Les premières années
Edgar Poe est né à Boston le 19 janvier 1809. Il est le fils d'Elisabeth Hopkins, une actrice qui joue dans une obscure compagnie de théâtre, les Charleston Players, qu'à rejoint David Poe, son père, après avoir quitté sa famille. Mariés en 1806, les deux jeunes gens ont eu un premier fils, William Henry, l'année suivante. Rosalie, leur troisième et dernier enfant, naîtra en 1809. David Poe, alcoolique et tuberculeux, est décédé l'année précédente. Son épouse, qui ne joue plus que de manière intermittente avec la troupe, trouve le réconfort et le secours auprès de John et Frances Allan, à Richmond, en Virginie. Le couple charitable, qui n'a pas d'enfants, recueille d'ailleurs Edgar, devenu orphelin après le décès de sa mère, de tuberculose, le 8 décembre 1811, à l'âge de vingt-quatre ans. L'enfant ne sera jamais officiellement adopté, même s'il doit son deuxième prénom Allan, à sa famille adoptive, après son baptême, le 7 janvier 1812.
Séjour en Angleterre et en Écosse
En 1814, Edgar Allan Poe est scolarisé à l'école de Richmond. Dès l'année suivante cependant, pour les besoins de son commerce - il est négociant en tabac, - John Allan emmène sa famille au delà de l'Atlantique, en Angleterre. Au mois de juin 1815, les Allan, qu'accompagne leur fils adoptif, sont à Liverpool. Ce dernier est encore davantage séparé d'avec son frère et sa sœur. Il commence à fuguer. A Londres où il demeure - 31, Southampton Road, - l'enfant est scolarisé à la Manor House School de Stoke Newington que dirige le révérend John Bransby. Il est d'ailleurs élevé dans les préceptes de la religion. Après cinq années passées en Europe, la famille Allan retourne aux États-Unis. Après un court séjour à New York, ils s'installent à nouveau à Richmond au mois de juillet 1820.
Retour aux Etats-Unis
Edgar Allan Poe obtient de bons résultats scolaires. Cependant, l'adolescent est de plus en plus irritable et instable, d'autant plus que l'atmosphère dans le couple Allan se fait plus pesante. Les affaires de John Allan périclitent et celui-ci fait de plus en plus d'infidélités à son épouse. La tristesse de Frances, qu'Edgar adore, ne fait qu'accentuer le fossé qui se creuse entre l'enfant adoptif et son beau-père. A la mort de son oncle, John Allan hérite d'une fortune, qui lui permet de faire l'acquisition d'une vaste demeure, au mois de juin 1825, - Moldavia - angle 5e rue et Main Street à Richmond. Il souhaite désormais vivre comme un riche bourgeois. Le 14 février 1826, Edgar Poe quitte sa famille adoptive Allan pour Charlottesville où il est inscrit à l'Université de Virginie.
Son premier livre
S'il réussit dans ses études, il est aussi doué en sport qu'en langues (français, latin, grec), mais l'étudiant se distingue également par son genre de vie dissolue. Il contracte des dettes de jeu, et son père refuse de l'aider à rembourser d'où une brouille tenace.
Celui-ci s'oppose aux relations qu'entretient le jeune homme avec une amie d'enfance, Elmira Royster, et le rappelle bientôt auprès de lui. Edgar Poe se refuse à entrer dans sa maison de commerce et s'enfuit de Richmond. A Boston, est édité son premier ouvrage, influencé par l'œuvre de Lord Byron, Tamerlane and Others Poems (1827) qu'il signe anonymement : "by a Bostonian".
Son bref engagement militaire
Pressé par le besoin d'argent, il prend un engagement de cinq années dans l'armée le 26 mai 1827, sous le nom d'Edgar A. Perry. Son régiment est à Fort Mountrie au mois de novembre suivant, puis à Fort Monroe, toujours en Virginie. Poe est promu sergent-major le 1er janvier 1829. Le mois suivant, il est enfin autorisé à se rendre sur la tombe de Frances Allan, sa mère adoptive, récemment décédée. En décembre, un second volume de poèmes religieux, All Aaraaf, and Minors Poems, paraît à Baltimore. Celui-ci contient le poème intitulé To Helen. Après que son beau-père eut accepté d'accorder son soutien financier, Edgar Poe entre à l'école militaire de West Point au mois de juin 1830. Cette vie de caserne le lasse cependant. A force d'excès et de négligence, une cour martiale le condamne pour "graves négligences" et "indiscipline", puis le renvoie de West Point, le 6 mai 1831.
