Jean-Antoine Souteyran est né sur le plateau ardéchois, au Béage , le 16 mai 1785, fils de Victor Souteyran natif du lieu de Touzières et de Isabeau Giraud sa mère originaires des Estables.
Son enfance à la ferme paternelle ne diffère pas de celle des autres petits paysans de la Montagne Ardéchoise. Il apprend à lire et à écrire à l'école communale surtout pendant la période hivernale ; il garde le troupeau et travaille aux champs comme ses frères et sœurs pendant la bonne saison.
Mais les travaux de la terre ne l'intéressent pas. Il a vingt ans lorsqu'il entend parler des guerres de Napoléon, certes de façon assez vague, car les nouvelles arrivent mal dans ce bourg reculé de l'Ardèche. Ébloui par le succès remporté par l'empereur à la bataille d'Austerlitz en décembre 1805, il décide de devenir militaire. Jean-Antoine Souteyran abandonne la ferme familiale et la vie de paysan pour se faire incorporer au troisième Régiment d'Infanterie en 1805.
Après une rapide instruction militaire, il rejoint les "Bataillons de Guerre" qui font campagne en Prusse. Il est au côté du général de brigade Mouton, aide de camp de Napoléon qui se distingua justement avec le maréchal Soult à la bataille d'Austerlitz.. Quelques mois plus tard, le 14 octobre 1806, il est à Iéna où il recevra le baptême du feu. La contribution de l'infanterie, sans l'aide de l'artillerie, à cette victoire est décisive, et Jean-Antoine Souteyran fait partie des fantassins attaquants et survivants !
Quelques jours après, sous les ordres de Murat et de Lannes, il se bat à Ptentzlow (28 octobre 1806), puis à Radhow (7 novembre 1806). L'année suivante - le 8 février 1807 - il prend part à la bataille d'Eylau. Le cavalier Murat et le général Savary remplaçant Lannes blessé, réunissent tous les 8 000 cavaliers disponibles qui font trembler la ville et affrontent l'armée russe dirigée par le général Bennigsen ; c'est le maréchal Ney, avec ses fantassins, qui finalement relève la situation. Napoléon, bien que vainqueur a perdu 7 000 hommes dont 7 généraux et 6 000 soldats sont blessés. Cette bataille fut la plus coûteuse en hommes de l'épopée napoléonienne, après Leipzig en 1813 et un des plus terribles affrontements de tout l'Empire.
Toujours avec la grande Armée, aux côtés de Lannes, Davout, Murat, Ney et Mouton, il participe encore à la bataille de Friedland, avant de quitter l'Allemagne et d'être affecté à l'Armée d'Espagne, il écrit à son père :
"Cher Pa, je ne veux pas te dire, ce que je vois, mais crois que j'en vois…".
De caporal, il passe sergent au 64e régiment d'infanterie le 1er avril 1809.
Il participera ainsi, au cours de cette longue guerre d'Espagne qui durera sept ans, aux combats de Lazobisco en août 1807, puis à celui d'Ocana en novembre 1809, aux prises de Lénda le 14 mai 1810, de Méquinenza, de Tostoea, de Tarragone, à la bataille de Sagonte et enfin à la prise de Valence en 1812. En 1813, il est récompensé de ses brillants et courageux états de service par la remise de l'épaulette de sous-lieutenant. Le 12 août 1813, il reçoit cette lettre signée du ministre des Armées, Clarke duc de Feltre :
"L'Empereur, sur les bons renseignements qui lui sont parvenus à votre sujet, vous a nommé 1er Porte-Drapeau du 64e Régiment d'infanterie. Sa majesté compte qu'entre vos mains l'Aigle du Régiment soit toujours défendu".
Drapeau du 64e régiment d'Infanterie |
C'est par un décret impérial du 18 février 1808 relatif à la composition des régiments d'Infanterie légère de ligne que furent créés les Portes-Aigle.
Jean-Antoine Souteyran ne prend pas part à la campagne de Russie. Mais pendant les Cent Jours, trois ans plus tard, le 18 juin 1815, il se bat encore héroïquement à Waterloo. Après la défaite subie par l'empereur dans cette "morne plaine" et le retour des Bourbons sur le trône, Jean-Antoine Souteyran est renvoyé dans ses foyers, avec une demi-solde.
Revenu au Béage, il retrouve le travail à la ferme et attend des jours meilleurs… En est-ce fini de la vie militaire ?… Il se marie en 1816, à l'âge de 31 ans, avec une amie d'enfance, Rose Faure, native des Farges, qui lui donnera un fils et deux filles.
Avec tous les anciens officiers de l'Empereur considérés comme suspects par le gouvernement de Louis XVIII, il est alors obligé de vivre une sorte de liberté surveillée et, chaque semaine, il doit se présenter devant le maire du village. Heureusement pour lui, cette situation ne durera qu'un temps, et Charles X mettra vite un terme à cette obligation.
Mais il faut croire que le bruit des armes lui manquait car Jean-Antoine Souteyran quittera à nouveau sa montagne natale pour rejoindre le 2e Régiment de ligne où il sera promu capitaine et recevra la Croix de la Légion d'Honneur (décret du 1er mai 1831). Décoration exprimant, selon le vœu de Napoléon Bonaparte lui-même, la volonté de la Nation de, tout à la fois, distinguer, honorer et récompenser les plus méritants de ses enfants, qu'ils soient militaires ou politiques.
Après la révolution de 1830, sa quarante-septième année trouve un Jean-Antoine Souteyran usé par toutes les guerres auxquelles il a pris part aux quatre coins de l'Europe. Il quitte l'armée, cette fois définitivement, et regagne encore une fois ses hauteurs ardéchoises où une nouvelle vie l'attend. Il se remémorera la phrase de Napoléon à ses soldats après les rudes batailles :
"Après plusieurs générations, vos descendants honoreront toujours votre mémoire".
En effet les Béageois, admiratifs devant ses faits d'armes, le portent à la tête de leur commune. Jean-Antoine Souteyran va alors s'acquitter de cette nouvelle charge avec beaucoup de conscience et d'humanité.
Sous Napoléon III, à Paris on pense toujours à lui : il est décoré de la médaille de Sainte-Hélène (1857).
Après plusieurs années à la direction des affaires de la commune, il passe la main à son fils Cyprien qui exerça à son tour les fonctions de maire pendant plusieurs années. Et c'est encore un Souteyran, son petit-fils Clovis, qui succédera à Cyprien.
Jean-Antoine Souteyran aura la douleur de perdre sa femme Rose Faure, dans sa 63e année. Celle-ci décède le 31 décembre 1860 dans leur maison des Farges. L'acte de décès sera signé par le fils de la défunte, Cyprien Souteyran , en sa qualité de maire et officier d'état-civil. Et c'est encore Cyprien Souteyran qui signera l'acte de décès de son père le 27 avril 1864. Le capitaine Souteyran décèdera à l'âge de 79 ans, lui aussi dans la maison des Farges.
Depuis lors, il repose dans le petit cimetière du Béage où, de son vivant, il avait pris la précaution de faire tailler la belle pierre tombale à l'effigie de l'Empire qui lui sert toujours de sépulture.
Sources
- Le capitaine Jean-Antoine Souteyran du Béage, par Jean-Marc Gardès, Le Saviez-vous ? ENVOL n° 587 février 2009
- Capitaine Jean-Antoine Souteyran, par Jackie Lefèvre-Mouton , SAGA n° 114
- Madame Jackie Lefèvre-Mouton, SAGA n° 114, origines ardéchoises n° 33, pp. 8-9.