Naissance de la nation américaine

Menu

3. La société coloniale entre 1607 et 1763

"What then is the American, this new man? He is either an European, or the descendant of an European, hence that strange mixture of blood, which you will find in no other country. I could point out to you a family whose grandfather was an Englishman, whose wife was Dutch, whose son married a French woman, and whose present four sons have now four wives of different nations"
J. Hector St. John de Crèvecoeur published in Letters from an American Farmer (1782).

Au XVIIe siècle la majorité des - "hommes nouveaux" - les colons, venus en Amérique du nord étaient Anglais, moins nombreux étaient les Hollandais, les Suédois, les Allemands et les Français (huguenots à partir de 1685), peu d'Espagnols, Italiens ou Portugais, enfin les esclaves africains étaient concentrés dans le sud. Après 1680, l'Angleterre cessa de constituer la principale source d'immigration.

En 1690 l'Amérique comptait 250.000 âmes d'origine européenne. Puis ce chiffre doubla tous les 5 ans. La population devra son expansion à l'accroissement naturel: fort taux de natalité avec une fécondité élevée (5 à 7 enfants par femme) et faible mortalité.

En 1770 plus d'un Américain sur cinq est noir.

Le recensement de 1790 indique que la société américaine est à 95% une société rurale. La plus grande ville est alors Philadelphie avec 42.000 habitants; New York vient ensuite avec 33.000 habitants précédant Boston (18.000 habitants) puis Charleston et Baltimore.

1-Constitution des treize colonies anglaises d'origine

Elle se fait selon des régimes juridiques variés:
- par immigration de personnel d'associations contractuelles, de marchands, d'armateurs et de financiers qui se voient attribuer une charte par le souverain (Virginie en 1607, Massachusetts en 1620)
- par concession de titres de propriété sont concédés à un propriétaire privé, souvent un seigneur (Maryland, les deux Carolines, et la Pennsylvanie).
- par possession royale dont l'administration est assurée directement par la couronne (Rhode-Island, et Connecticut)
- par démantèlement des colonies hollandaises (New York, Delaware et New Jersey en 1664)
- par sécession d'avec le Massachusetts (le Connecticut en 1635, le Rhode Island en 1636).

On peut distinguer trois groupes de colonies formant trois ensembles régionaux du nord au sud, toutes situées à l'est du continent, le long de la côte atlantique. Ces colonies ont de nombreux points communs:
• communauté d'origine et de peuplement,
• dépendance vis à vis de la Couronne Britannique,
• tradition politique issue du parlementarisme,
• organisation politique comparable malgré la variété des constitutions et des régimes juridiques. Toutes les colonies disposent d'une assemblée élue et décident de leur budget.

Mais les modes de vie sont différents et s'opposent entre l'est et l'ouest:
• le monde de la côte en voie d'urbanisation tire profit des échanges coloniaux avec l'Europe et
• contraste avec le monde situé plus à l'ouest vers la "Frontière", où l'on trouve les pionniers explorateurs.
La mise en valeur de ces colonies, par des plantations de coton et de tabac dans le Centre et le Sud, par le commerce dans le Nord, est assez rapide.

Les colonies du Nord, qui constituaient la Nouvelle-Angleterre sont le Rhode Island (1636), le Massachusetts (1620/1630), le New Hampshire (1638) et le Connecticut (1636). La population puritaine y a imprimé sa marque sur la vie publique et privée. Une certaine austérité, le goût pour le travail rural, l'esprit démocratique en sont les valeurs dominantes, ainsi que la morale religieuse stricte et très souvent intolérante. Les 13 coloniesLes gouvernements locaux sont généralement théocratiques. L'agriculture y est peu développée en raison de la qualité du sol, contrairement aux activités liées aux ressources hydrauliques et au bois: moulins, scieries, construction navale. La pêche (morue du Massachusetts) et le trafic portuaire (mélasse, rhum, esclaves), à l'artisanat (poterie, orfèvrerie). Les armateurs jetaient progressivement les bases d'un commerce qui allait croître régulièrement. Le Massachusetts produisait près du tiers des navires battant pavillon anglais. La vie sociale était organisée dans les villages et les villes autour de l'école, de l'église et de la mairie. Une des grandes villes est le port de Boston.

Les colonies du Centre sont le New York (1626), le New Jersey (1664), le Maryland (1632), la Pennsylvanie (1682), le Delaware (1638). Toute cette région beaucoup plus variée voit se développer assez rapidement l'agriculture, l'élevage, la pêche et le commerce. Leur grande diversité ethnique et religieuse fait de ces colonies les plus tolérantes d'Amérique, elles doivent leur succès à l'origine à William Penn. Au début du XVIIIe siècle la Pennsylvanie accueillit de très nombreux immigrants Irlandais d'origine écossaise ainsi que des allemands qui devinrent les meilleurs fermiers de la colonie. La vie politique et économique y est organisée principalement autour de deux villes, New York, la ville la plus cosmopolite et la plus polyglotte, et Philadelphie qui fut un des centres les plus prospères de l'Amérique coloniale.