Carrière Littéraire et editeur
Après un court séjour à New York où est publié un troisième volume de ses Poems, Edgar Allan Poe est à Baltimore. Sans le sou, il vit quelques temps auprès de sa tante, Maria Clemm, il s'investit de plus en plus dans l'écriture et plusieurs de ses textes paraissent dans le Philadelphia Saturday Courier en 1832. L'année suivante, au mois d'octobre, Poe obtient un prix de 50 $ après avoir présenté un de ses contes, intitulé Manuscrit found in a bottle, au concours organisé par le Baltimore Saturday Visiter. Ceci lui permet d'entrer dans le petit cercle d'écrivains de la ville, dans lequel figure John Pendelton Kenedy. Ce dernier lui permet d'éditer plusieurs de ses textes dans le Southern Literary Messenger dans les années qui suivent. Ceci procure à l'écrivain quelques revenus sans pourtant autant lui donner un nom dans les milieux du journalisme. En 1835, son directeur Thomas Whites lui propose d'entrer à la rédaction du journal, une proposition que Poe accepte.
Son mariage
Le 16 mai 1836, il se marie avec sa jeune cousine Virginia Clemm. Cet étrange mariage avec sa cousine, qui n'avait pas encore quatorze ans, a été interprété comme une tentative pour trouver la stabilité d'une vie de famille qui lui faisait défaut.
La même année, Edgar Poe devient éditeur en chef du Messenger, ce qui le place désormais à l'abri de tout soucis financier. A cette époque, le journal prend d'ailleurs un nouveau essor, auquel contribue l'écrivain en livrant de multiples textes: des contes, des articles de critique, des éditoriaux… Il se remet cependant à boire et est licencié au mois de janvier 1837.
Edgar Allan Poe repart alors à New York, avant de s'installer à Philadelphie en 1838. Cette année là, au mois de juillet, The Narrative of Arthur Gordon Pym est publié, suivi par Tales of the Grotesque and Arabesque en 1840.
Le "corbeau"
A cette époque, l'écrivain collabore au Gentleman's Magazine and American Monthly Review puis entre au comité de rédaction du Graham's Magazine. C'est dans la revue, qui voit rapidement passer le nombre de ses abonnés de 5.000 à 37.000, qu'est publiée au mois d'avril 1841 Murders in the Rue Morgue. Dans cette nouvelle, apparaît pour la première fois le personnage d'Auguste Dupin, l'infaillible détective français aux raisonnemen,ts foudroyants. Le 6 mars 1842, l'écrivain en quête de reconnaissance fait la rencontre de Charles Dickens, en tournée aux États-Unis. Quelques temps plus tard cependant, il quitte la revue pourtant devenue populaire, son salaire n'ayant lui que peu évolué. Poe retourne à la boisson, cherchant dans la fréquentation des tavernes un remède au mal-être qui le dévore. Son épouse Virginia connaît à cette époque ses premières crises d'hémoptysie et l'horizon de son couple s'en assombrit d'autant.
Le style d'Edgar Allan Poe est davantage marqué par le goût du morbide. Quelques-uns des contes qu'il écrit en 1843, tel Le Corbeau (The Raven) , Le Chat noir ou Le Scarabée d'or, lui assurent cependant une nouvelle notoriété.
Et le Corbeau sans plus bouger reste perché,
reste perché
Sur le pâle buste de Pallas placé juste au
dessus de la porte de ma chambre;
Et son œil en tous points ressemble à celui
d'un démon qui rêve,
La lumière de la lampe sur lui ruisselle et sur
le sol projette son ombre
En flottant sur le sol. Mon âme de cette ombre
Ne s'élèvera - jamais plus!
