Protestant ou catholique, l'Ardéchois a mené un combat incessant
pour affirmer sa foi.
Après la proclamation de l'Édit de Nantes par Henri IV en 1598 ; l’édit de Révocation de Louis XIV en 1685, ôtait toute existence légale aux protestants français. Ils subirent des humiliations : concubinage au lieu de mariage, leurs enfants "bâtards" n'avaient pas d'existence légale, ils étaient "incapables" d’hériter ou de travailler, leurs morts étaient ensevelis à l’extérieur des cimetières... La fidélité héroïque des pasteurs du "Désert" les sauva de la destruction et apporta au pays la liberté.
Antoine Court, le pionnier de la restauration du protestantisme en France au XVIIIème siècle, naquit le 27 mars 1695 à Villeneuve-de-Berg, dix ans après la révocation. La guerre des Camisards venait de finir. Son père Jean Court, exerçait la profession de cardeur, sa mère Marie Gébelin tenait une épicerie. La famille avait depuis longtemts été obligée d'abjurer sa foi protestante ; l'enfant fut donc baptisé catholique, en dépit des convictions religieuses de ses parents. Son père mourut en janvier 1700.
À l'âge de 7 ans, Marie Court conduisit son fils à l’école et demanda l’application des corrections nécessaires. Antoine craignait le fouet plus que la mort et apprit en trois ans tout ce que pouvait lui enseigner le maître.
Élevé dans la foi réformée par sa jeune mère veuve, en des temps où il était dangereux de se réclamer de la Réforme évangélique, Antoine, avide de savoir, fréquente par obligation les petites écoles catholiques de Villeneuve-de-Berg. Il était encore jeune lorsqu’il assista aux côtés de sa mère aux assemblées nocturnes du Désert dans la ferveur des prières et de lecture de la Bible. À cette occasion, il découvrit différentes facettes du protestantisme dont celles représentées par les Inspirés (croyants non violents) et les Prophétesses (femmes peu éduquées mais possédant une réelle ferveur biblique et une capacité à remobiliser les protestants) dont il condamnera plus tard les excès. Son chemin était donc tout tracé...
En 1713, à 18 ans, quoiqu'il ne fût pas encore pasteur, mais simple proposant ou "prédicant", il fit part à sa mère de ses nouveaux projets : "Mère, les derniers pasteurs sont morts ou exilés, les Églises réformées sont perdues s’il ne se lève de nouveaux ministres de l’Évangile. Avec l’aide de Dieu, je serai un de ceux là ".
Prédicant du Désert
Il commença, en 1715, à parcourir les Cévennes, à rassembler ses frères, d'abord au nombre de dix à douze, puis de quinze à trente, soixante, au plus cent personnes, dans quelque caverne ou grange écartée. Il convoque, rassemble et apparaît de plus en plus comme un chef spirituel. Une chaire portative était dressée (meuble formé d'un double X en bois, supportant, vers sa base, un plateau où montait le prédicateur), chacun sachant que l’officiant risquait sa vie. Intrépide, indifférent au danger, toujours en marche, il incarnait aux yeux des quelques protestants qui se sentaient abandonnés, un guide.
Le 21 août 1715, Antoine Court et quelques-uns de ses amis réformés restés fidèles à leur foi malgré les persécutions, se réunissent dans un lieu désert - aux Montèzes, près de Monoblet (village dans les Cévennes Gardoises), - jettent les bases de la restructuration du protestantisme. C'est le premier synode du Désert. Bravant l'ignorance, le fanatisme et les persécutions (sa tête était mise à prix dix mille livres), il élabore un plan d'action pour restaurer en France le Protestantisme. Ils élirent, à l'exemple des anciens synodes, un Modérateur, remirent en vigueur les anciens règlements Éclésiastiques et interdirent la prédication aux prophètes Cévenoles, tombés dans le fanatisme.
Pour atteindre ce but quatre moyens s'offrirent à lui :
1 "Instruire les peuples dans les assemblées religieuses"
2 "Réorganiser les consistoires et les synodes"
3 "Rétablir l'usage de la discipline de l'église réformée", ramener à des idées plus saines les "esprits exaltés"
4 "Former et instruire des pasteurs".
De 1718 à 1729, il parcourut inlassablement de jour comme de nuit les chemins languedociens, organisant des synodes.
En novembre 1718, Antoine Court est consacré pasteur par l'ancien camisard Pierre Corteiz qui avait lui-même obtenu lui-même à Zürich la consécration pastorale. Ce qui fait de lui le premier pasteur consacré sur le sol français depuis la révocation de l'Édit de Nantes.
