Pierre Rabhi n'est pas ardéchois de naissance, il est ardéchois de cœur.
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Pierre Rabhi |
Il est né en 1938 à Kenadsa près de Béchar, une oasis dans le sud de l'Algérie. Sa mère meurt alors qu'il est âgé de 4 ans. Son père, forgeron, musicien et poète, lui fait alterner l'école coranique et l'école française jusqu'à l'âge de 14 ans. Pierre est confié à un couple de Français, un ingénieur et une institutrice, venus travailler à la Compagnie des Houillères de son village natal.
Pierre quitte Kenadsa pour Oran avec sa famille d'adoption et y suit deux années d'études secondaires, tout en conservant l’héritage de sa culture d’origine. À l'âge de 16 ans, il choisit de se convertir au christianisme (il dit aujourd'hui "ne plus se sentir lié à aucune religion en particulier"). Il commence à travailler, d'abord dans la dentisterie, puis en tant qu'employé de banque.
Lorsque la guerre d'Algérie éclate en 1954, il se trouve dans une situation de double exclusion, fâché avec son père pour s'être converti, et avec son père d'adoption qui l'avait mis à la porte à la suite d'un conflit, juste au début de la guerre. Il décide de partir s'installer en France, à Paris en 1958.
Il est alors ouvrier dans une entreprise parisienne et met en cause les valeurs de compétition de la modernité. En 1960, avec sa femme Michèle, une parisienne, il quitte la capitale pour s’installer en Ardèche. Ouvrier agricole pendant trois ans, il pratique ensuite l'agro-écologie et l'élevage caprin dans sa ferme en Cévenne ardéchoise où après des débuts difficiles, il accueille et forme une quarantaine de stagiaires. Il récuse déjà fortement la logique productiviste appliquée à l’agriculture dont les conséquences dévastatrices révèlent aujourd’hui leur ampleur.
En 1972, près avoir fait la découverte de l’agriculture biologique et écologique, il applique avec succès ces méthodes sur sa petite ferme, dans l’agriculture et l’élevage, sur cette terre aride et rocailleuse où grandiront les cinq enfants du couple.
En 1978, Pierre Rabhi est chargé de formation à l'agro-écologie par le CEFRA (Centre d'études et de formation rurales appliquées).
A partir de 1981, Pierre Rabhi commence à transmettre son expérience agroécologique et met au point divers programmes de formation en France, en Europe et en Afrique. Sur l’invitation du Burkina Faso en tant que " paysan sans frontière " à la demande du gouvernement de ce pays et avec le soutien du CRIAD (Centre de relations internationales entre agriculteurs pour le développement) ; Pierre Rabhi organise le premier programme d’agroécologie qu’il propose comme alternative aux paysans confrontés au marasme écologique (sécheresses) et économique (cherté des engrais et pesticides).
En 1985, il fonde le centre de formation à l'agro-écologie de Gorom Gorom, avec l'appui de l'association " Le Point-Mulhouse ".
En 1988, Pierre Rabhi est reconnu comme expert international pour la sécurité alimentaire et la lutte contre la désertification, comprise comme tout processus qui porte atteinte à l’intégrité et à la vitalité de la biosphère, et ses conséquences humaines. Il participe à des programmes d’échelle mondiale y compris sous l’égide des Nations-Unies.
En 1989, Il fonde le CIEPAD (Carrefour international d'échanges de pratiques appliquées au développement) avec l'appui du Conseil général de l'Hérault : mise en place d'un " module optimisé d'installation agricole ", de programmes de sensibilisation et de formation, lancement de nombreuses actions de développement à l'étranger (Maroc, Palestine, Algérie, Tunisie, Sénégal, Togo, Bénin, Mauritanie, Pologne, Ukraine...)
En 1992, il lance le programme de réhabilitation de l'oasis de Chenini-Gabès en Tunisie.
Depuis 1994, il anime le mouvement " Oasis en tous lieux ", visant à promouvoir le retour à une terre nourricière et la reconstitution du lien social. La même année il fonde l'association Les Amis de Pierre Rabhi, rebaptisée en 1998 Terre & Humanisme. L'association a pour activité la transmission de l’agroécologie pour l’autonomie alimentaire des populations et la sauvegarde des patrimoines. Installation au Mas de Beaulieu en Ardèche comme base logistique des activités et lieu de démonstration, d'expérimentation et de formation.
En 1997 et 1998, Pierre Rabhi intervient à la demande de l'ONU dans le cadre de l'élaboration de la Convention de lutte contre la désertification (CCD) et est appelé à formuler des propositions concrètes pour son application.
De 1999 à 2001, il lance de nouvelles actions de développement au Niger (région d'Agadez), au Mali (région de Gao) et au Maroc (Kermet BenSalem, Dar Bouaza, Taroudant).
