Portraits d'ardéchois

Menu

Joseph-Etienne de SURVILLE
marquis de Mirabel


1755-1798


Officier, contre-révolutionnaire

Très ancienne famille vivaroise, originaire de Vesseaux, dont un des plus anciens ancêtres Etienne-Théodore (1300-1348) était co-seigneur de Rochemaure. Jean-Joseph de Surville ( 1659-1746) est le premier de sa branche à s'installer à Valvignères sans doute entre 1711 et 1715.

Le marquis Joseph-"Etienne" de Surville est né le 16 juin 1755, à Valence dans la Drôme, dans une  très ancienne famille de la noblesse vivaroise dont on a la trace au XIIIe siècle. Son père Jacques de Surville (1715-1787), originaire de Valvignères en Ardèche, était Capitaine au régiment d'infanterie de Berry, sa mère était Suzanne de Rey. Il eut trois frères et quatre sœurs.

Les Surville, délaissant leurs fiefs campagnards, s’étaient établis à Viviers, où leur hôtel particulier existe encore.

Carrière militaire

Joseph-Etienne embrassa dès 16 ans le métier des armes et entra au régiment de Picardie, renommé régiment Colonel-général en 1780 (1er Régiment d'infanterie de ligne). Il prit part à la campagne de Corse (1774-1779) . Il se trouva ensuite en garnison à Stasbourg.

Il servit aux Etats-Unis sous les ordres de Rochambeau où il se distingua par son intrépidité (1780-1782). Il émigra à la Révolution. Il revint en France en 1783 et passa la plus grande partie de son temps dans diverses garnisons du régiment Colonel-Général. Il est à Brest en 1783, à Besançon en 1784 où il est initié à la maçonnerie (Loge La Modeste), ce qui cependant ne semble pas influencer durablement ses convictions profondes tant pour ce qui concerne la religion que dans l’ordre politique..

Il se marie le 28 février 1786, à la Chapelle du château du Pradel en Ardèche (ancienne propriété du célèbre Olivier de Serres), avec Marie Pauline d'Arlempdes de Mirabel (décédée en 1848). À la suite de son mariage, qui lui apportait le marquisat de Mirabel, Joseph Etienne prit le titre de Marquis. Ils eurent un enfant décédé à l'âge de 4 ans.

Le 24 juin 1786, il entre au conseil municipal de Viviers. Premier consul de la ville de Viviers le 30 juin 1787, à la suite de son père, et ensuite conseiller politique, le marquis de Surville est nommé conseiller de la 1ère échelle, à la place de son père, alors fort avancé en âge et résignataire de ses fonctions.

Vente de ses biens

En 1787, il vend (acte reçu par Maitre Labeaume, notaire à Viviers, le 23 décembre 1787) pour 18.000 livres à Jean Baptiste Armand, Etienne Brian et Pierre Comte les biens immeubles qu'il possède à Valvignières, à savoir :
1 - une maison dans ledit lieu avec ses dépendances tirée de la cotte de Jean Pierre Reynaud ensemble le moulin à huile qui est dans ladite maison qui est du côté du Colombier et de tout l'espace intermédiaire entre le mur du grenier à foin et les remparts du dit lieu avec le passage au dessous qui confronte du levant la maison du sieur Lafarge et les remparts du dit lieu, de bise la rue du Fort et Symphorien Lebrat, du midi les dits remparts et du couchant Jean Lebrat et ladite rue.
2 - un domaine et grange à la Berguière
3 - un domaine et grange aux Flaugères.

Toujours devant Maitre Labeaume, le 5 janvier 1787 il afferme Malaval à Pierre Boule, de Vallon, pour la somme de 1.800 livres.

Le 18 avril 1788, le marquis de Surville vend à Claude Dupret, d'Artiges et à Jean Louis Deborne, de Valvignières, tous les cabaux, semences, linge, meubles, effets et denrées, le bétail gros et menu, qu'il possède dans ses maisons, granges et cellier, plus la récolte pendante des dits lieux pour la somme de 4.728 livres (Labeaume, notaire).

Engagement contre- révolutionnaire

En 1788, il participe à l'assemblée des trois ordres à Privas.

En 1789, il prend part aux assemblées de la noblesse du Vivarais à Villeneuve-de-Berg.

Le 23 janvier 1791, au mariage de Jean Platon avec Marie Brissaud, à Viviers, le marquis de Surville signe avec sa femme : Surville, Mirabel de Surville.

Le 20 septembre 1792, il est à la bataille de Valmy. Sa compagnie est licenciée à Spa. Il se réfugie à Liège.

En mai 1793 il rejoint l'armée du Prince de Condé dans le Wurtemberg. Pendant ce temps ses biens sont vendus dans le Gard, une partie de ses biens est vendue en Ardèche.

Le 14 mars 1794, son domaine de Gras est vendu.

De 1794 à 1796, il s'engage dans la contre-révolution, il est émigré contre-révolutionnaire. Il quitte l'armée de Condé le 6 janvier 1795.

L’inaction lui pesant, il rentre clandestinement en Vivarais au début de l’année 1795. C’est alors qu’il s’engage activement dans le mouvement de chouannerie qui s’étend du Rouergue aux Monts du Lyonnais, en passant par le Gévaudan, la Margeride, les hautes Cévennes, le Vivarais, le Velay et le Forez : il est aux côtés du comte de La Motte, des frères Allier ; il fut arrêté dans la haute vallée de l’Ardèche, près de Mayres, et conduit à Aubenas, mais parvint à s’évader. Il se rend à Lyon puis revient dans le Vivarais et participe à des actions militaires.

Adhésion à l'armée chrétienne et royale d'Orient

Vive la Religion ! Vive le Roi ! Vive la Liberté !