Sa femme est mourante et l'écrivain se console à l'occasion dans les bras de quelques admiratrices, notamment la poètesse Mrs Frances Osgood. Il tente de lancer une revue, The Stylus, qui n'a qu'une durée éphémère. Au mois d'avril 1844, la famille Poe arrive à New York. L'écrivain devient le propriétaire du Brodway Journal, mais celui-ci est couvert de dettes et la publication cesse le 3 janvier 1846. Un nouveau recueil de contes, The Raven and Other Poems, est publié quelques temps auparavant. Tout ceci cependant n'arrange pas les finances de l'écrivain. Celui-ci s'est installé avec son épouse dans un cottage (ou plutôt une masure) de Fordham, une petite ville tranquille de banlieue, au mois de mai 1846. Six mois plus tard, le 30 janvier 1847, Virginia décède de la tuberculose. Edgar Poe, qui bénéficie de l'aide charitable de son voisinage et de ses lecteurs, multiplie l'année suivante les lectures publiques et les tournées.
Au mois de novembre 1848, il tombe amoureux de la poétesse Sarah Helen Whitman, mais cette dernière est réticente. C'est que l'écrivain traîne derrière lui une lourde réputation d'alcoolique. Ce dernier doit interrompre ses visites. Il hésite d'ailleurs à se livrer, bénéficiant également des faveurs d'Annie Richmond, une femme mariée. Partagée entre plusieurs passions amoureuses, il boit de plus en plus, absorbe un soir du laudanum et tente ainsi de se suicider. Réfugié à Richmond, il arrive à Baltimore, le 28 septembre 1849.
Pour finir, il eut une mort digne des histoires qu'il a écrites. Alors que les élections battent leur plein, le 3 octobre 1849, on retrouve l'écrivain dans une rue de la ville, inanimé, sur un trottoir de Baltimore près de Light Street, sinon ivre, du moins hébété. Des agents des deux camps parcouraient la ville, d'un bureau de vote à l'autre, pour faire boire aux naÏfs un cocktail d'alcool et de narcotiques afin de les traîner ainsi abasourdis, au bureau de vote. Conduit au Washington College Hospital, Edgar Allan Poe décède le 7 octobre suivant, sans avoir repris connaissance.
Et il faudra attendre deux décennies pour que soit reconnu le génie de l'écrivain maudit. En 1874, paraissent une nouvelle édition de ses poèmes, ainsi qu'une biographie issue des travaux de John Henry Ingram qui le réhabilite. Le 17 novembre de l'année suivante, un mémorial est inauguré en son honneur à Baltimore. Enfin, en 1885, c'est une statue d'Edgar Poe, œuvre de Richard Henry Park, qui est installée au Metropolitan Museum de New York. Tout ceci avant que ne paraissent enfin en 1902 l'édition complète de ses œuvres, permettant par la suite aux psychologues de se saisir du personnage…
En France, l'écrivain américain est connu dès la fin de la Monarchie de Juillet (1848). Le public accède plus commodément à ses textes peu après sa disparition et grâce à Charles Baudelaire. Le poète fait ainsi paraître un essai aux mois de mars et avril 1852 dans La Revue de Paris intitulé Edgar Poe, sa vie et ses œuvres. Dans cet écrit militant, qui s'ouvre par les mots "il y a des destinées fatales", il fait de Poe un apôtre de l'esprit décadent, un modèle à suivre pour les partisans de "l'Art pour l'Art". Suivant les soins et les choix de ce dernier, trois volumes de contes sont ensuite publiés successivement chez Michel Lévy Frères : les Histoires extraordinaires au mois de mars 1856, les Nouvelles Histoires extraordinaires l'année suivante ainsi que les Histoires grotesques et sérieuses en 1864.
"Il y a des secrets qui ne veulent pas être dits. Des hommes meurent la nuit dans leurs lits, tordant les mains des spectres qui les confessent et les regardants pitoyablement dans les yeux ; (...)
Quelquefois, hélas ! la conscience humaine supporte un fardeau d'une si lourde horreur, qu'elle ne peut s'en décharger que dans le tombeau." L'homme des Foules (Edgar Poe)