Les colonies du Sud sont les deux Carolines (1653/1663), la Virginie (1607) et la Georgie (1733). Ce sont des régions rurales dans lesquelles une aristocratie de planteurs y domine la vie politique et économique. Ils exploitent des plantations (tabac, maïs, coton) grâce à l'importation d'esclaves à partir de 1619. De petits agriculteurs libres ("yeomen") exploitaient de modestes terres tout en s'acharnant à conserver leurs droits d'hommes libres. Les forêts constituaient une source importante de matière première et de revenus.

Charleston en Caroline du sud fut le plus grand port et la plus grande place commerciale du Sud. Certains immigrants d'origine irlandaise et allemande s'établirent plus à l'ouest notamment dans la vallée de la Shenandoah en Virginie.

2- L'organisation de la société

La société des premiers établissements est relativement homogène, par son origine, sans être totalement égalitaire. Plus de la moitié de la population est constituée de serviteurs sous contrat. La véritable opposition est celle qui apparaît entre le monde rural et le monde urbain. La consécration sociale est essentiellement liée à la terre.

Au début il n'y avait pas de classe sociale dominante, les fortes personnalités furent contraintes d'assouplir leurs exigences concernant les acquisitions de terres ou la pratique de la religion, sous la menace d'un exode vers la "Frontière".

Le régime politique adopté par les colonies est souvent le même: un gouverneur anglais est nommé par le roi ou par le propriétaire, il est aidé par un conseil d'administration. Chaque colonie a une assemblée représentative qui vote les lois, les dépenses et les impôts. Seuls les propriétaires terriens ont droit de vote.
College harvardLes bases sur lesquelles s'édifièrent l'enseignement et la culture furent tout aussi importantes. En effet les puritains attachaient une importance particulière à l'alphabétisation qui permettait la lecture des écritures Saintes. C'est en 1636 qu'est voté par la "Great and general Court of the Massachusetts Bay Colony" la création du "College Harvard" du nom de son bienfaiteur John Harvard of Charlestown, qui après sa mort en 1638 laissa sa bibliothèque à Cambridge dans le Massachusetts. En 1643 Lady Mowlson fit un lègue au Collège qui permit de distribuer les premières bourses, avec pour but: "To advance Learning and perpetuate it to Posterity; dreading to leave an illiterate Ministry to the Churches." En 1647, la colonie de la baie du Massachusetts décida de se doter d'un établissement d'enseignement supérieur dès lors que la ville comportait plus de cinquante familles.

College William et MaryVers la fin du siècle le "College of William and Mary" en Virginie, puis la "Collegiate School of Connecticut" (Yale College) ouvrent leurs portes. En Virginie un enseignement public gratuit était dispensé à la Syms School fondée en 1647 et à Baton School en 1659.
La première école primaire s'ouvrit en Pennsylvanie en 1683, la Friends Public School dispensait un enseignement de grec, latin, littérature et histoire.
A Philadelphie un enseignement spécifique était dispensé aux jeunes filles et aux femmes.
En 1704 fut imprimé le premier journal à Cambridge au Massachusetts

Au cours des années 1730 se produisit un mouvement religieux le Grand Réveil ("The Great Awakening"), menés par deux prédicateurs de talent, George Whitefield et Jonathan Edwards, en réaction aux craintes de voir la société entraîner vers plus de gains matériels.
Ce mouvement donna naissance à de nombreux groupes évangéliques ce qui favorisa l'approbation générale du principe de la tolérance religieuse.

Le procès des sorcières de Salem de 1692

En Janvier de 1692, la fille et la nièce du révérend Samuel Parris, de Salem Village tombent malade. En l'absence d'amélioration, le médecin du village, William Griggs, est appelé à leur chevet.Il porte le diagnostic d'envoûtement mettant en mouvement les forces qui finiront par entraîner la mort par pendaison de dix-neuf hommes et de femmes. En outre, un homme a été écrasé à mort, sept autres sont morts en prison, et la vie de nombreuses personnes fut irrévocablement changé.

Pour comprendre les événements du procès des sorcières de Salem, il est nécessaire de se rappelé le temps où ces accusations de sorcellerie eurent lieu. Il y avait un stress ordinaire de la vie du 17èmesiècle à "Bay Colony" au Massachusetts . Une forte croyance dans le diable, des factions de fanatiques dans le village de Salem et une rivalité avec la ville de Salem voisine, une petite épidémie récente de variole et la menace d'attaque par des tribus en guerre a créé un terrain fertile de peur et de suspicion. Les prisons furent bientôt remplies de plus de 150 hommes et femmes des villes environnant Salem. Leurs noms furent "hurlés" par les jeunes filles tourmentées comme la cause de leur douleur. Tous étaient dans l' attente d'un procès pour un crime punissable de la peine de mort au 17e siècle en Nouvelle-Angleterre, pour pratique de la sorcellerie.

