :
« Ô solitude ! un jour tu vins
m’emprisonner dans un collège
m’arracher à monts et ravins
pour un destin que rien n’allège
»

En 1907, Il est atteint par le mal de Pott et rechute en 1913. Il passe alors de longs moments dans sa maison familiale du Pigeonnier, construite par son arrière grand-père. Cela ne l’empêche pas d’effectuer un séjour dans le Midi et un séjour de neuf mois à Paris. Il s’inscrit à la Sorbonne, il s’ouvre à la vie, aux idées, croise les premiers personnages qui le façonneront. Il s’intéresse à la politique, rencontre Jourdan, député radical de la Lozère, beau-frère de Mgr Battandier, ecclésiastique très romain de tradition royaliste. Il écoute Marc Sangnier et Jean Jaurès, suit les réunions de l’Action Française. Il devient à la fin de la guerre de 14 - 18 un fidèle de Maurras.

En 1918, il rencontre Joseph Parnin, Gabriel Faure et Louis Pize, René Fernandat, prêtre et poète, Jos, médecin archéologue et le poète Jacques Reynaud. Il entre au comité de la « Revue fédéraliste » dont l’objectif est la décentralisation.

Le Pigeonnier
Un foyer littéraire et artistique dans l’Ardèche de l’après-guerre

Saint Félicien est connu pour avoir été le havre de paix de Charles Forot, éditeur et écrivain qui créa en 1920 le « mouvement artistique et littéraire du Pigeonnier », le plus important qu’ait vu naître le département de l’Ardèche dans la première moitié du XXe siècle et correspond à un courant plus vaste ayant marqué l’histoire culturelle de la France de l’entre-deux-guerres, le régionalisme.

Le Pigeonnier, Demeure Familiale de Charles Forot
Le Pigeonnier : demeure familiale de Charles Forot

On ne peut dissocier Charles Forot et le Pigeonnier, car ils symbolisent une des plus authentiques réussites de décentralisation littéraire et artistique qu'ait connue la France contemporaine de 1920 à 1960. Pour les amateurs de beaux livres, les éditions du Pigeonnier ont gardé leur prestige et sont toujours recherchées auprès des bouquinistes et des libraires.

Cette demeure, solide ensemble de pierres qui se veut discret derrière ses murs et regarde vers la vallée, fut pendant toutes ces années le point de rencontre et de rassemblement d'écrivains, poêtes, graveurs, sculpteurs, musiciens, personnalités du monde du théâtre qu'une grande amitié unissait, avec comme animateur infatigable Charles Forot, auteur, poète, éditeur (les Editions du Pigeonnier), et créateur d'un théâtre de verdure en ces lieux.

La ferme magnanerie est l'endroit où il choisit de vivre sa retraite avec son épouse Geneviève, en alternance avec leur maison de Formentera aux Baléares. On y retrouve une partie de ce qui leur était familier, ainsi que de nombreux témoignages d'une aventure faite de foi, de tenacité et de talent.

Édition du Pigeonnier

Charles Forot par Decaris
Portrait de Charles Forot par Decaris

Jeune poète, royaliste disciple de Charles Maurras, c’est en 1920, il s’entend avec Marcel Bechetoille, banquier à Annonay, pourfonder et lancersa maison d'édition : les "éditions du Pigeonnier". Le Pigeonnier s’épanouit entre les deux guerres et devient lieu d’édition, de théâtre et d’exposition.

« Rien ne me semble plus sympathique, plus sage, en somme plus digne d’envie que le mode de vivre et de produire que s’est fait dans son Vivarais Charles Forot. Il y compose à loisir de beaux vers ; il y ordonne des éditions toutes pures, simples, aimables, et les destine aux amants de ces qualités. Il imprime ce qu’il aime, il aime ce qu’il imprime. Il serait doux d’être lui », C'est ainsi que s'exprime Paul Valéry en 1927 sur Charles Forot, une des figures les plus attachantes du Vivarais.

En 1927, il a déjà publié une cinquantaine d’ouvrages d’écrivains ou d’artistes qu’il appréciait vraiment.

Charles Forot, en bibliophile, apprécie les éditions très soignées avec de beaux papiers : ceux des Montgolfier à Annonay, d’Arches, de Montval, de Rives, mais aussi de Chine, d’Annam et du Japon. Il choisit les caractères typographiques Elzevier, de Plantin et de Didot, pour des tirages moyens entre 300 et 400 exemplaires; il choisit également lui-même la mise en page et les imprimeurs.

De 1927 à 1938, il publie également douze almanachs, identifiés chaque année par l’un des signes du zodiaque. Avec le concours de nombreux collaborateurs, ils célèbrent le terroir, l’histoire locale, les coutumes, proverbes, chants, danses, cuisine. Ils rendent compte des activités des Ardéchois de Paris, de la présence du Vivarais dans la presse nationale et régionale et d’une bibliographie vivaroise. Au terme de cette aventure éditoriale, les Editions du Pigeonnier ont édité deux cent cinq titres – prose, poésie, théâtre, chansons – sous forme de plaquettes et d’albums.

