"De l'honneste comportement en la solitude de la campagne"
Né à Villeneuve-de-Berg en 1539, son père Jacques fait le commerce de draps et tisssus, il est premier consul de Villeneuve-de-Berg puis administrateur-recteur de l'hôpital. Sa mère Louise de Leyris est la fille d'un notaire de Bourg-Saint-Andéol, greffier des États du Vivarais. Son père meurt en 1546 quand Olivier a sept ans, laissant à sa famille une belle fortune , à laquelle s'ajoutait celle de son père Antoine, le grand-père d'Olivier. Olivier l'ainé, va être promu chef de famille avec sa mère comme tutrice. Il a deux frères cadets : Jean et Raymond et deux sœurs Claude et Dauphine.
La famille est protestante et permet à Olivier ainsi qu'à ses frères et sœurs d'accéder à l'enseignement et de voyager en Europe (en Suisse et en Italie).
Très tôt, il fait preuve d'une curiosité intellectuelle semblable à celle des humanistes de la Renaissance. Il reçut une bonne éducation, maîtrisait le latin, le grec, mais aussi le français devenu langue du royaume de France après la signature par François Ier de l'ordonnance de Villers-Cotterêts en 1539. Il quitta Villeneuve à 15 ans, probablement pour l'université de Valence, important centre de diffusion de la pensée protestante. Il y étudie le droit, l'architecture, la médecine, la botaniqueles mathématiques ainsi que les auteurs de l'Antiquité grecque et latine.
Olivier de Serres est décrit tout à la fois comme un huguenot courageux, un agriculteur exemplaire, un savant précurseur, un époux attentionné, un père de famille attentif, un fin lettré et un gentilhomme avisé.
"…tandis que, dans ton siècle, beaucoup allaient vêtus d'armures, la croix sur l'épaule et l'épée au côté, toi tu marchais modestement, en petite collerette, barbiche et coiffé ras, dans un chemin de buis ; la bêche et le râteau étaient tes seules armes", ainsi est-il vu par Edmond Pilon (Collection du Pigeonnier de Saint-Félicien en Vivarais).
Acquisition du Domaine du Pradel
En 1558, à dix-neuf ans, Olivier de Serres choisit de revenir à Villeneuve-de-Berg où il acquiert le domaine du Pradel (en occitan "prat" signifie pré, champ), dominé par la forteresse de Mirabel, de cent cinquante hectares de terre d'un seul tenant, avec un moulin et ses appartenances, situé à une lieue de Villeneuve-de-Berg. Gentilhomme huguenot, il exploite lui-même les terres, où l'ont confiné les guerres de religion qui ruinent le royaume. Le Pradel devint ainsi un laboratoire, une ferme expérimentale, le lieu où l'intuition de la modernité agricole a jailli et où l'essai a administré la preuve empirique de la validité des inventions.
Olivier de Serres n'était pas agriculteur. Aussi, prit-il comme collaborateur un métayer à mi-fruits, nommé Ranc avec lequel il fera un bon travail tout en poursuivant le commerce de draps avec sa mère.
Avec Marguerite d'Arcans, fille du juge de Villeneuve-de-Berg, qu'il épouse le 11 juin 1559, il aura sept enfants (Daniel, Gédéon, Bonne, Ysabeau, Marie, Pierre et Jacques). Il s'occupera aussi des neuf enfants de son frère cadet Jean, pasteur et historiographe d'Henri IV, qui meurt en 1598.
Le domaine Olivier de Serres - Le Pradel à Mirabel (Ardèche),
est actuellement la propriété du Conseil Régional Rhônes-Alpes.
Classé au titre des Monuments historiques depuis 1997.
Guerres de religion, la Réforme
Le 4 janvier 1561, l'assemblée des calvinistes de la ville le chargera d'aller à Genève auprès de Calvin, pour que soit désigné un pasteur pour la ville. Olivier de Serres fera partie de la troupe qui protègera la ville, mais aussi la maison forte du Pradel, position avancée entre Villeneuve et Mirabel, de 1568 à 1572.
