Texte reproduit avec l'autorisation et l'amicale complaisance de Jean-Marc Gardès
Avec Régis Sahuc, le plateau a eu son homme de plume.
Régis Sahuc est né en 1920, originaire d'Usclades-et-Rieutord, de la ferme de Teste-Partide, lui-même fils de fonctionnaire (son père était facteur, sa mère tenait une épicerie), Régis Sahuc a commencé sa vie professionnelle comme instituteur de l'école publique, de la "laïque". Ses premiers postes furent les endroits les plus déshérités du plateau, où seul un natif du pays pouvait accepter des conditions d'isolement aussi difficiles. Ce qui lui a valu, à lui l'enfant du pays, à lui le lettré, d'avoir accès pendant les longues veillées d'hiver, les fameuses "Veillées des Chaumières" (1977), aux histoires des familles qui l'hébergeaient, lui évitant ainsi de braver la burle et les mauvaises routes enneigées pour retourner à Usclades. Ce sont ces lectures de titres et vieux papiers, ces histoires écoutées et patiemment collectées qui, ajoutées aux recherches personnelles qu'il mènera aux Archives départementales, lui serviront de « fond documentaire » pour dresser le cadre historique de la plupart de ses livres et les enraciner profondément dans ce terroir.
Si le Vivarais a eu Albin Mazon (alias le docteur Francus), le Velay Albert Boudon-Lashermes, le plateau a eu son fin connaisseur avec Régis Sahuc. La lecture de ses livres est aujourd'hui une porte d'entrée, incontournable, pour qui veut bien en découvrir l'histoire.
À ce titre-là, son plus fameux livre, son livre le plus abouti et le plus complet, est certainement "Vent d'Usclades" paru en 1966.
La vie, l'histoire de la vie, verra encore Régis Sahuc entrer en Résistance pour fuir le Service du Travail Obligatoire et rejoindre les forces armées de Libération sur le front des Alpes, "Sur les traces du bataillon Ravel" (1946). Et puis, à un autre tournant de l'histoire, controversé celui-là, on le retrouvera participant à sa façon, c'est-à-dire en qualité d'instituteur, à la guerre d'Algérie pendant la "Toussaint rouge" (1991). Déçu par la politique mené par De Gaulle, il se rapprochera même de l'Organisation de l'Armée Secrète.
Revenu en métropole, il sera rattrapé par le démon de l'histoire et, de Paris où il vivra un temps, ou de l'ancienne Anicium (Le Puy-en-Velay), il reprendra son travail de recherche en faisant publier de nombreux articles dans la Revue du Vivarais sur sa période de prédilection : les XVIIIe et XIXe siècles. À croire que les traces laissées par la Révolution française sur le plateau, les échos des batailles que menaient les "Bleus" contre "Les chouans des hautes terres" (1944 et 1988) qui s'étaient enrôlés "Sous l'étendard blanc" (1962), étaient encore audibles du vivant de l'auteur.
Il est vrai que cette "Terre occitane" (1975), que ces "Terres maudites" (1981), dispensaient d'aller chercher bien loin des sujets d'étude en fournissant suffisamment de "matière locale".
Peyrebeille, " L'auberge rouge" (1973), a aussi passionné Régis Sahuc et ses recherches ont été reconnues et appréciées par tous ceux qui, à sa suite, se sont intéressés à cette affaire.
L'historien communiquait : il écrivait. Régis Sahuc recevait aussi beaucoup dans sa ferme d'Usclades où sa porte était toujours ouverte pour des discussions et des échanges aussi longs que passionnants. C'était un partageux. C'était aussi un homme de terrain. L'auteur de ces lignes qui, jeune homme, l'avait abordé pour la première fois dans sa demeure familiale, n'est pas prêt d'oublier certaine visite faite sur le site du camp d'Antouno avec l'association des Amis d'Albert Boudon-Lashermes à laquelle participait l'érudit du plateau.
L'écrivain a poursuivi ses échanges épistolaires ou oraux avec ses correspondants lorsqu'il s'est installé au Puy, puis, plus tard à Coubon où, pour des raisons de santé, et d'âge, il a du intégrer une maison de retraite. Retraite ? Pas tout à fait ! Le virus de l'histoire était toujours bien vivant et s'en rappellent les membres des sociétés savantes de la Haute-Loire, comme les correspondants des journaux locaux et revues avec lesquels il a entretenu de nombreuses relations, communiquant toujours le résultat de ses recherches et investigations.
Régis Sahuc est mort de la plus triste mort qui soit. Celle qu'il n'aurait sans doute pas aimée : d'hypothermie dans un arrêt de bus après avoir raté le car qui faisait la liaison Coubon-Le Puy. Les neiges du plateau, celles qu'il a tant chantées, tant embellies, ne lui auront pas fait le « blanc manteau » dont il aurait sans doute rêvé…
Au-dessus du cimetière d'Usclades, quand reviennent l'automne et la brume, alors tout le charme, toute la magie de l'écriture de Régis Sahuc agit pour dire, de façon unique, la beauté, à la fois triste et profonde de ce beau pays…
L'écrivain a raconté sa vie dans un livre autobiographique, le dernier qu'il ait donné a publier à l'éditeur auquel il a toujours été fidèle. Le fils du pauvre (342 pages), est paru aux éditions Jeanne d'Arc, au Puy-en-Velay, en 1994.
Œuvres de Régis Sahuc
- Vent d'Usclades : Us et coutumes dans les montagnes de l'Ardèche, Imprimerie Jeanne d'Arc, Le-Puy-en-Velay,, 1966.
- Terres maudites : au nom de Bel, dieu des Arvernes, des Vellaves et des Helves, Imprimerie Jeanne d'Arc, Le-Puy-en-Velay, 1981.
- Sous l'étendard blanc, Imprimerie Jeanne d'Arc, Le-Puy-en-Velay, 1962.
- L'Auberge rouge ou la Véridique histoire du maître de Peyrebeille, Imprimerie Jeanne d'Arc, Le-Puy-en-Velay, 1973.
- Chouans des hautes terres, Habauzit, Aubenas 1944.
- Sur les traces du bataillon Ravel : la dernière épopée, Mazel, Largentière, 1946.
- Terre Occitane : Chemins de nulle part aux marches d'Auvergne, Imprimerie Jeanne d'Arc, Le-Puy-en-Velay, 1975.
- Veillées des chaumières en 1793, Imprimerie Jeanne d'Arc, Le-Puy-en-Velay, 1977.
- Le glaive du dieu Tarann, Éditions du Scorpion, 1964.
- La Légende de la cloche pleine d'or de l'abbaye de Mazan : conférence donnée à Mazan le 27 avril 1984, co-auteurs : A. Chareyre, et Albert Robert, édité à Privas (s.n.) en 2003, 36 pages.
- La Toussaint rouge : choses vues par un ex-officier des Affaires indigènes, Imprimerie Jeanne d'Arc, Le-Puy-en-Velay, 1991.
- Les Chemins qui montent ou la misère au Cros-de-Géorand, Revue du Vivarais, No 4, octobre-décembre 1994, p. 285-294.
- Le Fils du pauvre : mémoires et portraits. Récit autobiographique, Imprimerie Jeanne d'Arc, Le-Puy-en-Velay, 1994
Sources :
- Contes et légendes du plateau ardéchois / Jean-Marc Gardès ; ill. de Hubert de Bree ; préf. de Régis Sahuc / Montmélian : la Fontaine de Siloé , 1995.