« Une édition du Pigeonnier est une chose rare entre toutes..., on la hume, on s’en délecte par les yeux, par le toucher, presque, pourrait-on dire, par les cinq sens, en attendant que l’esprit s’en enchante » (François-Paul Alibert, 1927).

Gravure, sculpture, peinture, musique…

Ses amis graveurs (Jean Chièze…) sculpteurs (Marcel Gimond…), peintres (Pierre Boncompain...), exposent. Il relance la poterie traditionnelle en faisant réaliser des maquettes par J. Chièze, A. Colonna ou Rose Seguin Bechetoille. Philippe Burnot et Jean Chièze se révèlent maîtres dans l’art de l’ex-libris.

La musique n’est pas oubliée avec Vincent d’Indy et Guy de Lioncourt. Pour être complet, la gastronomie est prétexte à l’édition de menus pour banquets, repas familiaux ou de restaurants.

Jean Chièze (1898 - 1975)

A Lyon, Jean Chièze  - graveur sur bois, mais aussi illustrateur, peintre, décorateur et écrivain - fait la connaissance, en 1927, de Charles Forot. Il collabore à l'illustration des programmes et à la création des costumes du théatre en plein air du Pigeonnier et contribue à la renommée de ce foyer rayonnant de la culture ou le théatre, la musique et la poésie sont magnifiés.

Louis Pize (1892 - 1976)

Poète ardéchois Avec Charles Forot, il participe à la création des Editions du Pigeonnier à Saint-Félicien. A sa retraite, celui que ses amis appelaient le « Virgile du Vivarais » se retire dans sa maison de Saint-André-en-Vivarais.

Théâtre du Pigeonnier (1925 - 1939)

Il crée également « le théâtre du Pigeonnier ». Jusqu’en 1939, des représentations seront données l’été dans le jardin de la maison les deuxièmes samedis et dimanches d’août. Il s’entoure de Jacques Reynaud et d’Henri Ghéon ; Jean Chièze dessine les costumes, Guy de Lioncourt crée les décors et la musique. On joue une pièce classique et une pièce à thème local écrite par les amis du Pigeonnier (H. Ghéon, R. de Pampelonne).

« Ce que l’on aime au théâtre du Pigeonnier, c’est, comme l’a dit Jacques Reynaud, qu’il n’est pas un théâtre comme les autres, ni par son décor naturel, ni par l’esprit qui anime la troupe. Il y a incontestablement un « esprit pigeonnier » fait de simplicité et cordialité. Et c’est parce que tous y mettent du cœur, de la jeunesse même, que l’adhésion du public est acquise ».

Le Pigeonnier : situation

« La première maison à gauche en venant de Saint-Victor. Le Pigeonnier est une maison discrète, tournant le dos à la route pour regarder en direction de la riante vallée… » (Michel Fromentoux : Le Pigeonnier p. 38), mais ce n’est plus Charles Forot avec « son sourire franc qu’illuminent des yeux pétillants, ardents, une figure joviale » qui nous accueille. En janvier 1954, il vend sa maison à son ami Henri Bernet, il se réserve la maison du fermier et la magnanerie dont la propriétaire actuelle est la nièce de Charles Forot, Madame Pézilla-Leydier.

Charles Forot est mort le 21 janvier 1973.

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Œuvres de Charles Forot

- La Ronde des Ombres (1922)

- Odeurs de forêt et fumets de table (1955,)

- Les Lettres De La Religieuse Portugaise (1961)

- Témoignages inédits. Privas, Volle (1974). Gravures Jean Chièze.

- Fonds Charles Forot, Archives Départementales de l'Ardèche. Le fonds contient la quasi totalité des archives laissées par Charles Forot (1890-1973), et dont l'intérêt, par la qualité et le nombre des écrivains et artistes mentionnés (Jules Romains, Jean-Marc Bernard, Henri Pourrat, Charles Maurras, Henri Ghéon, Albert Decaris, Marcel Gimond, Albert Gleizes, Jean Chièze...), déborde largement du cadre régional. Cote 24 J

 

Sources

- Dominique Dupraz, Archives de Charles Forot et du Pigeonnier : inventaire de la sous-série 24 J, Privas, 1998.

- Marie-Jo Gay, « Charles Forot et les éditions du Pigeonnier », dans Patrimoine écrit en Rhône-Alpes : Itinéraires, ACORD, Editions Curandera, 1992, p. 32.

- Patrimoine d'Ardèche, Saint-Félicien, par Mireille D'augustin

- Le Pigeonnier : "Quarante années de décentralisation littéraire et artistique en Vivarais " par Michel Fromentoux, 1969.

- Archives de Charles Forot et du Pigeonnier de Dominique Dupraz, inventaire de la sous-série 24 J, Privas 1998.