Malheureusement les troubles religieux de cette période vont s'intensifier de 1567 à 1570, d'autant plus que le roi expulse hors de France les pasteurs et voue au supplice tous ceux qui professent une autre religion que celle officielle.
Pendant toute cette période, le capitaine Olivier de Serres et son beau-frère Jacques d'Arcons prendront résolument les armes en restant fidèles à leur foi.
Ils organisent méthodiquement des coups de main meurtriers et des escarmouches sanglantes contre les villes catholiques telles que Largentière ou Chassiers. Fines lames, bons cavaliers, tireurs réputés ils se présenteront parmi les meilleurs défenseurs de l'église réformée.
Seigneur du Pradel
En 1571, son ami le très catholique François de Laudun, baron des Astards, lui abandonne pour cinq sestiers de froment chaque année à perpétuité l'ensemble de ses droits seigneuriaux. C'est à partir de cette date qu'Olivier de Serres devient Seigneur du Pradel ou capitaine Pradel. Il dispose alors des droits de gouvernement sur tout son territoire, des droits de police, de justice et de charité. L'année suivante il s'installe définitivement dans sa propriété avec sa famille.
Mais dès l'année d'après, le duc de Guise, ennemi juré des huguenots, rallume les guerres de religion. Des familles entières sont anéanties. Villeneuve-de-Berg à majorité protestante refuse l'autorité royale et l'implantation dans la cité de garnisons catholiques.
Trêves et expéditions militaires
Olivier de Serres décide de reprendre les armes. Pour combattre, il ne veut dépendre que de son Dieu et de son épée.
Après avoir installé sa famille aux Granges de Mirabel, il prend la tête d'une armée protestante et assiège Villeneuve investie par le catholique Laugières, qui a laissé le clergé du diocèse de Viviers tenir un synode dans la ville, en mars 1573. Les chefs calvinistes considérant cette initiativecomme une véritable provocation, se réunirent à Mirabel avec Olivier de Serres et décidèrent de reprendre Villeneuve-de-Berg le 2 mars 1573.
Tout ce qui porte armes sera impitoyablement massacré. Trois journées durant la ville va connaître un spectacle d'épouvante. Alentour, brigandages, viols et meurtres se multiplieront. Une trentaine de prêtres catholiques réfugiés dans l'église furent massacrés ou mutilés. Laugières capitula et les calvinistes reprirent le pouvoir à Villeneuve.
En 1581, des incendiaires brûlant les moulins de Berg vont provoquer une recrudescence des carnages. En 1585, la peste va causer la mort de soixante pour cent de la population vivaraise.
Pendant cette dramatique période, Olivier de Serres et sa famille seront sans cesse au secours des malades survivants. Les portes du Pradel resteront ouvertes à toute la contrée.
Vers 1592/1593, l'embélie politique rend les choses plus faciles, le domaine reprend meilleure allure :
- on peut évaluer, qu'il y avait une soxantaine d'hectares de cultures annuelles (30 pour les céréales, 10 pour les cultures vivrières, 4 à 5 de vignes, une vingtaine d'hectares de prairies, 10 hectares de vergers et jardins).
- Il y avait aussi quelques hectares de bois à feu, des bassins et une garenne.
- Les plantations de mûriers étaient très importantes, puisqu'on en comptait en 1600, environ trois mille, et qu'en 1603, une commande de vingt mille plants par Henri IV avait pu être honorée, vraisemblablement avec l'aide d'un autre arboriculteur.
- On comptait de plus, quelques truies, quelques vaches, trois paires de bœufs, un cheval, un mulet pour l'entretien des vignes et les déplacements, trois charrues, 120 à 159 bêtes à laine, un poulailler.
Ardent défenseur de la foi catholique, le roi Henri III exigera la confiscation de biens et de corps en cas de non conversion au catholicisme des protestants. Son successeur, le roi Henri IV, se convertira finalement au catholicisme en signant l'Édit de Nantes en avril 1598.
Puis, brusquement, le frère d'Olivier, Jean et son épouse succombent, probablement victimes d'un empoisonnement, le 19 mai 1598, le nouveau seigneur du Pradel va devoir alors assumer la charge de ses neveux.
