Portraits d'ardéchois

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Germaine MONTAGNON,
épouse L'HERBIER puis PEYRON


1895 - 1986


Pilote, infirmière, femme de lettres

Germaine Montagnon
Germaine Montagnon

Germaine Montagnon est née à Tournon le 13 juin 1895. Dans sa jeunesse, son père, puis son frère, lui firent partager leur passion pour l'aviation. Elle a 16 ans le 30 mai 1911, lorsque les avions de la course Paris-Rome survolent la ville de Tournon. Son frère Albert s'écrie qu'il sera aviateur ; en effet élève de l'École supérieure d'aéronautique en 1914, il fut breveté pilote militaire, fin août 1915, avec le n° 2488, avant de rejoindre l'escadrille MF 59.

Les 29, 30 et 31 juillet 1911, Marius Montagnon, son père, architecte, qui était le Président du Comité des Fêtes, organise un meeting d'aviation qui se déroule dans l'île Féray à deux kilomètres au sud de Tournon. Au banquet de clôture, Marius Montagnon déclare : "L'aviation n'est plus une chimère, elle va entrer dans la pratique de la vie courante".

Germaine est présente, au milieu de 8 000 spectateurs. C'est le début de sa vocation.

Germaine, devenue L'Herbier-Montagnon à la suite de son mariage avec Fernand L'Herbier, intègre en 1936, comme élève, la section aviation de la Croix Rouge française, l'Amicale des infirmières pilotes secouristes de l'Air (I.P.S.A). En 1938, elle devient directrice-formatrice bénévole de l'enseignement dans cette institution, fonction qu'elle exercera jusqu'en juillet 1950. Elle obtient ses brevets de pilote d'avion de tourisme et de parachutiste le 5 mai 1939.

Au volant de son ambulance, Germaine sillonne les routes, assurant l'évacuation sur les hôpitaux parisiens des grands blessés internés dans les camps de prisonniers en zone occupée. Au cours d'une mission elle réalisera : "Subitement, j'ai vu dans un champ, des avions français abattus. Je pensais qu'un service spécialisé s'occupait de la recherche des pilotes tués ou disparus. L'armée française n'était plus là, elle était repliée en zone libre. Je me suis convaincue très rapidement qu'il y avait sûrement quelque chose à faire".

Mission de recherches des morts et disparus de l'armée de l'air

Après la défaite de 1940, son énergie débordante, alliée à un esprit de dévouement et de don de soi, l’amène à "inventer" et à "créer", la mission de recherches des morts et disparus de l’Armée de l’Air, avec l’aide de six compagnies infirmières-pilotes bénévoles comme elle. Accréditées par la Croix-Rouge française et le Secrétariat d’État à l’Aviation, elles parcourent des centaines de milliers de kilomètres pour retrouver et identifier les cinq cent aviateurs disparus en opérations aériennes pendant la campagne de 1939-1940.

Germaine Montagnon recherche
Germaine Montagnon contrôle les pièces d’un avion pour identifier des corps.

 

Elle ne va pas hésiter à fouiller de ces mains les épaves, parfois les simples trous creusés dans la terre, faisant office de tombe temporaire. Elle se servira de ses connaissances techniques, de ses liens avec l'aviation pour rechercher les plans de vols, les caractéristiques des avions. Les corps sont mutilés, parfois brûlés. Les plaques d'identification ont fondu. Les indices sont minces. Ici c'est une alliance, là un crayon offert par les enfants du disparu. Elle s'acharne et trouve.

Considérée comme suspecte, elle est arrêtée par la Gestapo en janvier 1941, internée à la prison du Cherche-Midi puis relâchée quelques semaines plus tard, faute de preuve ou plus précisément "parce qu'un officier pas tout à fait comme les autres n'avait pas voulu tenir compte d'un certain tract anglais trouvé sur moi". Dès sa libération, elle reprend sa tâche, avec son équipe. "Avec quelle joie immense je repris la mission interrompue et j'entendis à nouveau la chanson familière de la boîte de vitesse, les craquements des roues qui écrasaient la terre gelée".

À la Libération, le Général Valin, Chef d’État-Major de l’Armée de l’Air lui confie les recherches de plus cinq cent aviateurs de la France Libre, disparus sur les différents champs de bataille : quatre cents sont retrouvés et identifiés par ses soins.

Les honneurs

En septembre 1945, Sa Majesté Georges VI, roi d'Angleterre, l'éleva au rang d'Officier de l'Ordre de l'Empire Britannique.