En 1718, Court rassembla un synode composé de quarante-cinq membres, ministres et anciens, pour travailler plus énergiquement encore au rétablissement de l'Église réformée de France Ce synode régla toutes les questions du ministère et du culte. Pour apprécier ces actes, il faut se rappeler que dans ce temps là chaque pasteur surpris célébrant un culte était condamné au gibet, et qu'un diplôme de consécration au saint ministère s'appelait un brevet de potence !…
Vers la fin de 1720, il se rend pour deux ans à Genève où il peut compléter sa formation théologique. Il y noue en outre des relations particulièrement utiles pour désenclaver les églises du Désert. À son retour en France, il se marie en 1722 avec Étiennette ou Élisabeth Pagès. Ils auront deux enfants : Antoine Court de Gébelin ( né vers 1725 à Nîmes et mort à Paris le 10 mai 1784) et Marguerite (dite Pauline) Court née vers 1724 ou 1726 peut-être à Nîmes elle aussi, et morte après 1760, elle aurait épousé un Vialatte.
En 1726, le premier synode, qualifié de "national", se tient dans les Boutières près de Crau à Saint-Pierreville. Il recense quatre pasteurs (dont deux - Antoine Court et Pierre Durand - vivarois ont reçu l'imposition des mains sur le sol français), une dizaine de "proposants" (sorte d'apprentis-pasteurs) . On y revendique Cent-vingts Églises locales "dressées" et 200 000 fidèles ayant repris le chemin des Assemblées.
En 1728, il tint jusqu'à trente-deux assemblées religieuses en deux mois; il compta parfois jusqu'à trois mille auditeurs autour de sa chaire ! Et en 1744, il se trouva entouré d'une assemblée de dix mille âmes, dans ces mêmes lieux où au commencement il ne pouvait en rassembler que dix, vingt, soixante, au plus une centaine !
Les pasteurs clandestins étaient constamment errants d'un lieu dans un autre, sous toutes sortes de déguisements. C'est ainsi qu'Antoine Court vécut pendant vingt ans, se cachant dans les forêts les plus impénétrables des Cévennes, couchant dans les antres des rochers, comme ces anciens prophètes dont le monde n'était pas digne, et plus d'une fois n'échappant que par miracle aux soldats envoyés à sa poursuite.
En 1729, Antoine, pourchassé et menacé, sentant sa vie véritablement menacée, il se rend à Lausanne en Suisse, terre "du refuge". Là, il anime le séminaire qui forme les pasteurs du Désert et appelle à la solidarité internationale envers les victimes des persécutions. Il continuera cependant à former des jeunes envoyés de France.
Restaurateur du protestantisme
Il reviendra une fois en France en juin 1744, pour le 4e "Synode National des Églises Réformées de France assemblé au Désert dans le Bas-Languedoc". À ce synode neuf provinces étaient représentées par dix pasteurs et vingt-quatre anciens, ce qui atteste l'ampleur du mouvement de restauration du protestantisme en France.
Faisant œuvre d'historien, il recueille documents et témoignages aujourd'hui rassemblés dans "Les papiers Court, mémoire du protestantisme".
Il disparut à Lausanne en Suisse, le 12 juin 1760 ayant bien mérité le nom de "Restaurateur" des églises réformées de France.
Il rédige pour l'essentiel au cours des années 1744-1745, et son fils fait publier anonymement l'année de sa mort, son "Histoire des troubles des Cévennes ou de la guerre des camisards sous le règne de Louis le Grand." Il y fait le récit minutieux de la guerre des Camisards dont il ne manque pas d'attribuer l'origine à la politique répressive du roi envers les Protestants, appliquée avec zèle dans le Languedoc par son intendant, Nicolas Lamoignon de Bâville.
Dans sa maison natale, une exposition permanente lui est consacrée à l'Hôtel de Malmazet, à Villeneuve de Berg.
Les temples avaient été rasés, 1 500 ministres expatriés, les livres de piété et les bibles brûlés. Les fidèles emprisonnés en grand nombre, la potence, les galères, la roue et le bûcher constituaient le destin des Protestants. Leur détresse s’exprima sur un des premiers sceaux de l’Église du Désert. Il représente la barque des disciples, couverte par les vagues, entourée de l’inscription: " Sauve-nous, Seigneur, nous périssons !"
Sources
- Voyage au pays Helvien, chapitre XIIV, par Francus, Imprimerie du "Patriote", Privas, 1885.
- Revue de Villeneuve-de-Berg numéro spécial 1984 du centenaire, par Francus.