Les méthodes de cultures sont très archaïques à cette époque.
Olivier de Serres fut un des premiers à pratiquer une agriculture raisonnée dans son domaine agricole du Pradel par utilisation de l'assolement (alternance des cultures sur le même terrain). Il découvre que la culture de la luzerne (jusque là inconnue dans la région) enrichit la terre et permet l'année suivante de meilleures récoltes sur le terrain où elle a poussé. Après avoir introduit la herse et la charrue, alors inconnues en pays vivarais, il inventera le semoir mécanique.
Il recommande aux paysans français d'observer un certain nombre de principes par la pratique de plusieurs cultures.
Il importe différentes plantes : la garance des Flandres (teinture rouge), le houblon d'Angleterre (pour la bière).
Il acclimate le maïs et le mûrier, ce dernier importé de Chine permettait la culture du ver à soie, et par conséquent la production du fil pour confectionner le textile.
En établissant un réseau de canalisations d'eau issue du Coiron, il irrigue ses vergers et ses prairies dont les rendements sont ainsi doublés.
Aussi, lorsqu'en avril 1598 Henri IV, après la publication de l'Édit de Nantes, lance un appel aux bonnes volontés pour ressusciter le royaume, Olivier de Serres se met à son service.
En effet le royaume d'Henri IV est dévasté par les guerres de religion, il est pris dans l'engrenage dramatique de la misère paysanne, des disettes et des famines.
Voyage et séjour à Paris
En novembre 1598, Olivier de Serres se rend à Paris pour solliciter une aide matérielle, afin de pouvoir élever les enfants de son frère Jean, grand historiographe du royaume. Le roi ne reçoit pas Olivier de Serres.
"Théâtre d'Agriculture et Mesnage des Champs"
Il a transporté avec lui son énorme ouvrage de mille pages, dans lequel il a consigné toutes ses notes, écrit dans une langue agréable : "Théâtre d'Agriculture et Mesnage des Champs". Le mot "théâtre" désigne les traités qui exposent les théories, comme s'il s'agissait de personnages d'une scène. Le terme "Mesnage des champs " désigne la façon dont on doit faire usage, "manier" la terre et dévoile le cœur même de la réflexion d' Olivier de Serres. C'est ce terme qui est à l'origine du mot anglais "management".
Dans l'espoir de rencontrer Henri IV, Olivier s'installe à Paris et en profite pour s'occuper de l'édition du livre d'agriculture qu'il a écrit.
En février 1599, Jamet Mettayer publie un chapitre de l'ouvrage relatif à l'élevage du ver à soie, sous le titre « Traité de La cueillette de la soye par la nourriture des vers qui la font"; échantillon du Théâtre d'Agriculture d'Olivier de Serres, seigneur du Pradel .
En juillet 1600, cette première encyclopédie rurale : "Théâtre d'Agriculture et Mesnage des Champs", faisant le point de la totalité des connaissances agricoles de l'époque sera publiée et expédiée dans toutes les paroisses de France ! et dix neuf fois rééditée jusqu'en 1675, ainsi que cinq autres éditions depuis 1802, dont une 20ème édition en 1802 sous Napoléon Ier.
Voici comment Olivier de Serres s'exprime dans la préface de son ouvrage : "Il y en a qui se mocquent de tous les livres d'agriculture, et nous renvoyent aux paysans sans lettres, les quels ils disent estre les seuls juges compétans de ceste matière, comme fondés sur l'expérience, seule et seule règle de cultiver les champs. Certes, pour bien faire quelque chose, il la faut bien entendre premièrement. Il couste trop cher de refaire une besogne mal faicte, et surtout en l'agriculture, en la quelle on ne peut perdre les saisons sans grand dommage. Or, qui se fie à une générale expérience, au seul rapport des laboureurs, sans savoir pourquoi, il est en danger de faire des fautes mal réparables, et s'engarer souvent à travers champs sous le crédit de ses incertaines expériences."
