Moine franciscain,
Début de la culture de la pomme de terre
La pomme de terre (Solanum Tuberosum) a commencé à être cultivée par les Amérindiens en Bolivie, au Pérou et au Chili. L'Espagnol Pedro Cieza décrit les "papas" vraisemblablement en 1533, bien qu'un manuscrit de la BNF mentionne la date de 1553. Des plants de pomme de terre sont cultivés aux Canaries (à mi chemin entre l'Amérique et l'Espagne). On trouve la première trace écrite des "patatas" dans un bon de livraison daté du 25 novembre 1567 entre Las Palmas (Canaries) et Anvers. En 1574, un autre bateau venant des Canaries en livre à Rouen en 1574. Il semble que les premières plantations en Europe continentale se font vers 1570.
Introduction de la pomme de terre en France par Pierre Sornas
D'après M. Charles du Faure de Saint-Sylvestre, marquis de Satilieu (1752-1814), homme de lettres et homme politique ardéchois, député de la noblesse sous la Révolution et premier président du Conseil Général de l'Ardèche en 1802, qui a écrit un opuscule intitulé "La Truffe en France", la pomme de terre, ou truffe, ou trufolla, aurait été semée pour la première fois en France, en 1540 :
" La pomme de terre était connue sous le nom de truffole, et c'est vers 1540, dans notre Haut-Vivarais, sur le territoire du village de Saint-Alban d'Ay, au hameau de Bécuze à trois lieues d'Annonay que ce tubercule a été semé pour la première fois dans le Royaume, ayant été importée par un moine franciscain de Tolède, en Espagne, nommé Pierre Sornas, natif de Bécuze, qui très âgé, s'était retiré dans sa famille. De Saint-Alban d'Ay, la culture de la truffole s'étendit aux localités et villages voisins : Annonay, Satillieu, Saint-Romain d'Ay, Saint-Jeure d'Ay, Préaux, Saint-Symphorien-de-Mahun, Quintenas, Roiffieux et Vanosc, puis dans toute la partie septentrionale du Vivarais, où des vastes champs furent ensemencés en truffoles et qu'on appela truffoliers. La truffole fut d'abord une nourriture pour les bestiaux, le porc principalement; mais on ne tarda pas à mettre cet aliment sur la table, chez le paysan et chez l'artisan, puis chez le seigneur. Tous le trouvèrent agréable au goût, nutritif. En 1585, il y a deux cents ans, la truffole était une marchandise courante, à Annonay, Satillieu, Saint-Félicien, La Mastre, Le Cheylard et Tournon, puis Saint-Péray et Valence. Au commencement du dix-septième siècle, la truffole se cultivait aussi dans le Dauphiné, le Forez, le Velay, une partie de l'Auvergne, et dans quelques autres provinces".
Différents noms de la "pomme de terre"
Un botaniste, Pierre de l'Écluse, a cultivé, en 1588, quelques pommes de terre pour les examiner et les a appelées "taratufli" (petite truffe). Ce qui a donné kartoffel en Allemagne et cartoufle en français. Joël Ferrand, étudiant les différentes appellations de la pomme de terre dans les différents patois ardéchois retrouve : cartoufle (influence germanique et protestante) chez Olivier de Serres en 1600, tartifle (influence prussienne) en patois du Bas-Vivarais du côté d'Aubenas à partir de 1820, et truffe et truffole (influence latine et catholique par l'Espagne) ; appelée dans la région "Trifole" lorsqu'elle est en plantes (du latin "tri folia" : trois feuilles ), trifolà en patois du Haut-Vivarais.
Les soldats espagnols et anglais, assimilant la pomme de terre à la patate douce (papas), l'appelle "petite patate" : patata en espagnol, potatoe en anglais. La pomme de terre s'appellera pomme de terre, en français, à partir de 1716. La pomme de terre passe d'Espagne en Allemagne via les armées espagnoles pendant la guerre de Trente Ans. Parmentier la découvre en Allemagne et la fait connaître à Paris en 1783.
L'historien Joël Ferrand indique également : "grâce aux livres de raisons laissés par l'avocat protestant Isaac Tourton, nous savons qu'à la date du samedi 10 avril 1694 "les truffes blanches" se sont vendues 22 sols la quarte au marché de la place de la grenette. Ces documents présentent la caractéristique d'être, à ce jour, les plus anciens écrits connus attestant officiellement de la vente de pommes de terre sur un marché public en France".
D’abord utilisée pour la nourriture des bestiaux, elle fut longtemps calomniée, accusée de donner la lèpre et de produire un aliment "flattueux" et indigeste juste bon pour les "palais grossiers".Puis, on la retrouva rapidement sur toutes les tables de la région, même celle des seigneurs, et bien vite au-delà.
Vulgarisation de la pomme de terre par Parmentier
C'est Antoine Augustin Parmentier qui usa de "différentes stratégies médiatiques" pour prouver l'intérêt alimentaire des tubercules de pomme de terre : il fit cultiver ce légume dans les jardins du Roi Louis XVI.
Les gardes du Roi protégeaient les jardins le jour mais pas la nuit, ce qui suscita l'intérêt du peuple, encouragea le vol, et lui permit de récupérer des plants pendant la nuit.
Sources
- Recherches historiques et publications universitaires de Joël Ferrand (Fonds Muséographique Découverte Delta depuis 1980) www.truffole.com
- Ces nourritures qui nous soignent par Claude Revol - dans les Cahiers du Mézenc n°2, 12 allée du Jardin des Hespérides 69340 Francheville.
- L'héritage d'Amérique, Maître Chiquart . Association Maître Chiquart.
- Proverbes et dictons d'Ardèche et savoir populaire, Editions de Candide, Lavilledieu, 1983.