En 2002, encouragé par de nombreux amis, Pierre se lance dans une campagne éléctorale à la présidentielle "non conventionnelle" en proposant de replacer l'Homme et la Nature au cœur de la logique. Sa campagne a en très peu de temps suscité une mobilisation exceptionnelle, récolté la signature de nombreux élus et donné naissance à plus de 80 comités départementaux de soutien: les colibris.
En 2004, il crée le projet d'un centre agroécologique à La-Roche-sur-Grâne dans la Drôme, lieu d'accueil, d'hébergement et de pédagogie voué à l'écologie et porteur des valeurs de Terre et Humanisme de sa conception à sa gestion.
Il crée en 2007 le Mouvement pour la Terre et l'Humanisme, appelé ensuite mouvement Colibris, dont la mission est d'aider chacun à construire, à son échelle, de nouveaux modèles de société fondés sur l’autonomie, l’écologie et l’humanisme. Colibris tire son nom d’une légende amérindienne, racontée par Pierre Rabhi : "Un jour, dit la légende, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient impuissants le désastre. Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit : « Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ! »Et le colibri lui répondit :« Je le sais, mais je fais ma part. »
En avril 2010, la Fondation Pierre Rabhi est créée, sous l’égide de la Fondation de France, grâce au soutien financier de 7 personnes proches de Pierre Rabhi, interpelées depuis longtemps par sa vision et ses idées. Elles se sont engagées à verser un montant global de 325 000€ sur les cinq premières années. Elles siègent au comité exécutif ainsi que des donateurs, experts, bénévoles, représentants de la Fondation de France et invités ponctuels. L’action de la fondation est en synergie avec celle des structures initiées par Pierre Rabhi depuis le début des années 1990.
La sobriété heureuse
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Pierre Rabhi |
Le 30 mars 2012, Pierre Rabhi, défenseur d'un mode de société plus respectueux de l'homme et de la terre, a reçu Jeanne Codina et Jean-Claude Noyé pour la Revue La Vie dans le cadre d'une rencontre avec l'association des Journalistes pour la nature et l'écologie (JNE). Nous vous proposons un résumé de sa conférence où il déroule son expérience et ses convictions.
Depuis son verger d'oliviers, la vue panoramique plonge sur dix-sept clochers et des espaces infinis bornés au loin par quelques monts. Nul bruit, si ce n'est le chant des oiseaux que le printemps met en joie. Pierre Rabbhi nous accueille dans sa ferme de Montchamp, à quelques encablures de Lablachère, dans la Cévenne ardéchoise. Avec ses éternelles sandales, un pantalon en velours côtelé et un chandail quelque peu hors d'âge, une expression de modestie, sinon de fragilité, se dégage de lui.
Le pionnier de la sobriété heureuse nous reçoit ce vendredi 9 mars dans le cadre d'une rencontre avec une douzaine de confrères de l'association des Journalistes pour la nature et l'écologie (JNE). L'occasion de dérouler son expérience et d'exprimer les convictions qu'il s'est forgées, avec un vrai-talent oratoire. Celui-là même qui avait séduit nos lecteurs lors de l'université de La Vie en juillet 2008, à Strasbourg. L'occasion aussi d'exposer son engagement au sein de Colibris, le mouvement qu'il a lancé appelant à l'insurrection des consciences.
Ni effet de manche, ni harangue appuyée, mais plutôt une sorte de retenue et un humour relayé par des jeux de mots qui font mouche. Ainsi quand il compare la vie de l'homme contemporain à une suite "d'incarcérations", de l'école ("boîte privée ou boîte publique") à l'entreprise ("une boîte qui va fermer !") en passant par la "boîte" (le night club) où l'on se rend en "caisse" (la voiture), jusqu'au cercueil, au terme de notre existence.
Le prophète-paysan veut bousculer les consciences dans la lignée, foi chrétienne mise à part, de Gustave Thibon ou de Marcel Légaut. Un grand monsieur à écouter et à réécouter, à lire et à relire.
Dans une interview du 30 juillet 2013, Pierre Rabhi, propose une nouvelle vision du monde pour nous permettre de mieux le comprendre et l'améliorer.
Philosophe, paysan, écrivain, écologiste, expert mondial en développement... sont autant de casquettes qui font de Pierre un Penseur. Déraciné et insatisfait par notre façon d'Etre dans le monde il a crée sa propre culture : une culture de la vie et du subtil.
Il décide de favoriser un changement positif de notre société en proposant une nouvelle façon de voir le monde. Un regard conscient, critique mais aussi simple et sobre qui nous suggère de revenir à l'essentiel et à prendre soin de la vie.
Mais Pierre est aussi un véritable Homme du terrain qui a su mettre ses idées en actions.