Le livre est divisé en huit "lieux" où sont analysées les différentes activités agronomiques et horticoles, depuis la description et l'organisation du domaine jusqu'à la dépense des biens par le propriétaire.
1 Du devoir du mesnager
2 Du labourage des terres
3 De la culture de la vigne
4 Du bétail à quatre pieds
5 De la conduite du poulailler
6 Du jardinage
7 De l'eau et du bois
8 De l'usage des aliments
L'ouvrage décrit ainsi les manières rationnelles de connaître un terroir agricole, d'y cultiver les céréales, le mûrier et la vigne, d'y élever le bétail, la volaille, les abeilles et le ver à soie, d'y façonner un jardin à la fois potager, bouquetier, médicinal et fruitier, d'y aménager étangs, taillis et forêts et aussi d'utiliser les aliments, les habits, les meubles et les outils. Ceci afin de subvenir aux nécessités fondamentales d'une famille d'honnêtes "ménagers" : l'alimentation, le couvert et la santé, mais aussi le profit et le plaisir. Le projet d'Olivier de Serres est assez simple, il propose une philosophie sereine :
. bousculer un mythe paysan antique, celui de la terre fatiguée qui a besoin de se reposer pendant le temps de jachère et de friche pour les remplacer par des cultures fourragères améliorant la fertilité du sol. À cette époque, les paysans ne cultivaient leurs terres qu'un an sur deux par manque de fumier. Le reste du temps, les terres restaient en jachère. Avec Olivier de Serres, la culture de la luzerne et du sainfoin sur les jachères inaugure les prairies artificielles (assolement). Elles régénèrent la terre et engraissent le bétail qui produit du fumier.
. transposer aux champs les expériences novatrices faites dans le jardin, en intensifiant les cultures : la fumure animale du sol, les nouvelles espèces cultivables comme la pomme de terre connue alors sous le nom de cartoufle ou truffe blanche (cultivée en Vivarais bien avant Parmentier), l'irrigation des prairies, la sélection de variétés plus productives, plus résistantes aux maladies ou plus précoces. Il recommande :
• le labour profond, l'alternance des cultures, le soufrage de la vigne ;
• tailler correctement les arbres, organiser et orner les jardins, cultiver la vigne, faire les vendanges et le vin ;
• s'occuper des troupeaux et élever les abeilles ;
• construire de "beaux et bons" bâtiments agricoles ;
• cultiver les orangers ; essayer de nouveaux semis ( melon, artichaut, maïs, houblon, riz et plante la " cartoufle" (pomme de terre) en provenance d'Amérique) ;
• tenter l'extraction du sucre à partir de la betterave (mais sans arriver à un processus rentable) ;
• enfin il prodigue des conseils aux pères et mères de famille sur la manière d'éduquer leurs enfants afin qu'ils sachent faire prospérer leur propriété.
Intérêt pour la sériculture
Sachant que Lyon a obtenu de François Ier en 1540 le monopole de la production de soie, il a vite compris l'intérêt de la sériciculture. Oliver de Serres s'est intéressé à la sériciculture alors embryonnaire en France, un chapitrede son livre est consacré à "la cueillette de la soye et la nourriture des vers qui la font". Il a introduit et fait prospérer le mûrier pour l'élevage du ver à soie dans son domaine au Pradel, en Ardèche. C'est le fruit de son expérience sur l'élevage des chenilles du bombyx (vers à soie), qui se nourrissent exclusivement de feuilles fraîches de mûrier blanc. Parvenues à maturité en trente jours, elles sécrètent alors le filament soyeux qui formera leur cocon. On étouffe les chrysalides dans leurs cocons, pour qu'elles ne brisent pas les fils de soie en sortant. Les écheveaux de soie produits par Olivier de Serres sont mis en vente dans l'échoppe familiale de Villeneuve-de-Berg.