En Juin 1692, les Cours spéciales de Oyer et Terminer siégèrent à Salem pour entendre les cas de sorcellerie. Présidé par le juge en chef William Stoughton, le tribunal était composé de magistrats et de jurés. Le premier à être jugé fut Bridget Bishop, de Salem, qui a été déclaré coupable et pendu le 10 Juin. Treize femmes et cinq hommes de toutes les âges de la vie le suivirent à la potence pendant trois jours successifs, avant que la Cour soit suspendue devant le tribunal et dissoute par le gouverneur William Phipps en Octobre 1692. La Cour supérieure de la magistrature, créé pour remplacer la juridiction en "sorcellerie", ne permettait pas d'apporter de preuve  évidente. Cette croyance dans le pouvoir des accusés d'utiliser leurs formes invisibles ou des spectres pour torturer leurs victimes avaient scellé le sort des personnes jugées par la Cour d'Oyer et Terminer. Le nouveau tribunal a libéré ceux qui étaient en attente de jugement et pardonna à ceux qui attendaient leur exécution. En effet, le procès des sorcières de Salem fut levé.

3- Vers la fondation de l'Union (1675-1763)

L'Union va naître dans la résistance commune aux menaces extérieures.
Les colons s'impatientent car il existe plusieurs menaces:
• celle d'un encerclement des colonies anglaises par les Français et une concurrence franco-anglaise pour l'occupation des terres vides:
- les contemporains de Louis XIV, appelés "les coureurs de bois " s'implantent dans la région des Grands Lacs, le Mississippi, la baie d'Hudson, pactisant, convertissant parfois et commerçant avec les Indiens, parfois au prix de quelques revers entre 1730 et 1735.
- les colons anglais et les Canadiens français rivalisent dans la région des Grands Lacs et de l'Ohio.
• l'autre menace est celle des indiens autochtones qui seront victimes de destructions et de guérillas incessantes jusqu'à la fin du XIX e siècle.
• les colons résistent aux expéditions franco-espagnoles à partir de Cuba pendant la guerre de succession d'Espagne.
• sur la côte atlantique, les colonies anglaises accueillent Irlandais, Écossais, Allemands. ébauche d'un gouvernement colonial

Il n'y avait pas de volonté politique directrice des autorités britanniques concernant le développement des colonies. En effet les Anglais étaient trop occupés à résoudre leurs problèmes de guerre civile (1642-1649) et leur propre problème de protectorat. Toutes les colonies, à l'exception de la Georgie avait été créées selon des titres de propriété octroyées par la Couronne.

Cependant les colonies ne s'étaient jamais considérées comme des provinces vassales. Elles aspiraient au statut de commonwealth; d'ailleurs la première charte politique de la Virginie comportait la notion de liberté des dispositions: les colons anglais jouissaient de tous les droits politiques, libertés et immunité "comme s'ils avaient vécu et étaient nés en ce royaume d'Angleterre qui est le nôtre". Les ordonnances prises sur place par des représentants et par le gouverneur eurent dès lors, les répercussions les plus importantes de toute la période coloniale. Ainsi toute charte octroyée aux propriétaires spécifiait que toute loi serait soumise au "consentement des citoyens libres".
La voie avait été ouverte par les Pères Pèlerins du Mayflower dont le pacte servit de fondement à leur futur gouvernement, bien qu'il ne reposât sur aucun fondement légal.
La disposition relative à un gouvernement autonome fut omise pour New-York et la Georgie. Mais les colons exigèrent rapidement d'être représentés au sein du pouvoir législatif.

Cependant l'institution du mode de gouvernement autonome dans les colonies ne se fit pas sans opposition. Une tentative d'imposer aux colonies une politique mercantille se fit jour au sein de la commission royale des "Lords of Trade and Plantations". Mais, en 1688, ayant appris que Jacques II avait été détrôné par Guillaume III, la population du Massachusetts se rebella, une nouvelle charte fut adoptée en même temps que les colonies de Plymouth et du Massachusetts étaient réunies pour former la colonie royale de la baie du Massachusetts (1691). Les autres colonies remirent en vigueur leur régime de gouvernement antérieur.

Les assemblées législatives coloniales usaient de leurs droits pour limiter la puissance des gouverneurs royaux et prendre des mesures susceptibles d'élargir leur pouvoir et leur influence. C'est ainsi que les assemblées législatives coloniales établirent le droit des colonies à se gouverner elles-mêmes et progressivement l'administration coloniale passa de Londres aux capitales des colonies américaines.

Il faut noter que Le nouveau calendrier Grégorien - a été adopté par la Grande-Bretagne et les colonies en 1752. Afin d'aligner le calendrier en ligne avec l' année solaire, il a été ajouté 11 jours et la nouvelle année a commencé en Janvier et non en mars Mars, comme dans le calendrier Julien.