Il est le père de nombreuses initiatives concrètes porteuses de sens et de changement : Les Oasis en tous lieux répondent au problème de la dépendance énergétique, Terre et Humanisme propose les solutions agro-écologiques, le réseau des Colibris valorise et réunis concrètement les acteurs de la société civile, la fondation Pierre Rabhi s'attaque à la faim dans le monde...
Publications de Pierre Rabhi
- Du Sahara aux Cévennes ou la Reconquête du songe (autobiographie), Éditions de Candide, Lavilledieu (Ardèche), 1983, rééd. Albin Michel, Paris, 1995, rééd. sous le titre Du Sahara aux Cévennes : itinéraire d'un homme au service de la Terre-Mère, éd. Albin Michel, Paris, 2002.
- Le Gardien du feu : message de sagesse des peuples traditionnels (roman), Éditions de Candide, Lavilledieu, 1986, nouvelle édition Albin Michel, Paris, 2003.
- L'Offrande au crépuscule (Prix des sciences sociales agricoles du ministère de l'Agriculture), Éditions de Candide, Lavilledieu, 1989, rééd. aux éditions L'Harmattan 2001.
- Le Recours à la terre (recueil d'articles), éd. Terre du Ciel, Lyon, 1995, nouvelle éd. augm. 1999.
- Parole de Terre : une initiation africaine, Éditions Albin Michel, Paris, 1996 (préface de Yehudi Menuhin).
- Manifeste pour des Oasis en tous lieux, ouvrage collectif sous la direction de Pierre Rabhi, 1997.
- Le Chant de la Terre interview par Jean-Pierre et Rachel Cartier, éd. La Table Ronde, Paris, 2002.
- Graines de possibles, regards croisés sur l'écologie, avec Nicolas Hulot, éd. Calmann-Lévy, Paris, 2005, ISBN 2-7021-3589-7.
- Conscience et environnement, Éditions du Relié, Gordes, 2006.
- La Part du colibri : l'espèce humaine face à son devenir, Éditions de l'Aube, La Tour-d’Aigues (Vaucluse), 2006 (témoignage au Festival du livre de Mouans-Sartoux en 2005).
- Écologie et spiritualité, éd. Albin Michel, Paris, 2006. Ouvrage collectif, avec, entre autres, Jacques Brosse, André Comte-Sponville, Eugen Drewermann, Albert Jacquard, Jacques Lacarrière, Théodore Monod, Jean-Marie Pelt, Annick de Souzenelle.
- Préface de Alerte aux vivants et à ceux qui veulent le rester - Pour une renaissance agraire, de Pierre Gevaert, éd. Sang de la Terre, Paris, 2006.
- Terre-Mère, Homicide volontaire ? Entretiens avec Jacques Olivier Durand, éd. Le Navire en pleine ville, Saint-Hippolyte-du-Fort (Gard), 2007.
- Manifeste pour la Terre et l'Humanisme - Pour une insurrection des consciences, éd. Actes Sud, Arles, 2008.
- Préface de La Stratégie du colibri, de Séverine Millet, éd. Minerva, Paris, 2008.
- Préface de Le scénario “Titanic”, et autres métaphores écologiques…, de Hugues Gosset-Roux, éd. Jouvence, Saint-Julien-en-Genevois (Haute-Savoie), 2008.
- Préface de Une seule Terre pour nourrir le Monde, de Florence Thinard, éd. Gallimard Jeunesse, Paris, 2009.
- Pierre Rabhi rédacteur en chef du numéro 77 de la revue Interdépendances, avril 2010.
- Vers la sobriété heureuse, éd. Actes Sud, Arles, 2010.
- Éloge du génie créateur de la société civile, éd. Actes Sud, Arles, 2011.
- Préface de La Terre comme soi-même : repères pour une écospiritualité, de Michel Maxime Egger, éd. Labor et Fides, Genève, 2012, ISBN 978-2-8309-1445-0.
- Un nouveau monde en marche : vers une société non-violente, écologique et solidaire, de Laurent Muratet et Étienne Godinot, éd. Yves Michel, Gap, 2012. Participation de Pierre Rabhi, aux côtés, entres autres, de Akhenaton, Christophe André, Stéphane Hessel (préface), Jean-Marie Pelt, Matthieu Ricard, Jean Ziegler.
- L’Agroécologie pour nos enfants, éd. Actes Sud, Arles, 2013- Préface de Voyage à Païolive en Ardèche méridionale, de Véronique Groseil et Gil Jouanard, Éditions du Chassel, 2013, ISBN 979-10-90929-04-3
Filmographie :
- Au nom de la terre, documentaire dirigé par Marie-Dominique Dhelsing, 2013.
Sources
- Pour une insurrection des consciences, le blog de Pierre Rabhi
- La sobriété heureuse de Pierre Rabhi, dans La Vie du 2 avril 2009