La culture du mûrier était jusque là très localisée. Henri IV voudrait l'intensifier afin de diminuer les sorties d'or nécessaires à l'achat d'étoffes étrangères, "pour, comme le dit Olivier de Serres lui-même, qu'elle se vît rédimée de la valeur de plus de 4 000 000 d'or que tous les ans il en fallait sortir pour la fournir des étoffes composées en cette matière ou de la matière même." Il devient l'ami de Claude Mollet (1563 - 1650), le jardinier d'Henri IV qui réalisa les jardins de Saint-Germain-en-Laye, de Fontainebleau, des Tuileries et de Blois.
Malgré l'opposition de son ministre Sully, afin de donner l'exemple, le roi, après avoir consulté le chancelier Pompone de Bellièvre, Laffemas son surintendant du commerce, son jardinier Claude Mollet, le roi prit l'avis d'un cultivateur expérimenté Olivier de Serres :
"Le roi ayant très bien recognu ces choses, par le discours qu'il me commanda de lui faire sur ce sujet, l'an 1599, prit résolution de faire eslever des meuriers blancs par tous les jardins de ses maisons"
et décide de faire planter en 1603, 20 000 pieds de mûriers blancs dans les jardins des Tuileries et à Fontainebleau. D'autres plantations et magnaneries se développent dans la région où se fixera l'industrie lyonnaise de la soie et qui fera, plus tard, de Lyon la capitale de la soie.
Fin de vie
En 1610, l'assassinat de Henri IV relance une nouvelle fois les guerres de religion et affecte profondément le Seigneur du Pradel au point qu'il abandonne, au seuil de ses soixante-dix ans, la rédaction de ses ouvrages en cours.
En 1615, Olivier de Serres afferme son domaine à Jacques Barnier son fidèle factotum. Deux années plus tard, après la mort de son fils Gédéon, il lègue à sa femme la moitié du Pradel et institue son fils aîné Daniel héritier universel. Malheureusement Marguerite, sa femme, va s'éteindre à soixante-dix-sept ans, avant que lui-même, victime d'une maladie ne disparaisse le 12 juillet 1619, à l'âge de 80 ans.
Sur ordre de Richelieu, le domaine du Pradel, victime des guerres de religion, a été entièrement rasé le 7 mai 1628 par le chef catholique Montréal d'Annonay et de Lestrange, sous prétexte que Daniel de Serres avait reçu le duc de Rohan. Après deux jours de siège, Daniel de Serres finit par se rendre au duc de Ventadour, qui lui laissa la vie sauve. La bibliothèque fut incendiée et toutes les notes d'Olivier de Serres disparurent. Quelques jours plus tard, le 11 juin 1628, Mirabel fut ravagé à son tour par le Duc de Montmorency et Montréal.
Destruction du Pradel, pendant les guerres de Religion :
" le dimanche 7 mai 1628, ma maison du Pradel ayant été rasée par ordre de Monsieur
de Ventadour, qui m' y avait assiégé avec 4 000 hommes, battu
de deux canons, ayant souffert 60 volées ; étant sorti par composition
(capitulation) moi et Sarrasin de La Gorce mon enseigne, et Jacques Perrotin mon sergent, l'épée au côté, et vingt de mes compagnons sans armes, n'ayant perdu qu'un soldat… Moyennant l'aide de Dieu, lequel je prie m'être favorable, je commence à faire rebâtir ma maison sur le peu
de murailles qui y sont restées." (Manuscrit de Daniel de Serres, sieur du Pradel). "Le même jour," nous dit-il, "je me retirai en chemise à la Baume... Le seigneur de la Baume et de Rochevive me reçut fort humainement, et m'y a entretenu avec mon petit Constantin, sa nourrice et une chambrière jusqu'au 30 juin."
Les arbres et les vergers du Pradel furent coupés avec moins de peine
et de labeur que l'auteur du Théâtre d'Agriculture qui
en était seigneur n'en avait mis pour les élever.