Le 22 juillet 1946, elle sera élevée au grade de chevalier de la Légion d'Honneur à titre militaire, par le Maréchal Juin lui-même. La citation précisera :

"Après avoir parcouru plus de 100 000 km en France, Belgique et Hollande, a réussi à retrouver et à identifier près de 500 aviateurs français et 1 300 aviateurs alliés. Accréditée dès la Libération (...) a retrouvé trace de 300 aviateurs français et de 940 aviateurs anglais".

Les honneurs, mérités, ne s'arrêteront pas là. Médaille de Vermeil de la Croix Rouge, médaille de la reconnaissance française, de l'aéronautique, la médaille de passeur de l'Union nationale des évadés de guerre. Car en plus de ses activités de recherches, Germaine L'Herbier Montagnon organise un véritable réseau d'évasion pour les pilotes, qui passait par... un confessionnal à Notre-Dame-de-Paris !

Sa mission ne s'acheva qu'en 1948, à l'issue de sa 814e enquête.

Elle restera vice-présidente de l'Amicale des infirmières pilotes secouristes de l'Air, jusqu'à sa retraite en 1952.

Historienne et écrivain

Elle est l’auteur de plusieurs ouvrages aéronautiques qui lui valurent de nombreux prix.

Le résultat de l'ensemble de ses recherches et des récits des derniers combats d'aviateurs morts pour la France, sont relatés dans un ouvrage qu’elle fit paraître en 1942, pendant la Seconde Guerre mondiale à Paris aux éditions Fasquelle : "Disparus dans le Ciel", livre préfacé par le général René Chambe. Le livre fut saisi, brûlé et interdit par l'occupant en 1943 et couronné par le prix Montyon en 1944. La préface, écrite par le général Chambe, pilote et historien débute ainsi : "Lecteurs, levez-vous ! Ce n’est pas assis qu’il faut lire un tel livre, mais debout. Car, à vrai dire, ceci n’est pas seulement un livre, mais beaucoup plus. C’est une œuvre d’action. Et la plus pure qui soit".

Elle écrivit de nombreux autres ouvrages retraçant les conditions difficiles de la Mission qu'elle s'était dévolue et exaltant notamment la mémoire d'aviateurs morts pour la France : "La Couronne t’attend", "Cap sans retour". Elle a également consacré un livre à ses consœurs des IPSA (les Infirmières Pilotes et Secouristes de l’Air de la Croix-Rouge) : "Jusqu’au sacrifice".

Elle quitte Paris en 1952 et vient s'installer à Tournon et se consacre à l'écriture.

Germaine L’Herbier-Montagnon, veuve, devient Germaine Peyron-Montagnon, à la suite de son remariage en 1966, avec André Peyron, un généalogiste de Saint-Étienne qui possède une importante bibliothèque généalogique ; ensemble ils vont étudier les personnages auxquels tous deux s'intéressent.

À Tournon, elle se tourne alors vers l'histoire locale et les personnages du terroir. Elle écrit de nombreux ouvrages sur Tournon et son patrimoine historique dont "François 1er et sa famille ; le Dauphin François mort à Tournon en 1536" ; "La Chronique de l'église et paroisse Saint-Julien-de-Tournon, 1300-1900". Sans oublier, "Centenaire du Journal de Tournon", l'histoire du journal de Tournon de 1877 à 1977.

Elle reçoit les palmes académiques et la médaille vermeil, au grade de commandeur, sections lettres de la société d'encouragement au progrès.

Elle sera aussi membre des Vieilles Tiges, Groupement Antoine de Saint Exupéry, sous le n° 528 en date du 13 janvier 1977.

En mars 1980, elle reçoit la médaille de la ville de Tournon, "C'est une des dernières joies que vous venez de me donner, je vous en remercie". Au journaliste du Progrès qui s'étonnait de son extraordinaire dynamisme, Germaine Peyron-Montagnon livrait son secret :

"Je suis de l'Ardèche, cela veut tout dire !".

Malade et alitée les dernières années de sa vie, elle décède à l’âge de 91 ans, le 29 juillet 1986, dans sa ville natale, où elle s’est retirée depuis plus de trente ans. Son corps repose au cimetière de Tournon.

Le 26 juin 2013 le conseil municipal de Tournon-sur-Rhône a attribué à l'unanimité à sa sépulture le caractère d'une concession "honorifique perpétuelle", permettant ainsi à celle qui avait tant fait pour assurer à des aviateurs une sépulture digne de leur sacrifice, de reposer définitivement en paix dans la terre natale qu'elle chérissait.

Sources

- Journal sur internet : e-JTT.fr, Germaine Peyron-Montagnon, le 19 juin 2013.

- Le fonds "Germaine L’Herbier-Montagnon" se trouve au Service historique de la Défense, au château de Vincennes.