Le 3 mai 1796 il prend l'engagement avec les royalistes de l'Ardèche de replacer la couronne sur la tête de Louis XVIII. Dès le 10 juillet 1796, il avait été promu dans l’Ordre Royal de Saint-Louis, et c’est Sa Majesté le Roi Louis XVIII elle-même qui lui en remit le ruban le 8 mars 1797. 

De retour en août 1797, sa mission à échoué. Ni le Roi ni Condé n'ont consenti à lui confier un commandement.

L'abbé Charles Jolivet, dans "les chouans du Vivarais" parle du marquis et précise que "malgré le prestige de son nom et la confiance qu'inspira sa valeur, il ne jouera jamais qu'un rôle secondaire dans les diverses tentatives d'insurrection". Ce jugement semble injuste et sévère. En effet le marquis de Surville a joué un rôle non négligeable d’agent de liaison d’une part entre les divers groupes de Chouans, et d’autre part entre l’ensemble du mouvement contre-révolutionnaire du sud-est du Royaume et la Cour en exil. Il a égalemnt mené personnellement des actions d’éclat à la tête de sa petite troupe, comme la prise de Pont-Saint-Esprit le 30 septembre 1797. Il repart à Lyon puis en Suisse ; il regagne ensuite la Haute-Loire et revient en Ardèche.

D'un caractère très original, brave et chevaleresque.

Il rentra secrètement en France pendant l'été 1798, sous un faux nom. Il était, parait-il, chargé de propagande auprès des royalistes du Velay et du Vivarais. Il fut trahi et arrêté le 2 octobre 1798 à Tiranges, près du Puy, il y fut emprisonné comme émigré et conspirateur et jugé par une commission militaire, après un simulacre de procès. Condamné à mort le 17 octobre 1798 devant la commission militaire et fusillé, contre la façade méridionale de l’église Saint-Laurent, le 18 octobre 1798. Il était âgé de 43 ans et 4 mois.

Voici le récit de ses dernier instants, écrit par Albert Boudon-Lashermes (in « Les Chouans du Velay » pp. 453-454):

« Une foule immense de sans-culottes, de garde-nationaux, de troupes de ligne, gendarmerie, chasseurs et canonniers avait envahi les abords de Saint-Laurent pour assister à la mort de Surville.
D’un pas assuré, il descendit l’escalier de sa prison ; sa bouche et son coeur priaient. Il monta sur le tombereau, et, calme et souriant, traversa la rue Grange-vieille en saluant les amis accourus sur son passage. Le cortège sortit du Puy par la porte Pannessac.

- Monsieur, dit-il à l’officier qui commandait le détachement, je crois inutile de vous demander un prêtre fidèle ; ce serait d’ailleurs l’exposer à de grands malheurs. Veuillez donc, s’il vous plaît, m’envoyer le curé constitutionnel.
Le prêtre arrive : « Je vous plains, Monsieur, d’avoir donné ce funeste exemple de prévarication ; je sais néanmoins que, dans le cas où je me trouve, je puis me servir de vous. Veuillez m’écouter ».
Le prêtre schismatique, attendri, remplit son pénible ministère. M. de Surville reçut ses consolations avec une piété et une douceur angéliques. 
Un sergent s’avança pour lui bander les yeux : « Comment ! dit-il, depuis ma plus tendre enfance je sers mon Dieu et mon Roi, et vous ne me supposez pas assez de courage pour voir le plomb mortel ? »
Et, mettant la main sur son coeur, il s’écria : « C’est ici qu’il faut frapper ! »
La décharge retentit et Surville tomba mort au pied du contrefort de l’église. »

 

Albin Mazon écrit de son côté en ajoutant quelques détails :

"Conduit sur la place de la Fraternité, en face la ci-devant église des Jacobins, le marquis de Surville refuse de se laisser bander les yeux. "Vive Dieu et vive le Roi, c'est ici qu'il faut frapper" criait-il. Et il montrait son cœur. Trois balles au moins le frappèrent au front. Il avait quarante cinq ans."

 

Il est inhumé au cimetière des Carmes. (Voir "Les Carmes et les Templiers" du Puy, par Albert Chaurand, Le Puy, 1944).

 

Sans postérité mâle, la branche aînée de la famille de Surville s'éteint avec le décès du Marquis.

 

Son épouse, Marie-Pauline d’Arlempdes de Mirabel, lui survécut jusqu’en 1848. C’est elle qui fit publier, en 1803, selon les consignes que Joseph-Etienne lui avaient laissées, les « Poésies de Marguerite-Éléonore-Clotilde de Vallon-Chalys, de Surville, poète français du XVe siècle ». Ces poèmes de celle que l’on nomme plus communément Clotilde de Surville sont l’une des énigmes laissées par la mort du marquis. Il dit avoir trouvé les œuvres de Clotilde dans la maison de Surville sise à Viviers rue de la Roubine. Il est supposé par certains être l'auteur des vers de Clotilde de Surville.

Dès l'apparition du vo]ume édité  par Charles de Vanderbourg, les lettrés reconnurent une main plus récente et une langue  mieux formée, en dépit de ses coquetteries  d'antiquité, que la main et la langue d'un poète du XVe siècle. 
        

 

Les archives de la famille de Surville furent brûlées à Viviers en 1793, par ordre et sous les yeux du Comité révolutionnaire de cette ville.

 

Sources

 

- Généalogie des familles de SURVILLE, BURIN des ROZIERS, DUCHESNE de LAMOTTE, de VASSINHAC d'IMECOURT, FAUVAGE, DEGOUVE de NUNCQUES, HUTTEAU d'ORIGNY, BREART de BOISANGER

- Les Chouans du Velay par Albert Boudon-Lashermes 1911, P437/438

- Chroniques et points de vue du Mesnil-Marie