La vogue de l'agronomie s'éteint après Henri IV pour renaître sous Napoléon 1er. Nombreux sont ceux qui se référèrent à l'agronome Ardéchois :
C'est Arthur Young, le fameux agronome anglais, l'auteur de Voyages en France qui, en 1789 se rendit sur le sol du Pradel, qui l'a affirmé avec le plus de force :
" l'un des premiers écrivains de sa spécialité que le monde ait jamais connu…". Et plus loin : "…Je contemplai la résidence du Père de l'agriculture française (qui était sans contredit un des premiers écrivains sur ce sujet, qui eut paru dans le monde), avec cette espèce de vénération qui ne peut être sentie que par ceux qui se sont fortement adonnés à quelque recherche favorite, et qui se trouvent, dans de pareils moments, satisfaits de la manière la plus délicieuse…"
Lafarelli, le premier préfet de l'Ardèche a lui aussi reconnu le rôle d'Olivier de Serres.
Pasteur lui reconnut un rôle de précurseur de l'agronomie et de savant éclairé.
Fernand Lequenne, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, rappela dans une biographie ses apports irremplaçables à l'élevage des abeilles comme aux techniques de greffage et de travail du sol, en dénonçant déjà les excès des engrais industriels au profit des techniques traditionnelles de fumure et de la prise en compte de la biologie du sol ; au moment où commençaient à être diffusées en France les idées d'agriculture biodynamique et organique de Rudolf Steiner et Albert Howard.
Le domaine du Pradel est aujourd'hui une ferme-école. Le mas a été reconstruit au XVIIe siècle par Daniel de Serres, le fils d'Olivier. On y trouve une chapelle (construite vers 1700) en souvenir de Saint-Régis de Lalouvesc qui, poursuivi par des protestants, se cacha dans une meule de foin à cet endroit ; les lances de ses adversaires traversèrent le foin sans l'atteindre. Daniel mourut en 1631 ou 1632. Après Daniel, ce fut son fils Franc, très attaché au parti protestant, qui tint le Pradel. Constantin et sa sœur Marie héritière léguèrent le Pradel aux Arlempdes de Mirabel, famille dont sa mère était issue.
Enfin il n'est guère aujourd'hui de séance de l'Académie d'Agriculture qui n'évoque l'illustre pionnier.
"Père de l'Agriculture"… "J'honore un homme qui fut grand pour avoir mis au premier rang la terre où sont toutes choses."
(Charles Forot extraits de son "Ode à Olivier de Serres", "Necessitas, commoditas et voluptas" (Vitruve).
Napoléon Ier fit ériger l'obélisque qui se trouve place du marché à Villeneuve-de-Berg, pour honorer le grand agronome. Tandis que Napoléon III fit ériger une statue en bronze à l'entrée de la ville (1858).
Actuellement : on peut visiter les vestiges archéologiques de l'ancienne bastide avec l'ensemble des caves et dispositions souterraines à rez-de-jardin, les quatre pièces historiques ; le jardin clos en totalité, le canal d'adduction, le puits, le système de drainage, la chênaie et l'allée de platanes.
Sources
- "Histoire de la pomme de terre" par Ernest Roze, Paris , J.Rothschild, Éditeur 1898, 464 p. Angers, Imprimerie A. Burdin
- "La vie d'Olivier de Serres", Fernand Lequenne, Paris, René Julliard, 1945
- "Le théâtre d'agriculture et mesnage des champs", par Olivier de Serres, Genève, Slatkine, 1991.
- "Olivier de Serres, agronome et soldat de Dieu", par Fernand Lequenne, Paris, Berger-Levrault, 1983.
- "Olivier de Serres, science, expérience, diligence en agriculture au temps de Henri IV", par Henri Gourdin, Arles, Actes Sud, 2001.
- "Le génie de l'Ardèche" par Jean-Marc Gardès et Annie Sorrel, éditions FOL 07, Privas, 2007.
- "Voyages en France en 1787, 1788, 1789", par Arthur Young, Édition de 1882, Guillaumin et Cie, Paris, t.1: 383 p. et t.2 : 475 p. préface d'Albert Mathiez, traduction et notes d'Henri Sée, Paris : Armand Colin, 1931, tome 1, tome 2.
- "Olivier de Serres, soldat huguenot, agronome et philanthrope", par Robert Demeure. (fiche inédite ; chez l'auteur à Vogüé).